Folklore.
La troupe bédouine Jerrican s’est produite au CFCC (Mounira).
Une véritable révélation, avec des musiciens issus du
Nord-Sinaï.
Aux rythmes du Jerrican
Ils
sont assis par terre autour d’une cafetière. Vêtus d’une
simple galabiya et munis d’instruments de musique, ils
misent sur le traditionnel et l’ancien : simsimiya (lyre
orientale), nay, makrouna (variétés de flûte), et tabla
(percussions). Seul intrus : un bidon aux mains d’Aymane
Hassan, percussionniste du groupe. Ce jerrican qu’il a entre
les mains date de l’occupation du Sinaï par les Israéliens.
Donc, un objet porteur d’histoires et de souvenirs. D’où
l’appellation du groupe.
Au fur et à mesure que les différents sons se mêlent et que
la voix du chanteur Gomaa Ghanem s’ajoute à la mélodie, le
public s’anime et frappe des mains au rythme de la musique.
Adel Sayed, fan de chants bédouins, est venu pour découvrir
le groupe, il ne regrette rien. « Ces musiciens jouent de la
musique authentique, les paroles de leurs chansons ont un
sens. La beauté des sons me transporte au désert du Sinaï »,
s’exclame-t-il. Les poèmes présentés parlent d’amour,
d’hospitalité et de café. Rien dans ces paroles n’est
récemment inventé, plutôt un héritage oral légué de père en
fils. Les musiciens du Jerrican en perpétuent la mémoire.
Fondée en 2003, cette troupe folklorique regroupe neuf
musiciens, tous originaires de la ville côtière d’Al-Arich
(au nord du Sinaï). Ils pratiquaient des professions
diverses, lorsque Zakariya Ibrahim, vrai butineur du
folklore et fondateur du centre musical Al-Mastaba, leur a
proposé de lancer une nouvelle formation musicale. « En
Egypte, il y a une tendance à l’imitation aveugle de la
musique occidentale et à l’abandon de cette richesse que
l’on possède. J’essaye de faire revivre cet héritage oral
sur la scène locale et internationale », indique Zakariya
Ibrahim, non sans enthousiasme. Ce dernier a déjà réussi à
mieux faire connaître la musique des villes du Canal de
Suez, comme celle de la troupe d’Al-Tanboura ou encore la
tradition typique des Baramkas, pêcheurs-musiciens du lac
Manzala. Cette fois-ci, il fallait se pencher sur une autre
musique méconnue, celle des bédouins, caractérisée par un
rythme encore plus primitif. La mélancolie n’a pas de place
durant la soirée, car les chants interprétés ne relatent
aucun souci. Bien au contraire, juste après la chanson
souhaitant la bienvenue à la présence, d’autres airs
réservés aux mariages ou fredonnés, en servant le café à la
belle étoile, étaient de mise. Le public applaudit et
parfois se joignait aux membres de la troupe qui ont brandi
leurs épées pour danser.
Un bonheur pour Medhat Al-Aissaoui, joueur de makrouna, qui
apprécie la participation et l’enthousiasme du public. Il
revient d’une tournée de deux mois au Royaume-Uni avec le
reste de la bande.
Des milliers de spectateurs anglais étaient présents à leur
concert, ce qui n’est généralement pas le cas en Egypte. «
Les Egyptiens n’apprécient pas à sa juste valeur cet
héritage culturel qui est aussi le leur. Réussir à susciter
leur intérêt me procure une joie intense », lance le
musicien. Un avis partagé par al-rayès Zakariya Ibrahim
lequel s’avère plus astucieux. En fait, il a insisté afin
d’organiser une tournée de la troupe à l’étranger pour
qu’elle se forge une renommée internationale. Cela lui
facilitera la tâche d’acquérir un public local. « C’est
toujours le cas avec les Egyptiens. Ils adorent ce qui leur
vient de l’Occident, leur héritage compris », dit Medhat
Al-Aissaoui.
Le pari a l’air de réussir jusqu’à maintenant : Le premier
album du Jerrican Band, Coffee Time, est sorti cette année.
La prochaine tournée du groupe aura lieu en mars 2009.
Direction : l’Australie.
Avis aux
amateurs !
Pacynthe
Sabri