Soudan.
La situation au Darfour reste entièrement bloquée, notamment
après la reprise des combats. Paris mise sur davantage de
pression sur Khartoum pour qu’il donne des gestes de bonne
volonté en échange d’une suspension de la CPI visant Omar
Al-Béchir.
Béchir au pied du mur
Avec une reprise des combats depuis plusieurs semaines,
l’impossibilité d’atteindre l’objectif fixé pour le
déploiement de la force mixte Onu-Union Africaine (UA) d’ici
à la fin de l’année, et l’éventualité pour le président Omar
Al-Béchir de se voir juger par la Cour Pénale Internationale
(CPI) pour génocide, le dossier du Darfour reste pour
l’heure sans issue. Et les espoirs de paix de plus en plus
limités. Pourtant, çà et là, des tentatives de règlements
sont entreprises pour régler la situation. Pour le président
Béchir, accusé de génocide et mal en point vis-à-vis de la
communauté internationale, il est aujourd’hui nécessaire de
trouver une solution interne à la crise. Il s’agirait là
pour lui d’une possible issue de secours qui lui éviterait
d’être jugé par la CPI. Ainsi, soucieux de regagner la
confiance de l’Armée de libération du Soudan, (SLA), il a
dépêché le week-end dernier son vice-président, Ali Osman
Taha, à El-Facher, capitale de l’Etat du Darfour-nord, pour
s’entretenir avec Minni Minawi, chef de la SLA, seul groupe
rebelle du Darfour qui ait signé la paix en 2006. A l’issue
de leurs entretiens, les deux hommes se sont engagés à
coopérer à l’application de cet accord, selon une annonce
faite par la Mission de l’Onu et de l’Union africaine au
Darfour (Minuad). « Le gouvernement est déterminé à mettre
en œuvre l’accord de paix en dépit des difficultés, qui se
résoudront avec de la patience », a déclaré de son côté Taha,
selon l’agence soudanaise Suna. Car les difficultés sont
sérieuses, d’autant plus que la violence a repris ces
dernières semaines au Darfour. Selon le chef de la SLA,
Minni Minawi, quatre de ses hommes sont morts la semaine
dernière dans l’attaque d’une de ses bases au Darfour par
l’armée.
D’autre
part, l’armée soudanaise a poursuivi au début de cette
semaine une offensive lancée début septembre contre des
positions rebelles au Darfour, selon des responsables de la
rébellion, tandis que la Minuad a fait état de mouvements de
troupes. Des combattants de la SLA ont fait état d’un pic de
violences ces deux dernières semaines, avec des combats
intenses entre les rebelles et les forces gouvernementales
appuyées par les milices qui leur sont alliées. Le week-end
dernier, les rebelles avaient indiqué qu’une centaine de
véhicules du gouvernement avaient lancé une attaque avant
d’être repoussés par des factions de la SLA, réunies pour
l’occasion. Selon les rebelles, des milliers de civils ont
fui les combats de la semaine dernière, et des villages ont
été pillés et brûlés par les milices pro-gouvernementales.
Mais l’armée soudanaise, elle, a démenti toute offensive au
Darfour.
Dans ce
climat, on se demande si la rencontre entre les deux hommes
et l’engagement pris de part et d’autre seront à même de
stopper les violences et surtout de créer un nouveau climat
de confiance. M. Minnawi, qui était devenu conseiller
présidentiel après la signature de la paix avec Khartoum,
était retourné au Darfour il y a trois mois en faisant part
de sa frustration quant à la mise en œuvre de l’accord de
paix. Pour l’heure, il n’a pas fait de commentaire
concernant sa rencontre avec M. Taha.
Ces
nouveaux combats interviennent au moment où la pression
internationale augmente sur le président soudanais Omar Al-Béchir,
menacé par un possible mandat d’arrêt pour génocide au
Darfour de la CPI. Cependant, à ce sujet, la France a ouvert
la porte vendredi à une éventuelle suspension de la
procédure contre Béchir en échange de « gestes » de bonne
volonté sur le dossier du Darfour. Alors que la CPI doit se
prononcer dans les prochaines semaines sur un mandat d’arrêt
contre M. Béchir, Paris a indiqué ne pas être hostile à un
compromis, sans préciser clairement les termes de la
négociation. « Ce que nous souhaitons, c’est relancer la
recherche, par le dialogue, d’un règlement de paix » au
Darfour, a-t-on indiqué à la présidence française. « Si ce
dialogue se renoue, s’engage dans de bonnes conditions,
progresse bien, si le gouvernement soudanais fait des gestes
en direction de la CPI, alors cela aurait du sens de
réfléchir à la façon dont le Conseil de sécurité pourrait
tenir compte de cette nouvelle situation », a-t-on ajouté.
D’après les statuts de la CPI, le Conseil de sécurité de
l’Onu peut décréter un gel de 12 mois renouvelables des
enquêtes ou poursuites initiées par la cour. L’UA a déjà
annoncé son intention de demander ce report à l’occasion de
l’Assemblée générale de l’Onu qui a entamé ses travaux ce
mardi. Le geste attendu par Paris concerne notamment les
deux autres responsables soudanais pour lesquels des mandats
d’arrêt ont déjà été délivrés en 2007 par la CPI. Khartoum a
toujours refusé de livrer à la justice internationale Ahmed
Haroun, ministre aux Affaires humanitaires, et Ali Kosheib,
un chef des miliciens pro-gouvernementaux janjawids,
réclamés par la CPI pour leur rôle dans les crimes au
Darfour. Le ministère français des Affaires étrangères a
exigé vendredi du Soudan « le respect des décisions déjà
prises par la CPI » concernant ces deux hommes. Mais des ONG
ont évoqué un compromis qui laisserait Khartoum juger
lui-même les deux accusés.
Abir
Taleb