Lire. Islam, art et
architecture, publié par les presses de l’Université américaine du Caire,
apporte d’importantes informations sur le monde musulman classique, sa culture,
son histoire et sa religion.
La saga d’une nation
Un
ouvrage quasiment encyclopédique, qui retrace l’histoire et les grands thèmes
de l’art et de l’architecture islamiques, essaye surtout de préciser les
origines socioculturelles de chaque tendance et de chaque style. L’Etat
musulman a été un véritable empire qui s’était tendu de l’Andalousie à l’ouest
jusqu’à l’Extrême-Orient comprenant des pays qui avaient leur ancienne
civilisation et leurs écoles artistiques, d’où une très grande diversité et une
grande richesse. Passer en revue pareille évolution et présenter les
différentes tendances de l’architecture et de l’art ainsi que l’esprit même des
artistes créateurs est une véritable gageure réussie par Markus Hattstein et
Peter Delius qui ont obtenu la collaboration d’une vingtaine d’autres
spécialistes. Autre défi, présenter les illustrations permettant aux lecteurs
de prendre connaissance de cette civilisation aux thèmes multiples. L’ouvrage
sur ce plan est bien servi, les images sont magnifiques et impressionnantes. Il
reste que cette texture encyclopédique peut rendre difficile une lecture faite
de bout en bout. On sélectionne donc, on tourne les pages, on lit, on
contemple, on fait ainsi le tour comme un visiteur qui se rend dans les
différents pays ou un téléspectateur qui zappe. Mais si l’on suit l’ordre, nous
commencerons avec la Syrie, la Palestine, l’Iraq, l’Iran, l’Egypte, le Maghreb,
l’Espagne et la Sicile. Ensuite, ce sont les empires de l’Asie Centrale et de
l’Asie Mineure des Mongols et finalement l’Empire ottoman.
Les
chapitres sur les Mongols paraissent les plus attirants, puisqu’ils mettent en
valeur les aspects souvent négligés par d’autres chercheurs ou par le public
lui-même pour lequel un certain préjugé fait de ses peuples plutôt des
conquérants et des destructeurs que des bâtisseurs. En fait, l’imagerie de la
guerre, les chevauchées dans les steppes constituent les plus beaux
chefs-d’œuvre de cet art. Les Timurides commandés par Tamerland (Timur-Lang)
sont considérés comme les plus grands conquérants de l’histoire musulmane,
selon les auteurs du livre. Les chroniqueurs leur reprochent violence et
destruction. Mais l’image de leurs cavaliers progressant arme en main et
drapeau levé est très impressionnante avec les plus belles couleurs. Une des
pages les plus intéressantes est celle de la bataille de Tamerlan contre
Bayazid en 1392. Le conquérant avait décidé de se diriger vers l’ouest. En
1393, il investit Bagdad. En 1394, le sultan Barqouq qui gouvernait l’Egypte
fait alliance avec les Ottomans et plusieurs princes d’Anatolie et prend
position avec leur armée à Damas. Tamerlan évite cependant toute confrontation
et se replie vers le nord à Toqtamiche. Mais à la mort de Barqouq dont les
chroniques cairotes évoquent le règne avec beaucoup d’intérêt, Tamerlan avance
de nouveau vers l’ouest, s’empare d’Alep et parvient jusqu’à Damas où il
rencontre Farag, fils de Barqouq. Les deux armées sont face à face. Farag perd
les nerfs et s’enfuit vers l’Egypte. Damas se soumet à Tamerlan, ce qui n’évite
pas son pillage. Le conquérant se retire ensuite vers l’Iraq. Un épisode
intéressant qui restitue une certaine atmosphère.
Un
livre intéressant donc, à garder dans sa bibliothèque, et qui permet de rêver
de certaines périodes que l’on croit oubliées.
Ahmed Loutfi
Islam, Art and Architecture,
Markus Hattstein et Peter Delius,
AUC Press 2008.