Elections. Les
municipales qui se sont déroulées le 8 avril ont vu la victoire sans appel du
Parti National Démocrate (PND) au pouvoir. Résultat sans surprise en l’absence
de l’opposition islamiste qui a boycotté le scrutin.
Le PND s’offre les municipalités
Le
PND, le PND et encore le PND. Les résultats de ces élections municipales
étaient connus d’avance. En l’absence de toute concurrence, le parti au pouvoir
n’a pas eu de mal à remporter 95 % des sièges de ces élections. 35,6 millions
d’électeurs étaient appelés à voter pour élire leurs représentants dans 52 000
localités dans toute la République. Bien que la participation ait été très
faible (officiellement 25 %, mais les chiffres fournis par les ONG avancent un
taux situé entre 5 et 10 %), les élections se sont déroulées dans un climat
social tendu, en raison de la flambée des prix et de la pénurie de pain
subventionné. Elles sont intervenues deux jours seulement après l’appel à la
grève générale lancé par le mouvement Kéfaya et les heurts entre manifestants
et forces de l’ordre dans la ville de Mahalla, dans le Delta.
Le
parti au pouvoir a remporté 44 000 sièges par forfait sur les 52 000 en jeu en
l’absence des Frères musulmans qui ont boycotté les élections. Le reste, soit
environ 8 000 sièges, a été réparti entre le parti au pouvoir (90 %) et
l’opposition traditionnelle (le néo-Wafd, le parti du Rassemblement, le Parti
nassérien et Al-Ghad), qui ont obtenu 10 %. 700 candidats du néo-Wafd ont été
élus, contre 400 pour le parti du Rassemblement.
Plusieurs
ONG ont indiqué que leurs observateurs avaient été empêchés d’opérer dans une
demi-douzaine de gouvernorats, et certains d’entre eux ont été interpellés. Ces
ONG dénoncent également des cas de fraude.
Opposition
quasi absente et irrégularités en tous genres. Pour la plupart des
observateurs, ces élections ont été une véritable mascarade. Les responsables
du PND, eux, parlent d’une victoire méritée. « Nous sommes le seul parti à
avoir présenté des candidats viables, pour la plupart des jeunes qui se
mettront véritablement au service des masses populaires », lance Karam Gabr, du
comité d’information du PND. Il ajoute que l’objectif du parti au cours de la
prochaine période sera de réformer les municipalités et d’engager un processus
de décentralisation en conformité avec les promesses du président Hosni
Moubarak. Gabr nie toute fraude au cours des élections. « Le PND a réussi à
remporter ces municipales au terme d’un combat électoral honnête et
transparent. Le programme du PND qui vise à alléger les fardeaux qui pèsent sur
les citoyens est la cause de ce grand succès. Si les partis d’opposition ne
déploient pas assez d’efforts, ce n’est pas la faute du PND », lance Karam
Gabr.
Les
élections municipales se déroulent tous les 5 ans. Initialement, elles devaient
avoir lieu en 2007. Mais au cours de l’année 2006, le Parlement, à majorité
PND, a voté en faveur d’un report de deux ans sous prétexte que ce délai serait
mis à profit pour achever le nouveau projet de loi sur les municipalités.
Or,
selon certains, cette décision visait à couper la route aux Frères musulmans. La
confrérie interdite mais tolérée avait en effet remporté 88 sièges aux
élections législatives de 2005. Et l’Etat craignait qu’elle réédite cet exploit
aux municipales, ce qui lui ouvrirait la porte pour présenter un candidat aux
élections présidentielles de 2011. En effet, conformément aux récents
amendements constitutionnels, les candidats aux élections présidentielles
doivent obtenir la signature de 65 députés de l’Assemblée du peuple, 25 du
Conseil consultatif et 140 membres des Conseils municipaux pour valider leur
candidature. Le nouveau projet de loi sur les municipalités n’a finalement pas
vu le jour et le gouvernement a décidé de tenir les élections en 2008.
Pour
certains, la victoire écrasante du PND montre que les discours de réforme
démocratique du parti au pouvoir sont partis en fumée. Le plan de l’Etat pour
faire mainmise sur les municipalités était simple : écarter les Frères
musulmans qui représentent une force d’opposition capable d’inquiéter le PND et
amadouer l’opposition traditionnelle. Le premier objectif a été atteint à
travers des arrestations massives des cadres de la confrérie. En effet, les
élections ont été précédées par une campagne d’intimidations et d’arrestations
sans précédent contre les Frères. Un millier de cadres de la confrérie ont été
arrêtés au cours de cette campagne. En outre, les candidats des Frères ont été
systématiquement exclus lors de la remise des dossiers de candidatures, ce qui
les a privés de toute chance de participer aux élections. Ainsi, les Frères
musulmans, qui avaient 5 754 candidats au départ, se sont retrouvés avec
seulement 21 avant de décider de boycotter le scrutin. Parallèlement à cette
stratégie, le parti au pouvoir a conclu un marché avec les partis d’opposition.
Celui-ci consiste à leur offrir un certain nombre de sièges en échange desquels
l’opposition s’abstient de critiquer l’Etat sur le déroulement des élections. «
Ce marché conclu était visible quelques jours avant les élections », note Amr
Hachem Rabie, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS)
d’Al-Ahram. Il fait remarquer que les partis d’opposition n’ont pas participé à
l’appel à la grève lancé par le mouvement d’opposition Kéfaya le 6 avril et que
les journaux d’opposition n’ont critiqué que timidement le déroulement des
élections, contrairement à leur habitude. « L’opposition a une fois de plus
servi de décor dans le cadre général des élections », assure Amr Hachem Rabie.
Pour
certains, la mainmise du PND sur la scène politique est de très mauvais augure.
« D’une part, cela signifie que l’état d’inertie politique se poursuit et que
la corruption et la mauvaise gestion qui existent au sein des municipalités
vont continuer à sévir », conclut Abdel-Ghaffar Choukr, membre du comité
central du parti du Rassemblement.
May Atta