Ali Moussa,
président du Conseil présidentiel égypto-français qui
regroupe des hommes d’affaires et des responsables égyptiens
et français, accompagnait le président Moubarak dans sa
visite cette semaine en France. Il évalue les rapports
économiques entre les deux pays.
« L’Union méditerranéenne permettra au Sud de participer à
la prise de décisions »
AAl-Ahram
Hebdo : Quels sont les objectifs économiques escomptés de la
visite du président Moubarak en France ?
Ali Moussa :
Je pense que cette visite du président Moubarak ouvrira de
nouveaux horizons avec les grandes compagnies françaises qui
veulent exécuter des projets en Egypte ou qui veulent
élargir leurs investissements. Cette visite permettra
également l’échange d’opinions entre les secteurs français
et égyptien des affaires autour du projet de l’Union pour la
Méditerranée, en prélude à la conférence des chefs des
entreprises du bassin méditerranéen, qui doit se tenir à
Marseille au début du mois de juillet 2008. Par ailleurs, la
visite contribuera à attirer davantage de capitaux français
en Egypte et à activer le partenariat dans les grands
projets ainsi que le transfert de l’expertise française dans
le domaine industriel.
Le Conseil présidentiel égypto-français a effectué une
visite à Paris en décembre 2007 pour assister à la réunion
annuelle des membres du Conseil. Il était accompagné des
ministres du Commerce, de l’Industrie, des Transports et des
Communications. Au cours de cette visite, des rencontres ont
été organisées avec les investisseurs français qui ont
exprimé leur volonté de participer aux plans ambitieux des
ministres égyptiens dans les domaines des transports
routiers et fluviaux, des chemins de fer ainsi que dans le
développement des ports maritimes. Le Conseil a exprimé sa
volonté d’attirer des investissements français dans les
diverses activités relatives au secteur des
télécommunications et de la technologie informatique.
— A quel niveau se situent les échanges commerciaux entre
l’Egypte et la France ?
— La France est le cinquième pays exportateur vers l’Egypte.
De son côté, l’Egypte se situe à la 5e place sur la liste
des pays du Moyen-Orient importateurs de la France.
Cependant, le volume des échanges commerciaux a connu une
légère baisse en 2007 par rapport à 2006. Les exportations
françaises ont baissé à 1,201 millions d’euros et les
exportations égyptiennes à 798 millions d’euros. Cette
légère baisse des exportations françaises est due à la
baisse du volume des ventes dans le secteur du transport
aérien et celui du blé. Quant au reste des exportations
françaises, leur volume a augmenté de 962 millions d’euros
en 2006 à 998 millions en 2007. Ceci représente un
changement dans la nature des exportations essentiellement
composées de produits pharmaceutiques, d’équipements de
production, de tuyaux en acier, d’équipements de
distribution de l’électricité ainsi que d’outils
informatiques. En revanche, l’exportation des produits
chimiques, des matériaux de construction, des voitures et
des produits élémentaires du plastique a diminué. Les
exportations égyptiennes avaient connu une hausse en 2006,
atteignant un chiffre de 990 millions d’euros mais elles ont
rechuté en 2007 à 799 millions d’euros avec une baisse de 19
%. Ceci est dû à la baisse des exportations de gaz naturel
liquéfié, de 463 millions d’euros à 256 millions d’euros. Il
en est de même pour les exportations de produits pétroliers
qui ont diminué de 269 millions d’euros à 170 millions.
D’autre part, les exportations des engrais azotés ont connu
une hausse de 118 % et les exportations de cuivre une hausse
de 137 %. De plus, les exportations de tissus, de tapis, de
produits agricoles ont connu une hausse importante.
— Les compagnies françaises maîtrisent une grande part du
marché de la production du ciment en Egypte. Est-ce la cause
de la hausse des prix de ce matériau en Egypte ?
— La hausse des prix du ciment en Egypte n’est pas due à la
domination des compagnies françaises. Elle revient à la
hausse mondiale des prix des composants du ciment ainsi qu’à
l’augmentation de la demande en Egypte et à l’étranger. Le
marché du ciment est devenu un marché mondial qui est
influencé par les facteurs mondiaux et non pas seulement
locaux. Cependant, les compagnies françaises sont
considérées comme les plus grands producteurs de ciment au
niveau mondial et non pas seulement en Egypte. En effet, la
compagnie Lafarge est devenue le plus grand producteur de
ciment en Egypte, après avoir acheté les parts de la
compagnie Ciment Orascom. De plus, l’Egypte est le pays qui
vend le ciment le moins cher dans la région. Ce qui
encourage les usines égyptiennes à exporter la plus grande
part de leur production. Ce qui a provoqué la décision du
ministre du Commerce et de l’Industrie de suspendre
l’exportation pendant quelque temps pour couvrir les besoins
du marché local.
— Pourquoi les investissements français en Egypte
s’orientent-ils vers le domaine des services et non pas vers
le domaine de la production industrielle ?
