Les grands demeurent éternels
Mohamed Salmawy
La
commémoration du jour de la mort est une tradition qui
remonte à très loin et qui était bien ancrée dans l’histoire
ancienne. Les fresques des grandes tombes pharaoniques
illustrent les pleureuses qui hurlaient et se lamentaient
sur le sort de la personne décédée et étaient rémunérées.
D’ailleurs, elles touchaient une somme d’argent de plus en
plus grande plus les cris s’élevaient et les lamentations se
multipliaient.
A l’époque moderne, le monde civilisé célèbre la naissance
et non la mort des grands qui ont fait l’Histoire, car les
grands restent éternels dans les annales de l’Histoire et ne
meurent pas. Ainsi, avons-nous célébré le centenaire et
noces d’or de la naissance d’un grand nombre d’hommes de
lettres à travers le monde. Leurs noms ne sont pas éternisés
par les cérémonies de condoléances qui commémorent la date
de leur mort, mais c’est leur date d’anniversaire qui reste
célèbre, car la mort n’est pas une occasion de célébration.
La France ne célèbre pas chaque année la mémoire de la mort
de Molière ; l’Allemagne non plus ne célèbre pas la
mort de Goethe, ni l’Espagne celle de Cervantes. Mais vous
trouverez plutôt des cérémonies périodiques organisées pour
célébrer la naissance de la plupart des grands noms.
D’ailleurs, c’est la naissance qui les a mis au monde et qui
a fait d’eux des talents, ayant enrichi l’humanité, chacun
dans son domaine.
J’avais
eu l’occasion l’hiver dernier de rencontrer l’ex-premier
ministre finlandais, Paavo Lipponen, qui a été désigné
responsable des cérémonies qui étaient organisées à ce
moment-là, pour célébrer le centenaire de la naissance du
grand romancier finlandais Mika Waltari. C’est l’auteur d’un
des plus célèbres romans mondiaux qui n’est autre que
Sinouhé l’Egyptien qui a eu de larges échos et qui a été
traduit dans la plupart des langues. Nous avons trouvé
beaucoup de points communs entre le romancier finlandais et
notre grand écrivain Naguib Mahfouz, et ceci après plusieurs
séances de discussions. A l’issue de ces séances, nous avons
décidé de tenir une grande cérémonie pour célébrer la
naissance de Naguib Mahfouz en décembre prochain au siège de
l’Union des écrivains en Egypte. Il était convenu que c’est
l’ex-premier ministre finlandais qui l’inaugurera et que
l’agenda des célébrations comporterait un colloque
international intitulé « L’histoire de l’Egypte ancienne
entre Naguib Mahfouz et Mika Waltari ». Des écrivains et des
chercheurs d’Egypte et de Finlande sont attendus à ce
colloque pour un dialogue conjoint.
Ce colloque coïncidera avec la cérémonie annuelle de
l’Université américaine du Caire (l’AUC) organisée à
l’occasion de la célébration de la naissance de Mahfouz et
qui célèbre sa naissance et non sa mort. Au cours de cette
cérémonie, l’AUC désigne le lauréat du prix qui porte son
nom et invite à cette occasion une personnalité éminente
pour prononcer une allocution sur Naguib Mahfouz. Il y a
deux ans, Nadine Gordimer, prix Nobel de littérature, avait
prononcé le discours mémorial alors que j’ai eu l’honneur de
prononcer l’allocution l’an dernier.
La semaine dernière, un nombre d’écrivains iraqiens qui
étaient présents à l’Union des écrivains voulaient célébrer
le grand poète iraqien Mohamed Mahdi Al-Gawahri, à
l’occasion de la onzième mémoire de sa mort. Mais lorsque le
programme de la cérémonie nous a été proposé, nous nous
sommes rendu compte que l’occasion coïncidait également avec
le centenaire de la naissance d’Al-Gawahri. Nous avons alors
décidé de changer l’événement pour célébrer le centenaire de
sa naissance. D’ailleurs, le Dr Medhat Al-Gayar, président
du colloque, n’a pas omis dans son discours d’ouverture de
faire l’éloge de ce changement introduit par l’Union des
écrivains d’Egypte.
C’est ainsi que les grands de notre monde doivent être
célébrés. Et c’est ainsi que leur mémoire doit être
éternisée dans les annales de l’Histoire et non pas par les
cris et les lamentations comme le faisaient les pleureuses
dans les funérailles des temps anciens.