Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Entre plage  et chantier
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 Semaine du 8 au 14 août, numéro 674

 

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Nulle part ailleurs

Agami . C’est un été pas comme les autres dans cette station balnéaire huppée mise sens dessus dessous par des travaux d’infrastructure. Vacances ratées pour les uns et pari sur l’avenir pour les autres.

Entre plage  et chantier

Agami, banlieue d’Alexandrie, un des anciens lieux de villégiature, n’a jamais perdu de son charme même avec l’apparition d’autres stations balnéaires sur la Côte-Nord ou en mer Rouge. Mais cette année, la ville s’est transformée en un véritable chantier. Des foreuses et des tarières bloquent les rues de tous les côtés et creusent des fosses et tranchées profondes. Des tas de décombres s’entassent le long des murs et obstruent les portes des maisons. Et les cris des journaliers se mêlent au brouhaha des machines. C’est l’ambiance, en ce moment, à Agami, depuis que le gouverneur d’Alexandrie a décidé d’y entamer des travaux d’infrastructures et de maintenance, retardés depuis de longues années. Un projet prévoyant la construction d’un réseau d’évacuation des eaux usées à la place des fosses d’aisances devenues néfastes. Puis, le gaz naturel desservira directement les maisons via des canalisations et remplacera les bonbonnes. Ce sont les deux objectifs du projet qui a commencé depuis près d’un an dans les quartiers situés entre Alexandrie et Agami, à savoir Max puis Al-Nékheila. C’est en hiver dernier que le travail a débuté au cœur de la station de Bitache. « Ça doit être un gouverneur très courageux pour avoir décidé d’entamer de tels travaux, puisque tous ses prédécesseurs n’ont pas osé le faire. Ce n’est pas facile de sacrifier toute la saison estivale à Agami et de passer outre à la colère des gens. Pourtant, vu l’état de délabrement des infrastructures, il était évident que ces travaux ne pouvaient plus attendre », dit le général Fahim, qui passe ses vacances régulièrement à Agami et dont les fonctions à la police lui ont permis d’approcher directement de tels problèmes. Pour lui, c’est un grand pas en avant, même si les gens souffrent de la situation actuelle de drainage et manifestent leur mécontentement puisque leurs vacances sont ratées.

Une scène quotidienne se répète : celle des voitures venues du Caire puis, la déception des vacanciers qui, à la vue des travaux, quittent le lieu sans avoir réussi à mettre le pied chez eux. Ce sont des familles qui espéraient passer leur été comme d’habitude dans leurs maisons de vacances, mais elles n’ont même pas pu dépasser le seuil de leur résidence à cause des fissures et des excavations qui bloquent les rues et parfois les portes des villas et des immeubles. « Il fallait au moins nous avertir pour qu’on arrange nos vacances autrement et qu’on ne soit pas surpris de cette situation, surtout que personne ne sait combien de temps cela va durer », dit Abdel-Fattah, ingénieur à la retraite qui, avec d’autres, s’est résigné et compte, malgré tout, y passer son été, sans pour autant cesser d’afficher son mécontentement. Hassan et sa femme ont dû se priver cette année de leur marche matinale sur la plage à cause de l’eau pourrie qui parsème le sol et des tuyaux qui déversent l’eau des égouts dans la mer. « Même si les responsables du projet affirment que cette eau provient de la nappe phréatique, on ne les croit pas, vu sa couleur verte et son odeur nauséabonde », lance Hassan, 58 ans. Ce n’est pas le seul problème. Il y a aussi les sens de la circulation des véhicules qui changent d’un jour à l’autre suivant l’organisation du travail. Ce qui oblige les gens à garer leurs voitures loin de leurs logements et à marcher dans les encombrements au risque d’endommager les fils électriques et téléphoniques. Ces fils dénudés exposent les gens à des chocs électriques et les excavations sont une menace pour les enfants puisqu’il n’y a plus d’éclairage dans la rue. La plage ressemble à un marécage, étant pleine de flaques d’eau salée provoquées par le forage du sol. Autant de raisons qui rendent les estivants fous de rage et qui font qu’ils refusent même de voir les côtés positifs de l’affaire. Al-Hanafiya, l’une des rues principales de Agami, qui sert de carrefour aux autres rues, subit actuellement les travaux les plus importants. Là, un des ingénieurs responsables sur le terrain explique que ce projet est une nécessité et non pas un luxe. Connu depuis les années 1960, ce lieu de villégiature n’a véritablement jamais connu d’aménagement au sens propre du terme, surtout en ce qui concerne les eaux usées. L’eau des égouts, stockée dans des fosses d’aisances souterraines sans aucun réseau commun ni canalisation vers une fosse principale, n’avait plus qu’à se diluer avec le temps et à se filtrer jusqu’à la nappe phréatique au risque de la rendre insalubre. Ce système ne convient plus maintenant, surtout avec le nombre croissant d’habitants et de vacanciers d’une année à l’autre. Il arrive souvent que les égouts débordent, laissant échapper une odeur nauséabonde insupportable, attirant toutes sortes d’insectes. L’état général de ce réseau s’est tellement dégradé que l’hiver dernier, les égouts ont débordé et envahi toutes les rues de la partie résidentielle, formant avec l’eau de pluie de grandes flaques, rendant impossible toute circulation. Une situation qui a fait l’objet de plusieurs articles dans la presse et a été abordée dans le journal télévisé.

