Tennis.
Ismaïl Al-Chaféï, président de
la Fédération égyptienne depuis 4 ans, fait le bilan des
progrès de la discipline et évoque ses difficultés
actuelles, alors que son mandat se termine le mois
prochain.
« Le plus important, c’est que l’Egypte possède
aujourd’hui une équipe junior »
Al-Ahram
Hebdo : Après avoir passé 4 ans à la tête de la Fédération
égyptienne, comment évaluez-vous votre mandat électoral et
le niveau du tennis en Egypte ?
Ismaïl Al-Chaféï :
Durant cette période, le tennis égyptien a réalisé un grand
progrès. A mon arrivée, le classement de nos meilleurs
joueurs était au-delà des 1 000 premiers, aujourd’hui ils
arrivent à la 350e place au classement de l’Association
professionnelle de tennis (ATP). Nous avons réalisé un
programme de tournois internationaux. Cette année, nous
avons organisé, à titre d’exemple, 20 tournois
internationaux en Egypte, ce qui a beaucoup amélioré le
niveau des joueurs. La sélection nationale a pour sa part
réalisé une bonne performance aux Jeux panarabes et aux Jeux
africains. Cette année, nous avons réussi à rester dans le
groupe II de la zone euro-africaine de la Coupe Davis, une
performance très satisfaisante pour les joueurs qui, depuis
longtemps, n’ont pas réalisé un tel résultat. Il est vrai
que les Egyptiens n’ont pas pu se qualifier pour les Jeux
olympiques de Pékin, mais c’était normal. Puisqu’en tennis,
la qualification olympique ne se fait pas à travers les
éliminatoires continentales, mais plutôt par le biais du
classement mondial, les joueurs qui sont dans le top 85 sont
les seuls à se qualifier.
— Pourquoi avez-vous décidé de ne pas poser votre
candidature pour le poste de président lors des prochaines
élections de la fédération ?
— J’ai pris cette décision il y a longtemps. Dès mon
arrivée, j’avais certains objectifs, mais malheureusement,
je n’ai pas pu les concrétiser tous. Donc, j’ai simplement
décidé d’offrir l’occasion à quelqu’un d’autre d’essayer de
faire mieux que moi.
— Quels ont été vos objectifs ?
— Primo, j’ai voulu améliorer le niveau des joueurs, j’ai
voulu qu’ils intègrent le top 200, une mission qui était
très difficile. Pour que les joueurs améliorent leur
classement, ils doivent disputer un grand nombre de tournois
internationaux, ce qui demande de l’argent et c’est ce qui
nous fait défaut. A plusieurs reprises, j’ai été obligé
d’envoyer au tournoi un ou deux joueurs seuls, sans
entraîneur, pour réduire les dépenses. Secundo, j’avais
envie d’augmenter la base des pratiquants afin aussi
d’améliorer le niveau du tennis égyptien. Nous avons
seulement 1 200 joueurs inscrits à la Fédération égyptienne,
ce qui constitue un nombre très faible. Mais le plus
important c’est que l’Egypte possède aujourd’hui une équipe
junior, chose qui n’existait pas avant. Par exemple, Mohamad
Safouat et Karim Maamoun sont deux jeunes joueurs âgés de 17
ans et qui pourront intégrer l’équipe nationale dans 2 ans.
De plus, durant mon mandat, j’ai pu améliorer le niveau des
entraîneurs égyptiens. 76 entraîneurs ont pris le certificat
du niveau 1 de la Fédération internationale et 14
entraîneurs ont pris le certificat du niveau 2. Le niveau 1
entraîne les débutants, tandis que le niveau 2 entraîne les
juniors. L’amélioration du niveau des entraîneurs se reflète
par conséquent sur le niveau des joueurs.
— Quelles ont été les difficultés rencontrées dans votre
mission ?
