PND.
Les déplacements fortement médiatisés du chef du Comité des
politiques, Gamal Moubarak, donnent libre cours à plusieurs
questions sur leurs impacts et leur timing.
Offensive médiatique
La
médiatisation de Gamal Moubarak, fils du président et chef
du Comité des politiques du Parti National Démocrate (PND,
au pouvoir) est intermittente. Pour une raison ou une autre,
elle s’est intensifiée ces dernières semaines. La semaine
dernière, Gamal Moubarak s’est rendu au Fayoum pour discuter
de la décentralisation de l’enseignement avec des
responsables locaux, quelques jours auparavant il a visité
un village déshérité à Béni-Souef, en Haute Egypte, et un
autre à Charqiya dans le Delta où il a parlé solidarité et
justice sociales. Le mois dernier, il expliquait les
réformes économiques et politiques, accomplies ou qui
restent à faire, à une jeune audience depuis un camp
dépendant du ministère de la Jeunesse à Abouqir. Plus
récemment, il a visité dans leurs nouvelles demeures les
habitants relogés du quartier sinistré de Doweiqa.
A la télévision et à la Une des journaux, on le voit
toujours se balader en manches retroussées, en dialogue sans
façon avec un vieux paysan, ou prenant son iftar au milieu
des villageois. Des images humaines et détendues qui restent
de ces visites et qui dénotent souvent avec le poids des
mesures de sécurité qui accompagnent ses déplacements et qui
pèsent souvent sur le quotidien des habitants.
En effet, les activités de Gamal Moubarak ne sont pas une
nouveauté. Depuis sa propulsion au devant de la scène en
2002, celui-ci n’a jamais hésité à entreprendre ce genre de
visites ni à faire des déclarations qui souvent représentent
une « feuille de route » pour le gouvernement sans se
laisser dissuader par les critiques qui lui attribuent des
ambitions présidentielles.
Aujourd’hui, cette large couverture médiatique
interviendrait alors que le parti est sous le feu des
critiques. Après l’accusation récente d’un homme d’affaires
appartenant au Comité des politiques dans un crime de
meurtre, la réputation du parti a atteint sa cote de
popularité la plus basse avec la catastrophe du bidonville
de Doweiqa, dont une centaine d’habitants ont été écrasés
sous les roches de Moqattam à la suite d’un éboulement. Le
fossé semble se creuser entre une population de
laissés-pour-compte et l’élite au pouvoir. Pour beaucoup, la
société fait les frais du choix du PND qui a impliqué les
hommes d’affaires dans la politique.
Reste à savoir si à ce niveau-là, la surdose de
médiatisation peut apporter le résultat escompté. Rien ne le
prouve dans l’immédiat. L’une des premières réactions a été
celle du député indépendant Gamal Zahrane. Celui-ci a
présenté une demande au président du Parlement pour discuter
de « la couverture médiatique disproportionnée » des
activités de Gamal Moubarak. Zahrane dénonce « l’hypocrisie
politique » des rédacteurs en chef des journaux officiels
qui « dilapident les fonds publics » alloués à leurs
quotidiens dans le but de se rapprocher du pouvoir.
Un autre député de tendance islamiste, Farid Ismaïl, a
demandé au gouvernement des explications sur les compétences
de Gamal Moubarak qui lui permettent de sillonner le pays en
compagnie de nombreux ministres et journalistes. « Son poste
au sein du PND ne lui donne sûrement pas le droit de se
comporter de la sorte, il n’est ni ministre ni premier
ministre, il n’a aucun pouvoir exécutif », affirme de son
côté l’analyste Amr Al-Chobaki, du Centre d’Etudes
Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. « Mais de
facto, Gamal Moubarak est le deuxième homme du pays après le
président, et c’est ce lien de parenté qui lui confère sa
force », ajoute-t-il.
Plus important encore, c’est de savoir si le discours de
Gamal Moubarak en faveur de la classe pauvre
représente un vrai changement dans les politiques du pays
qui, selon certains, dérivent vers un « libéralisme sauvage
».
« Ces visites s’inscrivent plutôt dans le cadre des
relations publiques. Le problème des villages déshérités est
très sérieux, il ne suffit pas pour le régler de se prendre
des photos avec les villageois. Tout cela ne doit pas
laisser prévoir un changement de la politique du
gouvernement qui favorise les plus riches aux dépens des
plus pauvres », critique Abdallah Al-Sennawi, rédacteur en
chef de l’hebdomadaire nassérien Al-Arabi.
Président de la commission de l’enseignement au Parlement et
membre du Comité des politiques au PND, Hossam Badrawi
réfute ces accusations qui, pour lui, sont symptôme d’une «
crise de confiance ».
« Le Fayoum est l’un des trois gouvernorats choisis pour
l’application expérimentale du système d’enseignement
décentralisé. Il est normal d’aller discuter et communiquer
avec les responsables de l’enseignement là-bas ainsi que les
membres concernés des conseils municipaux qui seront dotés
de certains pouvoirs supplémentaires dans ce domaine »,
affirme Badrawi, qui faisait partie des responsables qui ont
visité le Fayoum avec Gamal Moubarak.
Le député rejette l’idée d’initiative personnelle ou celle
d’une campagne de relation publique, ainsi que les
accusations selon lesquelles Gamal Moubarak jouerait un rôle
politique qui dépasse ses fonctions. « C’est le Comité des
politiques du PND présidé par Gamal Moubarak qui définit les
orientations politiques du gouvernement. Les gens doivent
arrêter de faire la différence entre le gouvernement et le
parti au pouvoir, parce qu’il ne s’agit pas de deux parties
distinctes, le PND est le parti de la majorité et c’est à
lui qu’appartient le gouvernement », explique-t-il. « Les
gens refusent de le reconnaître parce qu’ils pensent que les
élections législatives n’étaient pas propres. Il s’agit
d’une crise de confiance en premier lieu », ajoute Badrawi.
Chérif Albert