Main-d’Oeuvre.
Des associations se mobilisent pour réclamer l’annulation du
système du kafil appliqué dans les pays du Golfe et qui
impose une tutelle aux travailleurs étrangers.
Un système abusif
Le système du kafil est appliqué depuis les années 1970 dans
les pays du Golfe. Toute personne qui souhaite avoir un
emploi dans ces pays doit obligatoirement avoir un garant du
pays hôte. S’il s’agit d’une administration gouvernementale,
celle-ci fait directement office de kafil. S’il s’agit d’un
secteur privé ou d’une profession libérale, c’est
généralement le gérant de l’entreprise ou la personne qui a
assuré l’emploi qui devient le kafil. Dans ce dernier cas,
le kafil est un associé à qui revient une partie des revenus
du travailleur. Il détient son passeport, donc, le
travailleur ne peut quitter le pays sans la permission de
son kafil. Depuis quelques années, les problèmes dus au
système du kafil dans les pays du Golfe se sont multipliés.
Des travailleurs égyptiens se plaignent constamment des abus
dont ils font l’objet. Les témoignages ne manquent pas. «
J’ai obtenu un emploi à travers un homme de nationalité
koweïtienne qui est devenu mon kafil. Dès le premier jour de
travail, j’ai été choqué en apprenant que le salaire n’était
pas celui mentionné dans le contrat. Lorsque j’ai protesté,
il a refusé de me donner le passeport et par la suite, je
n’ai trouvé d’autres solutions que d’accepter des conditions
de travail que je jugeais inacceptables », témoigne Mahmoud,
jeune ingénieur. Face à la multiplication des plaintes, des
organisations des droits de l’homme se mobilisent pour
réclamer l’annulation de ce système. « C’est une forme
d’esclavage et rien d’autre. Comment peut-on appeler
autrement cette exploitation qui est contraire à la liberté
et aux droits de l’homme ? », explique Hafez Abou-Seada,
secrétaire général de l’Organisation Egyptienne des Droits
de l’Homme (OEDH). Il explique que son organisation a
commencé à lutter contre ce système dès 1989. « Nous avons
envoyé des plaintes à plusieurs organisations mondiales des
droits de l’homme ainsi qu’aux pays qui appliquent ce
système mais pour l’instant, elles sont restées sans réponse
», explique Abou-Seada.
En fait, les pays du Golfe ont eu recours à ce système dans
les années 1970 avec l’argument de protéger leurs économies
naissantes mais aujourd’hui, beaucoup pensent qu’il n’a plus
raison d’être. « C’est une atteinte à la dignité des
travailleurs égyptiens. Si ce système n’est pas annulé,
l’Egypte doit appliquer le principe de la réciprocité aux
ressortissants du Golfe », lance pour sa part Bichoï
Boghdadi, avocat qui, avec un groupe d’autres avocats, a
lancé une campagne visant à supprimer le système du kafil.
Il accuse le gouvernement égyptien de « faiblesse » et de ne
rien faire pour défendre les intérêts de ses ressortissants
à l’étranger. Le système du kafil a déjà fait l’objet de
critiques internationales, notamment de la part de
l’organisation Human Rights Watch et du Département d’Etat
américain. Certains pays du Golfe comme Bahreïn ou les
Emirats arabes unis l’ont déjà supprimé, tandis que d’autres
étudient cette possibilité.
Le ministère des Affaires étrangères reconnaît que des
problèmes existent, mais affirme ne pas détenir de solution
miracle. « C’est une affaire interne aux pays du Golfe et
nous ne pouvons pas l’annuler d’ici », a expliqué à Al-Ahram
Hebdo Ahmad Al-Qoweisni, vice-ministre des Affaires
étrangères pour les affaires consulaires. « Nous sommes
parfaitement conscients que la plupart des problèmes dont
souffrent les Egyptiens dans le Golfe sont dus à ce système.
C’est pour cela que nous avons fait une proposition au
ministère du Travail en Arabie saoudite pour tenter de
surmonter ces problèmes. Nous avons proposé un contrat de
travail unifié qui peut protéger les deux parties, le
travailleur et le gérant. Dans ce contrat, le nom du kafil
et d’autres informations le concernant seront inscrits pour
que le travailleur soit rassuré », explique l’ambassadeur.
Selon lui, l’Arabie saoudite étudie actuellement la
proposition égyptienne qui pourrait conduire à une
modification du système.
Sabah
Sabet