Sacs en Plastique.
Déjà interdits dans plusieurs pays européens et même
africains en raison de leurs effets néfastes pour la nature,
en Egypte c’est la ville d’Hurghada qui va les bannir dès le
1er janvier 2009.
La lutte contre le fléau commence
Pour
Albertine, journaliste rwandaise récemment en visite au
Caire pour participer à un atelier de travail sur le bassin
du Nil, pas question de revenir au pays avec des bagages
remplis de sacs en plastique. Et pour cause : « Une loi, qui
date de deux ans, a interdit leur usage, pour protéger
l’environnement », dit-elle fièrement. De quoi laisser
pantois ses collègues égyptiens. Comment le Rwanda, un des
pays les plus pauvres au monde, a-t-il pu prendre une telle
mesure en faveur de l’environnement, alors que l’Egypte
échoue à protéger le sien sous prétexte de pauvreté et
autres problèmes socio-économiques ? Le Rwanda n’est pas le
seul pays africain à interdire les sacs en plastique.
L’Afrique du Sud a en fait été la première du continent à
prendre le pas et imposer une taxe sur les autres
emballages, faisant chuter rapidement de 80 % la quantité de
sacs utilisés.
En République démocratique du Congo, c’est la ville de
Lubumbashi qui fait figure de pionnière pour avoir interdit
l’usage de sacs en plastique en zone urbaine. A Kinshasa, ce
même projet n’a finalement pas eu de suites. Tandis que le
Kenya, l’Ouganda, l’Erythrée et autres pays africains sont
aussi sur la liste d’honneur. Car un peu partout dans le
monde, la chasse aux sacs en plastique, fabriqués avec des
sous-produits pétroliers qui mettent des centaines d’années
à se décomposer, est ouverte. C’est en Irlande qu’ils ont
été bannis les premiers. En France, ils ont commencé à
disparaître des supermarchés et devraient être totalement
supprimés en 2010. Ils seront remplacés par des sacs en
plastique biodégradables à base de pommes de terre ou
d’amidon de maïs.
En Egypte, la situation est moins reluisante. Le plastique
représente 6 % des 16 000 tonnes de déchets par jour au
Caire et ce chiffre augmente de 1 à 2 % par an, selon les
statistiques du ministère de l’Environnement. « Nous
achetons en moyenne 500 kg de sacs en plastique par mois.
Pendant les hautes saisons, comme le Ramadan, ce chiffre
double presque », annonce Mohamad Chéhata, propriétaire d’un
supermarché de taille moyenne à Madinet Nasr. Il ajoute que
la tonne lui coûte 13 500 L.E. « Les clients tiennent à
leurs sacs en plastique. Certains achètent des cartons d’eau
minérale, mais veulent transporter les bouteilles dans des
sacs en plastique, alors que cela est plus facile dans
l’emballage d’origine ! », raconte Chéhata.
Si un supermarché moyen utilise une demi-tonne de sacs en
plastique par mois, un hypermarché peut en utiliser 10 fois
plus. Sachant que l’Egypte compte une dizaine
d’hypermarchés, des centaines de supermarchés de taille
moyenne et des milliers d’épiceries, cela implique que des
milliards de sacs en plastique sont répandus dans la nature
par an. « Jetés à la poubelle, les sacs en plastique
aboutissent soit à la décharge, soit à l’incinérateur. Dans
une décharge, il faut compter plusieurs centaines d’années
pour obtenir une décomposition complète. Quant à leur
incinération, elle génère des émissions de gaz à effet de
serre comme la dioxine qui provoque différents genres de
cancer, surtout celui des poumons. Elle participe également
à l’acidification atmosphérique et à la formation d’oxydants
photochimiques », indique le Dr Mohamad Ismaïl, directeur de
la gestion des déchets dangereux au sein de l’Agence
Egyptienne pour les Affaires de l’Environnement (AEAE).
Initiative chez Carrefour
Dispersé dans la nature, il faudra à un sac plastique
jusqu’à 400 ans pour se dégrader. Mais jusqu’au triple (1
200 ans) est nécessaire en mer, selon l’épaisseur. « Les
sacs en plastique sont un danger pour les grands organismes
marins (tortues, cétacés, thons ...) en provoquant leur
étouffement ou leur étranglement lorsqu’ils les absorbent.
Chaque année, ils tuent un grand nombre d’oiseaux de mer et
de mammifères marins. Ils modifient aussi l’écosystème marin
en empêchant la pénétration de la lumière dans l’eau et
gênent le développement des micro-organismes », indique Amr
Ali, directeur de l’Association de la protection et de la
conservation de l’environnement à Hurghada (HEPCA). Il
ajoute : « Nous avons parlé avec le gouverneur et avons
réussi à le convaincre de prendre la décision d’interdire
ces sacs en janvier 2009, pour donner le temps aux magasins
de trouver des alternatives ».
De sa part, le ministre de l’Environnement, Magued Georges,
se montre satisfait de l’initiative du gouvernorat de la mer
Rouge. « Les sacs en plastique étouffent les coraux et les
mangroves de la mer Rouge et notre ministère œuvrera en
coopération avec le gouvernorat et les ONG dans des
campagnes de sensibilisation. Nous allons également
encourager le secteur privé à investir dans la production de
sacs en papier et en tissu qui sont à la fois réutilisables
et biodégradables », affirme-t-il.
A une échelle moindre, la direction des supermarchés
Carrefour a voulu prendre l’initiative d’éliminer petit à
petit l’utilisation des sacs en plastique dans ses
hypermarchés. On y trouve maintenant des sacs réutilisables
et échangeables à vie vendus 5 L.E. l’unité. Les résultats
de cette initiative lancée le 1er juillet 2008 sont jugés
satisfaisants de la part de la direction. « Nous vendons 10
000 sacs par mois aussi bien aux Egyptiens qu’aux étrangers
résidents », indique Laurent Hausknecht, directeur des
achats de Carrefour Egypte. Selon lui, vendre le « sac
écolos » permet de faire sentir au client qu’il coopère en
faveur de la protection de l’environnement de son pays. « Si
les sacs sont gratuits, ils les jetteront. Or, le but est de
protéger l’environnement », rassure Hausknecht. C’est donc
une stratégie gagnant-gagnant : les magasins réduisent leurs
coûts de fonctionnement et les clients contribuent à
diminuer les déchets émis.
Sans aucun doute, il s’agit là de plusieurs pas en avant.
Reste à étendre l’expérience sur le territoire, mais aussi
et surtout développer d’autres matières pour la fabrication
de ces contenants bien utiles.
Dalia
Abdel-Salam