Al-Ahram Hebdo, Evénement | Ville sous haute surveillance
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 16 au 22 avril 2008, numéro 710

 

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Evénement

Mahalla. Une semaine après les affrontements des 6 et 7 avril entre manifestants et forces de l’ordre, un calme précaire règne sur la ville. Mais la situation reste tendue et les problèmes de la ville entiers. 

Ville sous haute surveillance 

Sur l’autoroute tout près de Mahalla, la file de véhicules ralentit brusquement. Des barrages de sécurité sont installés ici et là à l’entrée de la ville. A hauteur des barrages, des policiers surgissent, arrêtent les véhicules et les fouillent systématiquement du regard. De la main, ils font signe à certains véhicules de se ranger sur le bord de la route pour un contrôle plus strict. En ce dimanche 13 avril, Mahalla a tout l’air d’une caserne fortifiée. Dès qu’on traverse les barrages pour s’engouffrer à l’intérieur de cette cité industrielle de 2 millions d’habitants, le dispositif de sécurité retient immédiatement l’attention. Les policiers sont déployés dans les grandes artères et autour des grandes places. Après les événements qui ont secoué la ville les 6 et 7 avril où des affrontements ont eu lieu entre manifestants et forces de l’ordre, le calme est revenu à Mahalla. Et la vie a repris son cours normal. Mais l’amertume est toujours de mise. Les visages sont las et fatigués. « Nous, les Mahallaouis, ne sommes pas violents. Personne ne sait ce qui s’est passé la semaine dernière. Nous avons même été surpris par le cours des événements », lance Hag Mohamad, propriétaire d’un magasin situé face à l’une des écoles incendiées lors des affrontements. Hag Mohamad revient sur les événements. « Il y a eu un appel à la grève. Déjà, un mois avant les faits, nous avions reçu des tracts nous incitant à la grève. Nous pensions que cette grève serait déclenchée à partir de l’usine de textile. Le 6 avril, tout était calme jusqu’à 15h. Soudain, il y a eu un rassemblement de citoyens. Ils n’étaient pas les ouvriers. Certains d’entre eux étaient des jeunes chômeurs de notre quartier, les autres nous ne les connaissons pas. Lorsqu’ils sont arrivés à la place Al-Chone, la sécurité les a interceptés. Les choses ont dégénéré et les manifestants ont mis le feu aux voitures et aux écoles ».

Les affrontements ont fait un mort et plusieurs centaines de blessés. Les services de sécurité ont arrêté 631 personnes. Une partie d’entre elles a été déférée devant le parquet, accusée d’incitation aux troubles, une autre partie a été placée en détention provisoire. Certains de ces suspects ont été blessés durant les affrontements et ont été transférés à l’hôpital de Tanta où ils sont sous haute surveillance.

Qui était derrière les événements du 6 avril ? Est-ce le mouvement Kéfaya qui a appelé à la grève ? Les manifestations étaient-elles spontanées ? Y a-t-il eu des manipulations ? Personne ne le sait et les rumeurs vont bon train. « C’est un coup monté de la sécurité. Maintenant, ils ont un prétexte pour dominer la ville », lance Abdel-Rahmane, jeune commerçant. Pour d’autres, ces manifestations étaient le résultat naturel des mauvaises conditions de vie des citoyens, la pénurie de pain et la médiocrité des salaires. « Comme partout en Egypte, les gens ici en ont marre des prix qui grimpent. Ils n’arrivent plus à vivre décemment. De plus, nous avons un taux élevé de chômage et le crime est très répandu », lance Am Hassan, un autre commerçant.

Dès leur arrivée dans la ville, les appareils de sécurité ont pris des mesures draconiennes. 25 universitaires qui voulaient se rendre dans la ville pour manifester leur solidarité aux personnes blessées dans les récents heurts ont été arrêtés. Et un match de l’équipe locale de Ghazl Al-Mahalla contre l’équipe de Haras Al-Hodoud en championnat de première division qui devait se jouer sur le terrain de la première a été transféré à Tanta sans que le public ne soit averti.

