Quel est le pire ?
Salama A. Salama
«
Si le gouvernement est mauvais, alors nous, citoyens, nous
sommes pires ». Par cette phrase célèbre, l’élite politique
et certaines plumes défendent le gouvernement afin de
justifier la négligence et le laisser-aller qui ont entraîné
la catastrophe de Doweiqa et beaucoup d’autres drames
toujours attribués au destin. A leurs yeux, cette série de
drames n’est que le résultat de nos propres actes. Selon
eux, ce sont les habitants de Doweiqa, les trafiquants de
drogue, les criminels et les chômeurs qui assument la
responsabilité d’avoir construit dans ces zones
d’urbanisation sauvage sous la pente du mont Moqattam. Et
c’est par des moyens illégitimes qu’ils ont obtenu l’eau et
l’électricité, jusqu’à ce que le mal ait été fait.
Ceci bien sûr est un prétexte stérile utilisé par les
régimes en faillite pour se dérober aux erreurs et à la
responsabilité. Les peuples obtiennent en fin de compte les
gouvernements qu’ils méritent, comme on ne cesse de le dire.
Il est tout à fait correct également de dire que ces types
de gouvernement font de leur mieux pour mettre leur peuple
dans un état d’impuissance et de soumission totales à leur
sort et à leur quotidien pénible.
Il est certain que l’enracinement de la pauvreté, du chômage
et l’absence de dimension sociale dans les différentes
agglomérations, accompagnés d’un taux élevé d’analphabétisme
sont les caractéristiques distinctives d’un peuple noyé dans
le silence et incapable par conséquent de revendiquer ses
droits. Dans un tel contexte, il est tout à fait normal que
la vie ne prenne pas son cours normal et que l’arrivisme et
l’hypocrisie prennent le dessus.
L’Etat
s’est tourné avec un grand intérêt vers les politiques de
développement économique, dont il vante les taux de
croissance. Une logique fausse répandue par les membres de
la commission des partis a alors prédominé, selon laquelle
la hausse des revenus, l’amélioration de la qualité de vie,
l’augmentation du nombre de voitures et de réfrigérateurs au
sein de la classe moyenne est une preuve que l’Egypte est
sur le point de sortir du sous-développement. Selon les
tenants de cet avis, ce qui reste de la pauvreté sera
anéanti par la baguette magique des hommes d’affaires qui
amèneront avec eux la prospérité.
Cependant, l’aspect, à mon avis, le plus important que
l’Etat a oublié intentionnellement ou a ignoré est le
développement social qui repose sur la participation
populaire, l’activation de la société civile, la garantie
des libertés politiques et partisanes, la mise en place d’un
système électoral intègre contribuant à une gouvernance
raisonnable. Le développement social dicte également le non
recours à l’oppression pour faire face aux problèmes. Mais
en réalité, c’est le contraire qui a lieu. L’Etat, pour
contrer la colère des habitants de Doweiqa, suite à la
catastrophe, a eu recours aux forces de sécurité et a imposé
une désinformation. Le bâton était absent et la carotte est
apparue au lieu de convaincre les citoyens et de les
impliquer dans la résolution du problème.
C’est
l’élite au pouvoir qui mène, qui oriente et qui instaure les
politiques qu’elle exécute. Si l’Etat se trouve incapable
d’élever le niveau du citoyen pour plus de responsabilité,
c’est à lui seul qu’incombent les injustices et les erreurs.
Au cas où ces élites échoueraient dans leur mission vers la
modernisation de la société et la diffusion des valeurs du
progrès, de la liberté et de la justice, alors il faut
absolument la changer ... c’est la réalité de ce que nous
vivons.