Télévision.
La biographie est le genre dramatique de ce Ramadan 2008 par
excellence. Asmahane, Nasser, Ali Moubarak, Abou-Jaafar
Al-Mansour et Al-Cheikh Abdel-Halim Mahmoud sont projetés
actuellement sur le petit écran.
Déluge de biographies
Faire
un feuilleton sur une idole est, semble-t-il, l’exercice de
style désormais privilégié par les réalisateurs. A l’heure
où Chérif Arafa se prépare à filmer la biographie du
chanteur Amr Diab, Magdi Ahmad Ali est en train de choisir
les lieux du tournage de son prochain feuilleton sur le
compositeur Baligh Hamdi. De plus, cinq autres réalisateurs
se sont offert le luxe de consacrer leurs pellicules à leurs
idoles durant ce Ramadan.
« Certaines personnes traversent les siècles, laissant une
empreinte indélébile. Elles méritent notre intérêt »,
explique le scénariste Yousri Al-Guindi, auteur du
feuilleton Nasser, réalisé par le Syrien Bassel Al-Khatib,
qui s’est forgé une réputation grâce au feuilleton Nizar
Qabbani, tourné il y a quelques années.
Le feuilleton sur Nasser, actuellement sur le petit écran,
trace le périple du leader arabe, dès la naissance, son
enfance, sa jeunesse en Egypte et enfin son rôle de chef
d’Etat. Les événements bien enchaînés reposent sur une
documentation solide, photos et correspondances recueillies
auprès de la famille et des amis de Nasser. Un succès plutôt
bien vu par les promoteurs de cette superproduction : 250
lieux de tournage, plus de 150 acteurs, des costumes estimés
à plus de 500 000 L.E. (environ 66 600 euros), un budget de
7 millions de L.E. (environ 1 million d’euros). « Nasser est
une personnalité unique, un homme de pouvoir et très proche
du peuple », souligne Al-Guindi.
Le feuilleton Ali Moubarak, écrit par Mohamad Al-Sayed Eid
et réalisé par Wafiq Wagdi, évoque à son tour le périple
d’un « pionnier de la Nahda et de l’enseignement en Egypte
». Ali Moubarak a déjà inspiré plusieurs films
documentaires. Cependant, c’est le premier feuilleton qui
aborde sa vie privée et sa pensée. Mais, que garde-t-on de
Ali Moubarak ? Un feuilleton décousu où la vie du
protagoniste a été à peine effleurée, à travers un scénario
plat. De quoi nous faire penser à l’opinion de Mahfouz
Abdel-Rahmane sur les « biographies forcément
contre-révolutionnaires ».
Toute l’expérience du scénariste et toute la précaution et
la recherche du comédien Kamal Abou-Raya n’ont pas réussi à
nous offrir une grande œuvre, digne de cette figure de
proue.
Deux autres biographies au goût religieux et historique sont
au menu. La première est Al-Cheikh Abdel-Halim Mahmoud,
écrite par Bahaeddine Ibrahim et réalisée par Moustapha Al-Chal,
retraçant la vie de cet ancien cheikh d’Al-Azhar, la plus
haute instance sunnite. Ce personnage est interprété par
Hassan Youssef, aujourd’hui spécialiste des rôles des
célébrités religieuses, ayant déjà incarné la vie du cheikh
Chaarawi.
La seconde biographie historique est celle produite par la
télévision qatari, intitulée Abou-Jaafar Al-Mansour, campée
par le Syrien Abbass Al-Nouri. Ce feuilleton jette la
lumière sur la vie de l’une des plus célèbres personnalités
arabes, Abou-Jaafar Al-Mansour deuxième calife de l’empire
abbasside.
La diva des controverses
« Etoile persistante dans le ciel de la chanson, Asmahane
est l’une de ces figures légendaires dont la réputation
dépasse les frontières », lance la comédienne syrienne
Soulaf Fawakherji, qui joue le personnage d’Asmahane. Le
scénario écrit par Mamdouh Al-Atrach et Qamar Al-Zaman
Allouch révèle une femme à paradoxes, dont la courte vie
abonde en souffrances et expériences.
La structure des premiers épisodes était un peu floue. L’on
assiste à une compilation des drames qui ont traversé sa vie
à un rythme hallucinant. Le réalisateur multiplie les
ellipses ne permettant pas au spectateur de mieux rentrer
dans l’œuvre. Se sentant obligé d’ancrer la partie de
l’enfance dans le mythe d’Asmahane, il nous balance succès
et crises de la chanteuse, désamorçant en partie leur impact
par la suite.
On craint alors le pire, mais heureusement, Chawqi Al-Majri
arrive à rectifier le tir dès l’arrivée de Soulaf Fawakherji
dans le rôle d’Asmahane. Le réalisateur a pu s’appuyer sur
le duo qu’elle forme avec le Syrien Faras Ibrahim. La
performance de la première, qui vient de faire étalage de
son talent, est à la hauteur des attentes, avec parfois des
métamorphoses impressionnantes. Elle prend toutefois un
charme supplémentaire grâce à la complicité qui la lie au
personnage d’Asmahane. Cette relation nous permet enfin
d’accrocher au personnage. Ce rapprochement entre la
chanteuse et le spectateur est encore renforcé grâce à sa
bonne relation avec son frère Farid Al-Atrach, joué par le
jeune comédien égyptien Ahmad Chaker.
Outre l’effort d’humaniser le personnage principal, les
souffrances familiales et sentimentales de la protagoniste
permettent aussi au réalisateur de revenir sur une structure
de feuilleton plus conventionnelle et d’arrêter de nous
livrer une suite de tranches de vie sans un lien réel entre
elles. Même si le feuilleton n’arrive pas à prendre
l’ampleur que l’on attendait, le destin d’Asmahane et ses
chansons touchent le spectateur.
On peut aussi reconnaître à Soulaf Fawakherji le fait de ne
pas avoir reculé face à ce projet énorme. De son côté, le
réalisateur garde aussi son identité visuelle et ne se
laisse pas absorber par le sujet. Cela donne un résultat
plus ou moins heureux. Al-Majri tombe malheureusement dans
certains écueils de ce genre de biographies. Le montage lent
et moins éclaté est lui assez mal utilisé. On lui reprochera
tout autant le manque de puissance qu’il insuffle à la
musique, vu la nature du sujet. Malgré ces quelques
maladresses, Asmahane reste toutefois une œuvre assez forte.
Car cerner le personnage mystérieux d’Asmahane n’est pas une
chose aisée.
Yasser Moheb