— Le manque de moyens financiers, toujours. A mon arrivée,
j’ai effectué une étude et je l’ai envoyée au ministère de
la Jeunesse puis au Comité national du sport. J’ai demandé
un budget de 6 millions de L.E. mais ils ne nous ont octroyé
que 2 millions, une somme insuffisante pour améliorer la
situation de ce sport en Egypte. Les joueurs doivent
disputer au minimum 25 tournois internationaux par an, ce
qui exige beaucoup plus d’argent. Le pire est que la
sélection nationale ne possède même pas de directeur
technique. Nous avons fait appel à Moustapha Naïm pour
entraîner la sélection durant les matchs de la Coupe Davis,
mais je voulais offrir un cadre technique à l’équipe avec un
psychologue et un préparateur physique. De plus, la
Fédération égyptienne ne possède pas de centre
d’entraînement. L’équipe nationale s’entraîne dans les
clubs. Et pour organiser un tournoi en Egypte, il fallait
demander aux clubs de l’accueillir. Et ce, sans oublier que
le manque de terrain de tennis constitue un problème majeur
pour le développement de ce sport. Aujourd’hui, le nombre de
terrains a beaucoup diminué par rapport au passé. Par
exemple, le club Héliopolis, club phare du tennis, avait
dans le passé 25 courts de tennis pour 5 000 membres, tandis
qu’aujourd’hui il n’en existe plus que 9 pour 30 000
membres. Ce qui se répercute négativement sur le nombre de
pratiquants.
— Pensez-vous que la création de nouveaux clubs dédiés au
tennis peut relancer la discipline ?
— Bien sûr. Quatre académies privées ont été créées en
Egypte. Aujourd’hui, il existe les clubs Smash, Wadi Degla,
Palm Hills et Ahmad Al-Gamal Camp. Ces 4 clubs sont à
l’origine des académies de tennis fondées par des hommes
d’affaires. Grâce à ces nouveaux clubs, les terrains de
tennis et le nombre de pratiquants ont augmenté durant les
dernières années. Les résultats de leur travail se feront
ressentir assez prochainement.
— Comment jugez-vous le niveau des seniors tennismen
égyptiens ?
— En senior, l’Egypte ne possède que 3 joueurs, Mohamad
Maamoun, Karim Maamoun et Chérif Sabri. Ces joueurs sont
très talentueux et possèdent un bon état d’esprit et une
volonté extraordinaire. Avec des moyens financiers très
limités, ils ont réalisé des excellents résultats. Mais ils
ont un grand problème, Karim a aujourd’hui 30 ans et Mohamad
a 27 ans, donc ils ne pourront pas jouer pendant encore très
longtemps. Je crois qu’ils sont arrivés à leur meilleur
niveau, qui est de se classer dans le top 350, et j’espère
qu’ils conserveront leur classement actuel. Ils ont
également un grand rôle à jouer, ils devront passer leur
expérience aux jeunes joueurs et les aider à devenir à leur
tour seniors.
— Pourquoi l’Egypte ne possède-t-elle que ces 3 joueurs en
senior ?
— Dans la génération qui a succédé à celle de Karim et
Mohamad Maamoun, il y avait plusieurs joueurs d’un bon
niveau. Mais à cause du mauvais système d’éducation en
Egypte, ces joueurs ont dû abandonner le sport pour se
concentrer davantage sur leurs études. Un choix très
difficile pour les joueurs, dont la plupart essaye de
concilier sport et études, sans y parvenir. S’ajoute à cela
le manque d’intérêt dans le passé pour les joueurs juniors.
Mais aujourd’hui, nous avons une très bonne équipe junior
dirigée par l’entraîneur Mohamad Ramadan avec un entraîneur
physique.
— Quelle est votre vision de l’avenir du tennis égyptien ?
— Je suis un peu pessimiste. L’atmosphère sportive en Egypte
n’est pas saine. Le Comité national du sport n’a pas les
fonds nécessaires pour le développement du sport, et le
tennis n’est pas un sport qui attire les sponsors. Donc avec
ces moyens financiers limités, cette discipline restera
telle quelle. Mais je vois un espoir avec le talentueux
joueur Karim Hossam. Ce dernier possède un potentiel
extraordinaire ; en avril dernier, il a remporté le
Championnat d’Afrique des moins de 14 ans. Puis en août,
j’ai réussi à lui offrir une bourse de la part de la
Fédération internationale pour disputer 5 tournois
internationaux en Europe où il en a remporté 2, ce qui est
un excellent résultat pour lui. La saison prochaine, il
participera aux tournois de l’Orange Ball en Floride, une
des plus grandes compétitions pour les juniors. Ce joueur
représente l’avenir du tennis, mais il a besoin d’un bon
programme de préparation avec un cadre technique stable. Il
doit bénéficier de cette préparation avec 2 ou 3 autres
athlètes, car en tennis, le joueur a besoin d’un partenaire
pour la pratique et d’un partenaire en double.
Propos recueillis par Doaa Badr