Liban.
Les principaux dirigeants politiques ont entamé à Beyrouth
un dialogue national dans un climat marqué surtout par
l’incertitude. La question des armes de la milice chiite
paraissant insoluble.
Le Hezbollah maître du jeu
Les
libanais ne se sont pas arrêtés longtemps à la première
séance du dialogue national, tenue la semaine dernière au
palais Baabda sous la direction du général Michel Sleimane,
président de la République, et à laquelle ont assisté les
quatorze dirigeants, à l’exception du chef du Hezbollah,
Hassan Nasrallah, absent pour des raisons de sécurité.
Quelques jours avant la réunion, les cadres membres de la
majorité parlementaire avaient mis en relief la nécessité de
la présence de Nasrallah qui détient, lui, la clé de toute
décision. Mais le parti chiite ne s’est guère soucié de ces
exigences et ne s’est donné même pas la peine d’y répondre.
Il a juste publié un communiqué avant la séance annonçant
que le Hezbollah serait représenté par le député Mohamad
Raad. Il est d’ailleurs certain que Nasrallah ne participera
pas à des réunions publiques dans un proche avenir. Il est
soumis à un système de sécurité très sévère, tout le monde
sait qu’il constitue la cible principale que poursuit le
Mossad. Ses mouvements font l’objet de surveillance et de
pourchasse. Depuis la fin de cette guerre qu’a menée Israël
contre le Liban il y a deux ans, les déplacements de cette
figure emblématique de la résistance sont quasiment nuls.
Lorsqu’il s’adresse à la population, c’est à travers un
écran. Tout le monde prend en compte ces exigences
sécuritaires.
Selon
les observateurs, la présence ou l’absence de Nasrallah ne
changera rien à la chose. La décision du Hezbollah ne sera
pas prise suite aux discussions qui auront lieu lors de
cette table ronde. Elle est prise d’avance par les cercles
dirigeants du Hezbollah et ne saurait aucunement faire objet
de négociation ou débat, surtout lorsqu’il s’agit des armes
du Hezbollah et cette volonté inouïe de la majorité de
débattre la stratégie de défense.
Or, cette stratégie est le mot d’ordre, le seul thème à
débattre, mais sans toucher de près ou de loin les armes du
Hezbollah. La preuve en est que le général Michel Aoun, chef
du courant national libre, a dit après la séance d’ouverture
que le président de la République l’a chargé de préparer un
plan stratégique de défense. C’est dire que le président ne
veut, en aucun cas, entrer en confrontation avec le
Hezbollah. Il tient à jouer un rôle conciliateur sur la
scène libanaise si troublée, tout en évitant de paraître à
l’image de l’ex-président Emile Lahoud qui était juge et
partie dans le différend politique. Ainsi, a-t-il perdu sa
crédibilité de référence présidentielle qui lui permet de
réunir les forces et les partis autour d’une seule table,
sans qu’il y ait accrochage et participation du président en
tant que partie.
Ce rôle conciliateur, le Liban en a effectivement besoin.
L’impression dominante avant et après la réunion c’est
qu’elle n’a été qu’une simple tentative d’apaisement de
réunir les dirigeants en discorde avant qu’il ne se rende
aux Etats-Unis pour assister aux réunions de l’Assemblée
générale de l’Onu. Le président Sleimane est conscient du
fait que le plus grand obstacle au dialogue est l’armement
du Hezbollah et la stratégie défensive. Il craint tout à
fait que cette question d’armes ne provoque davantage de
différends.
L’attitude du Hezbollah sur la question des armes est bien
connue et ne peut faire l’objet de spéculation. Mais les
dirigeants de la majorité, notamment les chrétiens, ont
annoncé à plus d’une reprise qu’ils n’admettraient pas que
le Hezbollah conserve ses armes, tout en reconnaissant
qu’ils ne savaient comment le faire. La conception générale
est que ceci ait lieu dans l’avenir pas dans la phase
actuelle.
Pour les observateurs, la chose la plus importante à
laquelle sont parvenus les participants est de fixer au 5
novembre la date de la tenue de la deuxième séance. C’est un
rendez-vous loin, mais les conditions l’ont imposé. La
réunion d’ouverture a représenté un dégel. Le fait que le
président de la République ait affirmé qu’Israël reste la
principale source de danger et qu’il ait demandé d’établir
une stratégie où s’intègrent tous les éléments assurant la
puissance de l’Etat et le fait que sous ce concept
particulier de l’Etat, s’insère le droit de défense des
territoires dans le cadre de la politique générale, sont un
message direct au Hezbollah. Mais il veut dire aussi qu’il
n’irait pas très loin dans ses propos à l’égard des armes du
parti chiite, ce qui a été bien accueilli par Hassan
Nasrallah qui a fait l’éloge du discours du président le
soir même.
Le discours du président a reflété le désir d’une
conciliation sur ce point. « Je suis tout à fait sûr que
nous sommes capables d’établir une stratégie qui protège le
Liban, basée sur nos forces armées et tirant profit des
moyens et des capacités de la résistance ».
Autre aspect qui n’a pas manqué d’attirer l’attention, le
fait de reconduire les décisions du dialogue national tenu
en 2006 veut dire que le président mènerait un processus
pour résoudre le problème des fermes de Chebaa occupées par
Israël et ensuite de désarmer les Palestiniens hors des
camps, dénote de la vision globale du président.