— Ce n’est pas vrai. Les investissements français s’étendent
à de nombreux domaines industriels comme les industries
alimentaires, pharmaceutiques, chimiques, automobiles et
pétrolières. Les investissements français se sont aussi
lancés dans le domaine des industries des matériaux de
construction et des industries du fer. C’est ainsi que la
France est quasiment présente dans tous les domaines de
l’industrie égyptienne. Elle est ainsi le premier
investisseur en Egypte, notamment dans le domaine des
banques, des hôtels, de l’assurance, de la gestion des ports
ainsi que dans les divers domaines commerciaux. Depuis deux
ou trois ans, des compagnies françaises de taille moyenne
ont commencé à se lancer dans des investissements
industriels en Egypte car elles bénéficient de la
main-d’œuvre, de l’énergie et des conventions douanières
avec les pays voisins afin d’exporter les articles égyptiens
produits avec une expérience française. Ceci crée un
équilibre avec les investissements dans les services.
— Qu’est-ce qui entrave l’augmentation des
investissements français en Egypte ?
— Les investisseurs français en Egypte se plaignent de la
bureaucratie et des procédures en général. Malgré les
efforts déployés pour remédier à ce phénomène, les
investissements français ont besoin de plus de flexibilité.
Ils se plaignent aussi du manque de main-d’œuvre qualifiée.
De plus, les compagnies françaises de taille moyenne ne
connaissent rien du climat d’investissement en Egypte qui
s’est nettement amélioré au cours des dernières années.
— Les compagnies françaises sont accusées de ne pas
transmettre les technologies de pointe à des pays comme
l’Egypte afin de préserver leur suprématie technologique.
Qu’en pensez-vous ?
— Ce n’est pas vrai car les investissements français ont été
exécutés ces derniers temps dans un cadre de partenariat
franc avec la partie égyptienne. Il n’est pas dans l’intérêt
de la France de priver l’Egypte de la technologie de pointe,
car sa production n’est pas seulement adressée au marché
égyptien mais au marché mondial. Cette accusation était
peut-être valable dans le passé quand la France hésitait à
transmettre la technologie de pointe aux pays en
développement de peur qu’ils n’imitent les moyens de
production et ne les commercialisent sans sa permission. Par
l’intermédiaire du Conseil présidentiel égypto-français,
nous étudions avec la partie française la possibilité de
former la main-d’œuvre égyptienne pour améliorer ses
performances et lui permettre de créer sa propre
technologie.
— Certains critiquent le Conseil présidentiel
égypto-français pour son inaction ... ?
— Ceci n’est pas vrai. Depuis la création du Conseil en
2005, de nombreux projets ont été exécutés dans le domaine
de la formation industrielle et professionnelle et dans le
domaine des textiles et des meubles. Et ce, par
l’intermédiaire de la collaboration du Conseil avec des
entreprises françaises spécialisées dans ces domaines avec
les unions industrielles et avec l’Université française en
Egypte. De plus, des mémorandums d’entente ont été signés
dans les domaines de la construction, de l’environnement et
des industries alimentaires. De plus, le Conseil a effectué
plusieurs voyages pour la France et a accueilli les membres
du Conseil français ainsi que des hommes d’affaires
français. L’objectif est d’encourager les investissements,
d’améliorer l’image du secteur privé en Egypte et d’exposer
la politique économique du gouvernement égyptien dans les
différents secteurs. Le Conseil a également joué un rôle
essentiel dans le règlement de certains différends
commerciaux entre les entreprises et les investisseurs
français en Egypte.
— Les membres du Conseil sont accusés de ne s’intéresser
qu’à leurs intérêts personnels et aux intérêts de leurs
entreprises à l’intérieur du Conseil. Qu’en pensez-vous ?
— Le Conseil tient à écarter toute suspicion. Si ceci
s’avère vrai, des mesures appropriées seront prises pour
préserver sa réputation égyptienne et internationale. Les
projets exécutés jusqu’à présent se caractérisent par la
diversité qui a un grand intérêt pour les secteurs
fondamentaux du développement économique égyptien, car ces
projets servent en grande partie les jeunes égyptiens.
— Quelles seront les opportunités économiques qu’offrira
le projet français de l’Union pour la Méditerranée ?
— L’initiative française pour la création en juillet 2008 de
l’Union pour la Méditerranée crée des opportunités pour les
hommes d’affaires et les investisseurs des pays de la
Méditerranée. C’est une occasion pour exposer divers projets
relatifs à la région. Cette initiative influencera le
développement égyptien car l’Egypte sera partenaire des pays
de la Méditerranée. C’est ainsi que se créera un nouveau
bloc économique compétitif face aux autres blocs. La période
à venir sera caractérisée par les blocs économiques. Il n’y
aura pas de place pour les puissances individuelles. Ce
projet sera exécuté et financé par l’Union européenne et la
Banque mondiale. Des commissions qui siégeront à Bruxelles
seront chargées de déterminer les projets appropriés. Cette
initiative vient compléter l’accord de Barcelone signé en
1995. Cependant, elle diffère du fait qu’elle donne le droit
aux pays du sud de la Méditerranée de participer à la prise
de décisions du partenariat.
Propos recueillis par Magda Barsoum