Ancien centre de rayonnement à l’époque des pharaons, Mahalla était jusqu’à la conquête arabe un centre pour la fabrication des vêtements et des tissus. Aujourd’hui encore, la ville est considérée comme le bastion de l’industrie du textile. C’est pour cette raison qu’on y trouve des activités liées au prêt-à-porter. On y trouve aussi des usines pour la fabrication des huiles et du savon. Au cours des dernières années, cette industrie du textile a gravement été affectée en raison de la politique d’ouverture économique et la vente du secteur public ainsi que le recul du coton égyptien qui a perdu sa place de choix sur les marchés mondiaux. En l’absence de tout investissement étranger, la ville connaît un taux de chômage largement supérieur à la moyenne nationale et un taux de criminalité particulièrement élevé. Craignant la grogne ouvrière, l’Etat a systématiquement œuvré en vue d’écarter les influents leaders ouvriers des usines de textile et de resserrer l’étau autour des mouvements syndicaux. C’est dans ce contexte que se situent les récents événements : avec une industrie en perte de vitesse, un chômage élevé et des conditions de vie de plus en plus difficiles, l’inévitable devait se produire.

Mahalla renferme 8 grandes usines de textile toutes dépendant de la compagnie de tissage et de filature de Mahalla Al-Kobra.

Pour accéder à l’une de ses usines, appelée Mahalla 2, il faut passer par un fort dispositif de sécurité. Des agents de sécurité en civil sillonnent les lieux. A l’intérieur, le travail se déroule normalement. Les ouvriers qui n’ont pas participé à la grève du 6 avril racontent ce qui s’est passé. « Ce jour-là, le 6 avril, dès 8h, nous avons reçu la visite d’une poignée de directeurs. Ils se sont relayés à nous faire des discours pour nous dire qu’il ne fallait pas participer à la grève », note Ayoub Abdel-Ghani, jeune ouvrier de l’usine. Après les événements des 6 et 7 avril, le premier ministre Ahmad Nazif s’est rendu à Mahalla pour rencontrer les ouvriers. Le chef du gouvernement les a félicités de ne pas avoir pris part à la grève et a décidé de leur accorder un mois de salaire aux ouvriers de filature et 15 jours de prime aux ouvriers du tissage. Nazif a d’autre part promis d’injecter 450 millions de L.E. de nouveaux investissements dans la Compagnie de tissage et filature. Mais les ouvriers qui se plaignent de la détérioration de leurs conditions de vie et qui avaient déjà conduit une grève de quatre jours en septembre dernier en guise de protestation ne semblent pas convaincus. « Après le départ du premier ministre, la direction nous a dit que certaines denrées alimentaires seraient fournies aux ouvriers à des prix réduits au sein de l’usine. Mais ce ne sont là que des calmants administrés par le gouvernement. Nous voulons une véritable amélioration de notre niveau de vie », assure Ibrahim Métoualli, technicien âgé de 42 ans.

Le salaire moyen d’un ouvrier en début de carrière est de 230 L.E. tandis que pour un ouvrier en fin de carrière, ce salaire ne dépasse pas les 1 000 L.E. De plus, les services dont bénéficient les ouvriers sont médiocres, notamment en matière de logement, de santé et de transport. Les propos d’Ahmad Nazif ont été perçus par certains comme un message clair aux ouvriers que s’ils restent calmes, ils pourront obtenir des gains et que seul le gouvernement peut résoudre leurs problèmes. Mais même s’ils n’ont pas répondu à l’appel à la grève du 6 avril, les ouvriers envisagent une nouvelle action si leurs conditions ne s’améliorent pas. « Nous avons entendu dire qu’il y aura une nouvelle hausse des prix au mois d’octobre », lance Saïd Al-Charqawi, qui travaille à l’usine depuis 45 ans. Et de conclure : «  Si nos conditions ne s’améliorent pas, nous ferons un nouveau sit-in ». Il fait allusion au dernier sit-in en date organisé par les ouvriers de Mahalla en décembre 2007 et qui a duré sept jours.

Ola Hamdi

 




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