Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Le grand saut de Réhab
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 24 au 30 Septembre 2008, numéro 733

 

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Nulle part ailleurs

Femmes. Voltiger dans l’air et admirer Le Caire d’en haut, tel est le métier de Réhab Abdel-Halim, première parachutiste en Egypte à se lancer dans les chutes libres. L’histoire d’une grande aventurière qui a fait 194 sauts à 4 000 mètres d’altitude. Focus.

Le grand saut de Réhab

Trois, deux, un, zéro. La rame arrière de l’aéronef s’ouvre. Le dos courbé, le cou et les épaules en avant, une jeune femme est larguée avec une extrême rapidité à 4 000 m d’altitude. Dans un ciel clair et serein et sous l’effet de l’apesanteur, elle commence à voltiger parmi les nuages. Quelques secondes plus tard, c’est le tour d’un homme de se lancer dans le vide. Les deux parachutistes se servent principalement des bras et du bassin pour maintenir leur position. Ils portent des combinaisons souples, en forme d’aile, pour transformer leur corps en une sorte d’aile d’avion. Les combinaisons se gonflent d’air dès que les parachutistes sortent de l’avion, générant alors une portance leur permettant de la sorte de réduire leur vitesse de chute. En fait, leurs sauts se font en « libre », le but étant de conserver une proximité d’environ 2 à 5 m l’un et l’autre et de chute au même niveau. Réhab, la jeune femme, est la leader qui servira de référence à son collègue. C’est elle qui décidera de la direction, de l’angle de la chute libre par rapport au sol et donc de la vitesse sur la trajectoire du saut. Mais l’exaltation du vol ne commence qu’une fois la voile (parachute) ouverte. Et précisément, au moment du swooping (ou de la descente) qui consiste à prendre une vitesse verticale très importante au moyen d’un virage bas, et à la transformer en vitesse horizontale pour glisser sur le sol. Son collègue effectue des virages pendant le saut comme si c’était une véritable danse dans le ciel et commence à voler en binôme, tout en concevant des figures, et en s’accrochant par les pieds à la voile de Réhab.

En fait, ce scénario n’est qu’une œuvre d’imagination de Réhab, quelques minutes avant d’être larguée de l’avion. « Chaque fois et avant de sauter, je ferme les yeux, commence à tisser un plan, imaginer et calculer tout détail depuis ma sortie de l’avion, le voltige et l’ouverture de la parachute jusqu’à l’atterrissage. La moindre erreur pourrait me coûter la vie, et ce saut virtuel me garantit le succès de ma vraie chute dans le vide », explique Réhab Abdel-Halim, lieutenant et infirmière dans les forces armées. Elle est la première parachutiste en Egypte à faire une chute libre de 4 000 m d’altitude. Native de Dowar Gila, un village dans le gouvernorat du Fayoum, cette jeune fille, âgée de 23 ans, a réussi à voltiger dans l’air et à faire 194 sauts jusqu’à présent. Son histoire avec le parachutisme a commencé lorsqu’elle a terminé son bac et rejoint l’Institut paramédical dépendant des forces armées. Or, son adhésion à cette école militaire ne s’est pas faite par hasard. « Lorsque j’étais petite et que l’on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais : officier. Et j’ai réalisé ce rêve qui a trotté longtemps dans la tête », confie-t-elle, toute émue, en ajoutant que parmi les conditions d’adhésion à cet institut, il fallait un bon pourcentage et une grande maîtrise de l’anglais. Son père, qui travaillait aussi dans l’armée, l’a encouragée à poursuivre de telles études et à pratiquer surtout du sport. « Pour réaliser un tel exploit, il faut en premier lieu être en bon état physique, et ce n’est pas tout. La personne doit avoir une volonté d’acier et la capacité de résistance qui lui permet de supporter les situations difficiles », explique-t-elle. Cependant, une fois admise à l’institut, elle a pris part à plusieurs activités, entre autres la pratique du saut principal, qui fait partie du programme de la formation et est obligatoire pour tous les étudiants. Ayant passé ce stage avec succès, et après avoir vu un CD sur un saut libre, Réhab décide de poursuivre ses études, se distingue dans la pratique du saut en parachute et devient la première femme dans l’armée, mais aussi dans toute l’Egypte à pouvoir sauter en chute libre. « Il ne faut pas attendre que la chance frappe à votre porte, il faut lui courir après. Et si l’être humain se fixe un objectif et un programme, il peut l’atteindre. Voltiger dans l’air parmi les nuages a été donc un rêve qui m’a habitée depuis mon inscription à l’institut. J’aimerais exploiter mon expérience en tant que parachutiste et membre des forces armées pour soigner les malades dans les régions les plus éloignées en cas de guerre ou de catastrophe », dit-elle, tout en ajoutant que face à son insistance, les responsables ont fini par l’accepter et ouvert la porte à d’autres femmes pour se lancer dans ce nouveau domaine. En fait, Réhab est du genre à foncer. Son regard déterminé traduit une volonté de résister à toute épreuve.

