Rivalité
Les combats en Iraq entre miliciens chiites et troupes
régulières illustrent la suspicion, et dorénavant
l’hostilité, solidement établies entre le premier
ministre Nouri Al-Maliki et le chef radical chiite
Moqtada Sadr. Ces affrontements ont porté à la surface
les différends fondamentaux entre les deux hommes.
Les partisans de l’Armée du Mahdi, cette organisation
paramilitaire, la plus redoutée en Iraq avec quelque 60
000 combattants, et qui bénéficie d’un large soutien
dans les couches les plus défavorisées de la société,
exigent ouvertement la démission de M. Maliki, à qui les
Sadristes contestent toute légitimité. Ils l’accusent
d’être à la solde des « occupants » américains et de
favoriser les partis rivaux au sein de la communauté
chiite, le Conseil Suprême Islamique Iraqien (CSII), et
le Dawa, dont le premier ministre est issu. Les
Sadristes accusent également le gouvernement de
corruption et de ne pas investir les richesses de l’Iraq
au service des éléments les plus défavorisés de la
société.
Moqtada Sadr, farouchement anti-américain, est le tenant
d’une idéologie populiste et socialisante ancrée dans le
nationalisme d’une dynastie familiale qui s’est battue
sur place contre Saddam Hussein. M. Maliki, partisan
d’une collaboration avec les Etats-Unis, représente en
revanche un courant chiite conservateur dont les chefs
ont forgé leur vision du monde en exil à l’étranger. Il
a accusé les miliciens chiites d’être « pires
qu’Al-Qaëda ».
Les désaccords fondamentaux entre M. Maliki et Moqtada
Sadr avaient déjà conduit le mouvement sadriste à
retirer ses six ministres du gouvernement, en avril
2007. Il avait considéré à l’époque que le premier
ministre ne s’engageait pas de façon assez claire sur la
nécessité d’une retrait américain d’Iraq. Par la suite,
les députés sadristes s’étaient retirés en septembre de
l’alliance de partis chiites et kurdes qui forment la
majorité parlementaire du gouvernement Maliki.
Cette méfiance s’est transformée en hostilité ouverte
alors que se profilent des élections provinciales
cruciales en octobre. Ce scrutin, qui va désigner les
structures de décision dans les régions iraqiennes,
devrait permettre aux Sadristes, qui assurent bénéficier
du soutien d’une majorité de chiites, de saisir leur
chance. Ils se considèrent sous-représentés, notamment
dans le sud du pays où ils accusent leurs rivaux du CSII
et du Dawa de monopoliser indûment les postes-clefs.
Et l’enjeu de ces élections est d’une importance
fondamentale à Bassorah — dans le sud à majorité chiite
—, véritable poumon économique du pays, qui assure, avec
l’exploitation et l’exportation du pétrole, la
quasi-totalité des ressources de l’Etat iraqien, et de
tous ceux qui en dépendent.