Le discours du président a reflété le désir d’une
conciliation sur ce point. « Je suis tout à fait sûr que
nous sommes capables d’établir une stratégie qui protège le
Liban, basée sur nos forces armées et tirant profit des
moyens et des capacités de la résistance ».
Autre aspect qui n’a pas manqué d’attirer l’attention, le
fait de reconduire les décisions du dialogue national tenu
en 2006 veut dire que le président mènerait un processus
pour résoudre le problème des fermes de Chebaa, occupées par
Israël, et ensuite de désarmer les Palestiniens hors des
camps, dénote de la vision globale du président.
A cet égard, la présence de Amr Moussa, secrétaire général
de la Ligue arabe, a eu pour but de souligner l’arabité du
Liban et aussi le soutien et même un parrainage par la Ligue
pour ce dialogue. L’allocution de Amr Moussa a eu le mérite
de mettre en garde contre les dangers d’un échec du dialogue
dans le contexte régional et international actuel. « Nous
souhaitons comme le souhaite tout Arabe que le Liban sorte
de la crise et que ses conditions s’améliorent », a dit le
secrétaire général de la Ligue.
Mais faut-il parler de déception du fait que la réunion n’a
duré qu’un jour et que la reprise du dialogue a été fixée à
une date relativement lointaine ? Tout compte fait, estiment
les observateurs, cela était attendu. Et à la suite de la
discussion, tout le monde a convenu de publier une
déclaration soulignant que la mise au point d’une stratégie
de défense est une priorité. Il s’agira alors de parvenir à
une conception commune de cette stratégie qui prend pour
base et le dialogue et les décisions de Doha.
A cet égard, agir rapidement pour surmonter les tensions
sécuritaires et mettre au point un mécanisme pour une
instauration en bonne et due forme d’un mécanisme le
permettant deviennent une priorité. Cela conduirait à
renforcer le règlement dans un certain nombre de zones et à
généraliser ces accords entre les adversaires sur les autres
parties du territoire libanais.
Pour ce faire, il faudrait s’accorder sur une charte
d’honneur permettant de respecter les engagements et
d’abandonner toute forme de provocation politique. Entre
autres, il faudrait apaiser le discours et la ligne
politiques et médiatiques. Tous les participants doivent
annoncer qu’ils sont engagés par cet apaisement.
Le rôle du président de la République est fondamental à cet
égard. Il devra s’atteler à des négociations bilatérales
pour consacrer les différentes réconciliations. Il devrait
encourager des rencontres pour renforcer les chances de
succès du dialogue sur le fond et sur la forme.
Un bilan qui paraît édulcoré si l’on croit la presse
libanaise avec ceci d’important à relever : au Liban, les
divergences de vues reflètent souvent des divergences
d’intérêts. Le quotidien An Nahar, proche de la majorité,
relève qu’à cette séance d’ouverture, il manquait Hassan
Nasrallah. Et d’ajouter que les participants sont restés 5
heures à débattre avant de consacrer 90 minutes à la
rédaction du communiqué final. Tout Libanais souhaite que le
dialogue aboutisse, mais la vraie solution ne verra le jour
que lorsque le Hezbollah mettra fin au rôle régional de ses
armes et à ses ambitions d’imposer son hégémonie par la
force sur la scène intérieure, ajoute le quotidien.
Même les quotidiens pro-syriens soulignaient la difficulté
de la tâche. « Les différents milieux politiques estiment
que les discussions sur la stratégie nationale de défense se
perdront dans un débat stérile et que les résultats ne
verront pas le jour avant bien longtemps », écrivait As
Safir. Selon le quotidien indépendant Al-Anouar, « la table
de dialogue est installée dans un champ de mines appelé
Liban ». « Même si les participants se mettent d’accord, on
ne peut pas construire une stratégie nationale de défense
dans un champ de mines sans avoir procédé auparavant à un
déminage », ajoute le quotidien.
On est dans le cadre d’une sorte d’espérance, alors que le
contexte lui-même rend difficile une telle vision. Le
président du Parlement, Nabih Berry, estime que le dialogue
est positif. Chaque partie a présenté son point de vue dans
le cadre de la compréhension et de l’esprit national. «
C’est ce à quoi j’invitais dès le début. Une fois terminé le
débat sur la stratégie de défense et qu’un accord
intervienne à ce sujet, rien n’empêche de débattre d’autre
questions ». A cet égard, il s’est félicité aussi des
réconciliations intervenues à Tripoli. Les événements
intervenus dans cette ville ayant représenté un grave
danger. Le président syrien Bachar Al-Assad, début
septembre, exprimant son « inquiétude » face aux récentes
violences interconfessionnelles à Tripoli. Il avait aussi
affirmé avoir demandé à son homologue libanais, Michel
Sleimane, d’envoyer d’urgence davantage de troupes au nord.
Le Liban a déclaré lundi que la Syrie avait dépêché des
renforts militaires sur leur frontière commune au nord du
Liban pour des raisons, selon Damas, de sécurité interne. «
Près de 10 000 soldats des forces spéciales syriennes ont
été déployés dans la région d’Abboudiya sur la frontière
avec la Syrie au nord du Liban. Beyrouth a demandé des
clarifications à Damas sur ces renforts et sur le motif de
leur déploiement. Damas a affirmé qu’il s’agissait de
mesures de sécurité internes qui ne dépassent pas le
territoire syrien et qui ne sont nullement dirigées contre
le Liban.
Tous les
risques persistent donc.
Maher
Meqled