Vivre le risque et l’aventure

Elle a passé le stage de formation du Jump Master, a suivi des entraînements pratiques dans l’espace ainsi que des exercices physiques afin d’atteindre le poids idéal. « Le parachutiste doit se diriger dans la même direction du vent et savoir agir rapidement. Il ne pourrait le faire aisément s’il a de l’embonpoint ou est trop maigrichon. Avoir un poids minimum de 50 kg et jouir d’une bonne santé figurent parmi les critères de recrutement », explique Réhab qui mesure 1,71 m et pèse 60 kg. Assoiffée du goût du risque, elle recherche l’exaltation et les sensations fortes. «  Papillonner dans l’air comme un oiseau et admirer Le Caire d’en haut avec ses maisons en boîtes d’allumettes et ses habitants transformés en fourmis est une expérience fabuleuse. En observant le monde d’en haut, j’ai senti la grandeur de Dieu qui a créé cet univers », décrit-elle, tout en ajoutant qu’elle ne parvient pas encore à exprimer les sentiments qu’elle a ressentis lors du premier saut. Des sentiments partagés entre le goût du risque, la joie et la peur. « C’est une aventure dont j’assume toute la responsabilité depuis le moment de largage de l’avion, le voltige dans l’espace et l’ouverture du parachute jusqu’à l’atterrissage ». Pour le saut opérationnel, le parachutiste est largué d’une façon sécurisée, autrement dit c’est un saut en ouverture automatique à une altitude de 800 ou 1 000 mètres, suivi de « poignées-témoin » et au cours duquel le parachutiste tire sur la poignée d’ouverture de son parachute, qui est en réalité ouvert, après trois secondes, par la sangle d’ouverture automatique qui le relie à l’avion. Ce qui garantit l’ouverture de la voilure même si le geste du voltigeur est incorrect. Alors que dans la chute libre, le parachutiste s’élance de la rampe arrière de l’avion au lieu des portes, à une altitude de 4 000 mètres, ce qui est plus difficile. Il déclenche lui-même l’ouverture de son parachute en tirant sur une commande, accompagné d’un moniteur qui surveille et corrige sa position. Il doit donc choisir l’altitude à laquelle il va ouvrir son parachute. Une discipline qui nécessite non seulement une parfaite maîtrise et connaissance des caractéristiques de la voile pour éviter l’impact avec le sol, notamment lorsque le parachute s’ouvre manuellement, mais aussi une grande attention et concentration, car la moindre erreur peut être mortelle. Réhab précise que le parachutage peut se faire de jour comme de nuit et que la contrainte principale est la vitesse du vent et le mauvais temps. En fait, cette jeune femme parle avec une confiance de quelqu’un qui aurait touché les nuages, et les appréhensions de son entourage ne la freinent guère. « Ma famille avait apprécié l’idée que je m’inscrive dans cet institut militaire et pratique le parachutisme, mais ma mère ne peut s’empêcher de montrer son inquiétude et sa peur à chaque fois que je fais un saut et n’est rassurée que lorsque j’ouvre mon mobile pour lui dire que tout s’est bien passé », confie-t-elle, tout en ajoutant que ses parents sont très fiers d’elle, notamment après avoir été honorée par le commandant général des forces armées et le ministre de la Défense et la Production militaire, Hussein Tantawi, et aussi par le président Moubarak qui lui a remis une décoration du devoir militaire du second degré.

Et bien qu’elle ait fait 194 sauts, l’inquiétude la domine à chaque fois. C’est le moment décisif. Réhab s’apprête à faire son saut pour mettre en pratique le scénario qui a défilé dans sa tête. Elle porte deux parachutes, un principal dit dorsal placé sur le dos et un autre de réserve accroché sur le harnais du dorsal. Elle vérifie une dernière fois leur état, récite quelques versets du Coran et jette un coup d’œil sur la zone de l’atterrissage. Réhab commence à voltiger dans l’air et n’ouvrira son parachute qu’après une longue chute libre. Soudain, elle entend un petit craquement. Elle panique en pensant que sa voile s’est peut-être déchirée, ce qui veut dire la fin pour elle. Un petit instant d’angoisse puis elle reprend confiance et papillonne de nouveau dans l’air. « Cet instant m’a semblé interminable, j’ai revu ma vie défiler devant moi comme un film de cinéma. Vraiment, la vie n’est qu’un moment à vivre ».

Chahinaz Gheith

 




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