Palestine.
Les incertitudes quant aux chances de formation d’un
gouvernement israélien engagé sur la voie de la paix
poussent au pessimisme l’Autorité palestinienne.
Incertitudes sur l’échéance d’Annapolis
La
démission dimanche du premier ministre israélien, Ehud
Olmert, a plongé le processus de paix israélo-palestinien
dans l’incertitude la plus totale. Attendue depuis quelques
jours, cette décision compromet toute avancée significative
dans les négociations, au point mort depuis leur lancement à
la suite de la conférence d’Annapolis en novembre 2007.
Aujourd’hui, les Palestiniens accrochent leur espoir au
probable prochain chef de gouvernement israélien, la
ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, victorieuse
mercredi dernier des primaires du Kadima, le parti au
pouvoir de M. Olmert. Le président palestinien Mahmoud
Abbass a téléphoné jeudi à Mme Livni pour la féliciter de sa
victoire, après que le négociateur palestinien Saëb Erakat
eut exprimé l’espoir que son élection à la tête du parti
entraînerait des négociations « sérieuses ». Tzipi Livni est
directement impliquée dans les négociations qui,
jusqu’alors, n’ont débouché sur aucune percée concernant les
dossiers centraux, notamment Jérusalem et les réfugiés,
alors qu’Israéliens et Palestiniens tentent de parvenir à un
accord de paix avant la fin de l’année et le départ du
président américain George W. Bush, conformément à
l’engagement pris à Annapolis.
Tout dépend de la capacité de Mme Livni de former un
gouvernement qui serait à même de poursuivre les pourparlers
avec les Palestiniens. Si la nouvelle dirigeante du parti
centriste Kadima est la mieux placée pour former un nouveau
gouvernement, elle n’a toutefois aucune assurance à ce stade
d’obtenir l’appui indispensable d’une majorité de députés.
La tâche s’annonce donc difficile après une victoire à
l’arraché sur son rival, le ministre des Transports, Shaul
Mofaz, aux primaires du Kadima et compte tenu des fortes
réticences des partenaires de l’actuelle coalition. Tzipi
Livni s’est prononcée pour le maintien de la coalition sous
sa forme actuelle, qui s’appuie sur quelque 65 députés sur
un total de 120. Le sort de la future coalition que Mme
Livni entend former dépend de la position du parti
ultra-orthodoxe Shass. Son chef et vice-premier ministre,
Eli Yishaï, a déjà posé des conditions à la participation de
son parti à un gouvernement Livni, notamment que celui-ci «
écarte toute négociation sur l’avenir de Jérusalem ».
Or, un accord sans Jérusalem est totalement exclu par
l’Autorité palestinienne. « Nous n’accepterons aucun accord
excluant un quelconque dossier, notamment Jérusalem ou les
réfugiés », a-t-elle expliqué. Le statut futur de la partie
orientale de la ville, annexée par Israël après sa conquête
en juin 1967, constitue une des principales pierres
d’achoppement dans les pourparlers avec les Palestiniens.
Ceux-ci entendent en faire la capitale de leur futur Etat.
Abbass refuse un accord partiel
Déjà, la direction palestinienne avait refusé un accord
partiel qui exclurait Jérusalem, proposé par le premier
ministre démissionnaire Ehud Olmert, qui expédie désormais
les affaires courantes en attendant la formation d’un
nouveau gouvernement. M. Olmert espérait parvenir, avant le
départ du président Bush en janvier, à un accord avec
Mahmoud Abbass sur un document qui récapitulerait par écrit
les grandes lignes des points d’accord conclus depuis la
relance des négociations à Annapolis. Ce document
n’entrerait pas dans les détails et laisserait de côté dans
un premier temps l’avenir de Jérusalem-Est, ce que refusent
les Palestiniens. Selon les médias israéliens, M. Olmert a
proposé au président palestinien un projet d’accord
prévoyant un retrait israélien de 93 % de la Cisjordanie. En
échange des 7 % de cette région qu’Israël entend conserver
afin d’annexer les grands blocs d’implantations — où vivent
la grande majorité des 250 000 colons israéliens —, M.
Olmert a suggéré de transférer des terres aux Palestiniens
près de la bande de Gaza. M. Olmert n’a pas donné de détails
sur ce qui avait été négocié en matière de territoires. Il a
toutefois indiqué qu’Israël devrait indemniser les
Palestiniens pour les terres qu’il espère conserver « à un
ratio proche de 1 pour 1 ». Selon des responsables
palestiniens, Ehud Olmert a proposé un échange qui
accorderait aux Palestiniens une bande de terre jouxtant la
bande de Gaza.
Réagissant à la proposition d’Olmert qui voulait avant tout
donner l’impression d’avoir réalisé une percée, le
conseiller politique de M. Abbass, Nimer Hammad, a souligné
que le « facteur temps » ne pousserait pas les Palestiniens
à accepter « n’importe quel accord » avant le départ du
président américain qui a fait du règlement du conflit
israélo-palestinien l’une des priorités de son second
mandat.
Le problème du parti Shass qui veut exclure Jérusalem de
toute négociation avec les Palestiniens n’est pas le seul
que doit résoudre Mme Livni pour former un gouvernement
capable de poursuivre le processus de paix. La ministre des
Affaires étrangères fait face à une possible alliance de
deux anciens chefs de gouvernement, Ehud Barak
(travailliste), actuel ministre de la Défense, et Benyamin
Netanyahu (Likoud), qui se sont rencontrés samedi à
Tel-Aviv. Tous deux s’inquiètent de l’arrivée au pouvoir de
Mme Livni, qui pourrait, au gouvernement, renforcer sa
popularité. Les deux hommes se sont déclarés favorables à un
gouvernement « d’urgence nationale », en allusion à un
cabinet qui regrouperait les Travaillistes, le Likoud et
Kadima.
L’Autorité palestinienne demeure donc très sceptique sur la
possibilité de respecter l’échéance décidée à Annapolis. M.
Abbass a ainsi estimé qu’il y avait peu d’espoir de conclure
un accord de paix avec les Israéliens avant la fin de
l’année. Même son de cloche chez le chef des négociateurs
palestiniens, Ahmad Qoreï, qui s’est, lui, aussi montré
pessimiste. « Je ne pense pas qu’on aura un accord d’ici la
fin de l’année, bien que nous y travaillions », a-t-il
souligné devant les cadres du Fatah, parti de M. Abbass.
Hicham Mourad