Pourtant, toutes ces raisons ne sont pas à même de convaincre les gens d’accepter, pour quelque temps, ce désordre provisoire qui améliorera la situation pour des années à venir. Leur seul souci est de profiter de chaque saison pour ne pas rater leurs vacances. Les plus fâchés, ce sont les commerçants, pour qui la période estivale est synonyme de bonnes affaires. Le visage couvert de poussière comme sa marchandise, Ahmad, épicier, se tient devant son magasin. Assis sur une chaise posée sur un amas de déblais, il dit que si la situation perdure, il risque d’aller en prison. Non seulement il n’a pas de clients, mais aussi il a des chèques impayés.

« C’est très beau qu’ils fassent les travaux, mais il va falloir payer non seulement pour le drainage, mais aussi pour le gaz naturel si l’on veut que les canalisations desservent nos maisons. Au total, 1 000 L.E. à payer ! Moi, je préfère rester sans gaz et garder tout cet argent en poche. Je paye des impôts régulièrement pour ces services », dit Galal, propriétaire d’une agence de voitures. Ces gens, qui n’attendent que l’été pour faire de grands profits, gagnent leur vie grâce aux quelques familles qui n’ont pas quitté le lieu ou aux excursions organisées par la ville d’Alexandrie ou d’autres gouvernorats ayant pour destination Agami. Après quelques minutes de repos, les machines se mettent de nouveau à gronder. Les ouvriers investissent les lieux de toutes parts, comme s’ils en étaient les propriétaires. Ils se sont donné même le droit d’utiliser les jardins de quelques habitations pour se reposer et se servir de l’eau potable. Les habitants, qui acceptaient au départ d’offrir de l’aide à ces ouvriers en leur donnant à manger, à boire ou en leur permettant d’utiliser les toilettes, ont changé soudainement de comportement. « Nous n’avons rien contre ces pauvres travailleurs. Les responsables nous avaient affirmé que les travaux allaient vite s’achever, des mois se sont écoulés et nos rues sont encore dans ce désordre. Alors, nous ne voulons plus leur faciliter la vie pour qu’ils quittent rapidement les lieux », dit Fatma, avocate et propriétaire d’une villa. Cette femme, qui ne peut passer un été sans venir à Agami, s’y rend depuis sa plus tendre enfance. Mais cet amour lui coûte cher puisqu’elle est privée de sa voiture, bloquée dans le jardin à cause de l’état des rues. Quant au gouverneur, il s’est contenté de s’excuser dans les différents médias auprès des estivants et habitants pour les avoir indisposés cette année. Les responsables pensent que les gens exagèrent puisque les travaux dans chaque rue n’excèdent pas une semaine si tout se passe bien et qu’aucun obstacle n’entrave leur travail. Dès qu’une rue est finie, les ouvriers entament immédiatement celle d’à côté et ainsi de suite, mais comme les rues sont trop étroites et collées les unes aux autres, les gens ne voient pas la différence. Tandis que les uns considèrent cette situation comme étant insupportable, les autres préfèrent être plus optimistes car Agami va faire peau neuve. Mahmoud, déçu comme les autres, est arrivé en compagnie de sa famille pour passer ses vacances. Même s’il a un peu de mal à circuler en voiture et à pied, il pense que ce projet mérite bien quelques sacrifices. Selon lui, se débarrasser des moustiques et des égouts est une raison suffisante pour supporter tout ce désordre. La férocité des moustiques « agamistes » est connue par tout le monde. Mahmoud et d’autres ne sont qu’une minorité à voir les choses positivement et à penser que cela mérite à coup sûr quelques souffrances. « L’eau potable ne coule pas suffisamment pour contrôler sa consommation et du coup, diminuer son rejet dans les égouts. Il est difficile de trouver une bonbonne de gaz alors qu’on peut l’avoir au marché noir mais à quel prix ! ». Ce sont des raisons suffisantes pour convaincre Naguib de la nécessité de ce grand projet en cours d’installation. Il ajoute que tous ces services vont sûrement augmenter les prix des logements, alors, il n’y a que de bons côtés. Si beaucoup ont changé de plans cet été et sont allés passer leurs vacances ailleurs, laissant Agami dans ses déboires, des fidèles ont quand même opté pour le lieu et semblent faire abstraction de ce qui se passe. Ces gens se croisent tôt le matin sur les plages, profitent de la mer et des soirées estivales, vont danser dans les célèbres casinos pleins d’ambiance et ne cessent de marteler que rien ne pourra interrompre leurs vacances .

Hanaa Al-Mékkawi

 




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