Aymane Nour . L’opposant
politique, emprisonné depuis un an et demi, vient de voir sa demande de
libération pour raisons de santé rejetée. Il a de plus perdu officiellement son
titre de chef du parti libéral Al-Ghad.
Les sanctions n’en finissent pas de pleuvoir
Un
tribunal administratif du Caire a refusé, mardi 31 juillet, la libération de
l’opposant Aymane Nour pour raisons de santé, arguant que sa vie n’était pas en
danger. Reconnaissant que l’état de santé de Nour est en détérioration, le
tribunal a estimé que sa vie n’était pas en danger. Toutefois, il a demandé au
ministère de l’Intérieur de veiller à ce que M. Nour reçoive les soins médicaux
nécessaires. Son avocat, Amir Salem, a tout de suite assuré qu’il allait
interjeter appel devant le Haut tribunal administratif « dans les prochains
jours ». En attendant, la défense va essayer d’obtenir que Nour soit transporté
dans un hôpital en dehors de la prison. Selon ses proches, Aymane Nour souffre
de diabète, d’hypertension et de problèmes cardiaques.
Ce
même mardi, une heure après l’arrêt du tribunal, le Comité des partis
politiques, largement dominé par le gouvernement, a décidé d’ôter à Nour la
présidence de son parti Al-Ghad, et de l’attribuer à l’un de ses rivaux, Moussa
Moustapha Moussa. Celui-ci avait ébranlé le parti par le passé, notamment en
créant avec d’autres opposants à Aymane Nour le front des « Honorables
d’Al-Ghad » et en s’autoproclamant chef de la formation politique.
«
C’est le dernier épisode du feuilleton scandaleux de la destruction d’Aymane
Nour et de son parti », a affirmé Gamila Ismaïl, épouse de Nour, commentant la
décision du Comité des partis. « Si le régime continue à nous rendre la vie
difficile, nous allons envisager, avec tous les partisans de Nour, la création
d’un nouveau parti », a-t-elle repris, tout en ajoutant que ceci n’aura lieu
qu’après avoir épuisé les recours en justice. « Ce qui s’est passé montre que
le parti au pouvoir ne veut pas une vraie démocratie susceptible de promouvoir
la vie politique en Egypte. Il veut des opposants choisis sur mesure », a lancé
à son tour Ihab Al-Kholi, partisan de Nour élu à la tête du parti après
l’emprisonnement de celui-ci.
Position de force
L’implosion
du parti est déclenchée. D’une part, Al-Kholi a estimé que Moussa et son bloc
n’ont aucun statut légal au sein du parti, rappelant qu’ils en avaient été
renvoyés il y a près de deux ans. Et d’autre part, Moussa, maintenant en
position de force, a affiché son intention de poursuivre en justice Gamila
Ismaïl et Ihab Al-Kholi pour « appartenance à une formation illégitime ». Il a
estimé que les défenseurs de Nour ne représentaient plus Al-Ghad.
Lançant
le programme de « son » parti, Moussa a dit ce qu’il fallait pour rassurer : «
Nous avons une opinion tout autre sur ce qu’est un parti d’opposition. Nous
n’allons pas faire partie de coalitions ni de fronts politiques avec d’autres
formations ne partageant pas nos objectifs, nous n’avons rien contre la
concertation avec le gouvernement ni avec le parti au pouvoir, nous n’aurons
aucune relation avec les Frères musulmans, etc. ».
Condamné
en décembre 2005 à cinq ans de prison pour falsification de documents
nécessaires à l’agrément de son parti, Nour avait participé quelques mois
auparavant aux premières élections présidentielles « pluralistes ». Il était
arrivé deuxième, largement derrière le président Hosni Moubarak, réélu pour un
cinquième mandat consécutif. Son discours libéral, adapté aux jeunes
générations aspirant à la liberté et à la démocratie, a été très bien accueilli
en Occident. Nour a fait parler de lui dans la presse américaine et réussi à se
poser, un bref moment, comme une alternative sérieuse.
La
secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, qui était à Charm Al-Cheikh la
semaine dernière dans le cadre d’une tournée dans la région, a indiqué avoir
évoqué son cas avec le président Hosni Moubarak. « J’ai longuement parlé de lui
avec le président Moubarak et j’ai fait part de ma déception de la décision du
tribunal. Je sais qu’un appel va être déposé et nous espérons qu’il aboutira »,
a-t-elle dit.
Mais
contrairement à leurs exhortations en faveur de la démocratie et des droits de
l’homme au début du mandat de George W. Bush, les Etats-Unis ont dernièrement
réduit leurs pressions pour la réforme en Egypte et dans la région. Lors de sa
visite dans la région, la secrétaire d’Etat voulait plutôt s’assurer du soutien
des régimes arabes aux politiques américaines au Proche-Orient, notamment dans
la « guerre contre le terrorisme ».
« De
notre point de vue, il n’y a pas de contradiction entre travailler avec
certains pays dont le processus de réforme nous préoccupe, et coopérer avec ces
mêmes pays dans le combat contre l’extrémisme », s’est défendue Mme Rice.
Les «
Nouristes » l’auraient bien compris. Aujourd’hui, ils appellent d’une même voix
les Etats-Unis à ne plus s’en mêler ….
Chérif
Albert