Al-Ahram Hebdo, Afrique | Circonstances périlleuses
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
Nos Archives

 Semaine du 8 au 14 août, numéro 674

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Dossier

  Nulle part ailleurs

  Invité

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Société

  Arts

  Idées

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Afrique

Burundi . Blocage institutionnel, crise économique, réconciliation nationale en souffrance, le pays fait face à une crise multiforme.

Circonstances périlleuses

Un accord de cessez-le-feu dont l’application piétine, un gouvernement sans majorité parlementaire, une économie stagnante : le Burundi, qui tente de sortir de 14 ans de guerre civile, traverse une crise multiforme qui inquiète la communauté internationale. Ce petit pays d’Afrique centrale, dont le processus de paix était jusqu’à récemment présenté comme un exemple de réussite, connaît une crise depuis des mois. Pour la première fois depuis la fin de la transition politique au Burundi en 2005, entamée en 2001 et qui devait amener le pays vers la paix, le corps diplomatique accrédité à Bujumbura a exprimé publiquement, la semaine dernière, son inquiétude. « Au nom du corps diplomatique représenté au Burundi, je voudrais (...) exprimer notre préoccupation par rapport à la situation politique qui prévaut au Burundi », a déclaré l’ambassadeur de Tanzanie, Bernard Mndolwa, doyen du corps diplomatique à Bujumbura. De son côté, l’Union Européenne (UE), principal bailleur de fonds du pays, a constaté vendredi « avec préoccupation le blocage institutionnel actuel, qui entraîne un retard dans la reprise du développement économique et social du pays. (...) L’UE craint que ce blocage ne nuise à la stabilité du pays ».

Le Burundi est d’abord en proie à une crise institutionnelle grave : le président Pierre Nkurunziza ne dispose plus de majorité à l’Assemblée nationale et ne peut pas faire voter de lois. Le parti présidentiel, le Conseil National pour la Défense de la Démocratie- Forces pour la Défense de la Démocratie (CNDD-FDD), connaît depuis février une crise profonde qui a conduit à l’éviction de son ancien patron. « Aujourd’hui, on se retrouve dans une situation où l’exécutif burundais n’a plus les moyens de gouverner parce que l’opposition peut bloquer l’action gouvernementale », explique Willy Nindorera, un analyste burundais.

Cette crise politique se double d’une crise économique, sur fond de corruption. « On observe de très nombreux cas de malversations économiques et de corruption », dit M. Nindorera. Le Burundi, dont l’économie a été ruinée par la guerre civile, est classé 3e pays le plus pauvre du monde par la Banque mondiale. « Toute cette corruption se passe alors que depuis la fin de la transition, l’économie stagne, l’aide promise ne vient pas, aucune décision n’est prise sur le plan économique (...) avec pour conséquence un malaise social grandissant », indique sous couvert de l’anonymat le directeur général de l’une des plus grosses banques du pays.

 

Cessez-le-feu fragilisé

Plus grave, l’application de l’accord de cessez-le-feu conclu le 7 septembre 2006 entre le gouvernement burundais et les Forces Nationales de Libération (FNL), dernière rébellion encore active au Burundi, fait du surplace. Les 28 hauts cadres politiques et militaires des FNL, présents à Bujumbura pour travailler à la mise en place de cet accord, ont tous regagné le maquis, dans le Bujumbura rural, entre le 21 et le 23 juillet. Parmi ces 28 responsables, 12 faisaient partie du Mécanisme Conjoint de Vérification et de Suivi (MCVS), chargé de la mise en application de l’accord de cessez-le-feu et 14 autres d’équipes mixtes de liaison chargées d’étudier la question de la libération des prisonniers politiques et de guerre des FNL et du cantonnement des combattants rebelles.

Pour le général Godefroid Niyombare, chef d’état-major de l’armée, ces fuites « confirmaient une fois de plus les renseignements que nous avons et qui indiquent que les FNL veulent reprendre la guerre ». Selon des informations militaires, les rebelles seraient forts d’entre 4 000 et 6 000 hommes et recruteraient dans tout le pays. « Nous avons décidé de réorganiser nos positions militaires autour de la capitale, pour éviter toute mauvaise surprise, a précisé récemment le porte-parole de l’armée burundaise. (…) Notre but est de protéger la population en cas d’attaque rebelle. Nous n’avons nullement l’intention d’engager les hostilités », a-t-il cependant affirmé.

« Engager les hostilités », ce ne serait pas non plus l’intention des FNL, ni de leurs dissidents. « Le Parti pour la libération du peuple hutu-Forces Nationales de Libération (Palipehutu-FNL) ne veut pas reprendre la guerre. Nous sommes engagés sur la voie des négociations et nous allons continuer », a assuré Pasteur Habimana, porte-parole des FNL. Le processus de paix demeure toutefois bien poussif. Il bute sur certaines revendications des FNL, comme la libération de prisonniers politiques et de guerre rebelles. D’autre part, les FNL ont exigé des négociations sur leur intégration dans les institutions politiques et militaires, avant d’aller plus loin dans l’application de l’accord de cessez-le-feu, ce que Bujumbura a rejeté. Si les FNL ne sont pas prêtes à reprendre les armes, elles ne sont pas non plus pressées de voir aboutir les discussions avec le gouvernement, suspendues depuis fin juillet. « Les FNL veulent entrer dans les institutions, mais le plus tard possible, pour pouvoir se présenter aux élections de 2010 comme la voie de recours » et être associées le moins longtemps possible à un gouvernement accusé notamment de corruption et de violations massives des droits de l’homme, explique un analyste burundais qui a requis l’anonymat.

« Le blocage est très sérieux, les FNL veulent renégocier l’accord qui est vide politiquement, mais le parti au pouvoir ne veut rien céder de son pouvoir », explique un diplomate en poste à Bujumbura, ayant requis l’anonymat. « Le problème, c’est que les FNL, affaiblies politiquement et militairement au moment de la signature de l’accord, se sont réorganisées, se sont réarmées », renchérit M. Nindorera, pour qui « le Burundi souffre d’une conjonction de plusieurs situations porteuses de risques majeurs (...) avec malheureusement, un chef d’Etat qui n’a pas encore démontré de grandes capacités à gérer de telles crises ». M. Nkurunziza, ex-chef rebelle et ex-professeur de sport, était inexpérimenté en politique avant son accession au pouvoir. « Comme on le pressentait, on se rend compte que le CNDD-FDD n’était pas prêt à diriger le pays tout de suite (...) il s’est donc crispé et a choisi la voie de la confrontation », juge l’analyste ...

Pour le moment, les différents acteurs, Onu, UA (Union Africaine), médiation sud-africaine et initiative régionale sont en train de se concerter pour voir comment relancer le processus de paix. Cependant, le changement de positions de l’armée sur le terrain, la forte activité rebelle et l’activisme des dissidents des FNL, que rapportent des témoins dans les provinces de Bujumbura rural et de Bubanza, dans l’ouest du Burundi, principale zone d’activité rebelle, effraient les populations. D’aucuns craignent que le chaos succède à la quasi-accalmie qui règne depuis l’accord de septembre 2006. La guerre civile qui a duré 14 ans, faisant plus de 300 000 morts, a opposé l’armée, dominée alors par la minorité tutsie, aux rebelles hutus, répartis dans plusieurs groupes. Les FNL sont le dernier des sept mouvements rebelles les plus actifs pendant la guerre à n’avoir pas encore conclu d’accord global de paix avec le gouvernement.

Hicham Mourad

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Névine Kamel- Howaïda Salah - Chourouq Chimy
Assistant technique: Karim Farouk
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.