Iraq
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La
conférence internationale visant à restaurer la sécurité
dans le pays n’a pas donné de fruits. Elle constitue
cependant une certaine avancée en soi puisqu’Américains,
Syriens et Iraniens ont repris langue.
L’option de
possibles concessions
La
conférence internationale sur la sécurité en Iraq, qui s’est
tenue samedi à Bagdad, ne risque pas d’avoir un effet
tangible sur l’arrêt de l’effusion de sang dans le pays. La
conférence a réuni les délégations de 17 pays et
organisations, dont les Etats-Unis et leurs deux « bêtes
noires », l’Iran et la Syrie, les autres voisins de l’Iraq,
les membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu,
ainsi que la Ligue arabe et l’Organisation de la conférence
islamique. Le but étant de trouver une solution à la crise
iraqienne qui a fait 34 000 morts en 2006.
Selon
les experts, l’unique avancée de cette conférence réside
dans la formation des groupes de travail sur les questions
de la sécurité, des réfugiés, du pétrole et de l’électricité.
« Les échanges ont été bons de façon générale. En tant que
première étape, la réunion a été positive », a estimé
l’ambassadeur américain à Bagdad, Zalmay Khalilzad, selon
qui cette réunion devrait être suivie par une autre
conférence, au niveau ministériel. Cependant, les
participants ne sont pas parvenus à s’entendre sur le lieu
de ce nouveau rendez-vous, qui devrait se tenir en avril.
Analysant les résultats de cette conférence, le Dr
Abdel-Ghaffar Choukri, vice-président du Centre des études
arabes et africaines, explique : « Cette réunion ne peut pas
avoir de résultats efficaces sur le terrain car, en fait, la
plupart des pays participants n’ont rien à présenter à
l’Iraq. La solution du problème réside essentiellement dans
les mains de Washington, et en second plan dans celles de
Téhéran et de Damas, toujours accusés de faciliter
l’infiltration des combattants en Iraq pour y attiser de
plus en plus la violence. Tant que Washington ne reconnaît
pas ses responsabilités et tant qu’il ne donne pas
l’occasion au peuple iraqien de décider seul de son avenir,
la crise va empirer, les violences iront crescendo et toutes
les conférences tenues seront lettre morte ».
La
situation sur le terrain l’a d’ailleurs déjà prouvé. Au
lendemain de la conférence, au moins 58 personnes ont été
tuées, dont 43 dans des attentats à Bagdad lors d’une
attaque visant un groupe de pèlerins chiites qui revenaient
de la ville sainte de Kerbala. Et la veille, le nombre de
morts était de 34.
Divergences nombreuses
Or, même
si la réunion de samedi était sans grands échos, elle
constitue une première diplomatique, avec la présence, à la
même table, des délégués américains, iraniens et syriens.
Pour la première fois, une conférence a été marquée par des
contacts directs entre délégués américains et iraniens, deux
pays qui n’ont plus de relations diplomatiques depuis la
crise des otages de l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran en
1980. L’Iran chiite est toujours accusé, par Washington, de
fournir armes, matériel, logistique et solutions de repli
aux milices chiites alors que la Syrie est accusée de
favoriser le passage de combattants étrangers sunnites dans
le pays.
Suite à
leurs discussions avec ces deux pays de « l’axe du mal »,
les Etats-Unis ont parlé d’une réunion « constructive et
efficace ». Mais en dehors d’un engagement commun à «
combattre le terrorisme », les divergences sont demeurées
nombreuses, les représentants américains soulignant que les
déclarations iraniennes en faveur de la paix ne «
suffisaient pas » et l’Iran réclamant un calendrier de
retrait des troupes étrangères. Mais les Etats-Unis ont
directement reproché à l’Iran des ingérences sur le
territoire iraqien et le président américain a pressé la
Syrie et l’Iran de stopper l’entrée d’armes et d’auteurs
d’attentats suicide chez leur voisin iraqien. De même, le
premier ministre iraqien, Nouri Al-Maliki, a demandé à Damas
et à Téhéran de cesser leurs ingérences dans le pays.
Rejetant
les accusations américaines, le représentant iranien à la
conférence, Abbas Araghtchi, a nié que son pays attise les
violences chez son voisin et en a rejeté la responsabilité
sur la présence des troupes américaines sur le sol iraqien.
Selon
les analystes, la décision de Washington de dialoguer
directement avec la Syrie et l’Iran, bien qu’il l’ait
toujours refusé jusqu’à ce que Téhéran gèle son programme
nucléaire et jusqu’à ce que Damas arrête l’infiltration des
combattants en Iraq, démontre que les Etats-Unis ont
commencé à être plus « ouverts » à une communication directe
avec ces deux pays. « Washington a commencé à réaliser que
toute solution à la crise iraqienne doit passer par la voie
syrienne et iranienne. Aussi, les Etats-Unis ont-ils tenté,
lors de la conférence, de faire pression sur ces pays, étant
conscients que la diplomatie est l’unique voie à la solution
de la crise. Mais, Washington doit payer le prix : il doit
présenter des offres alléchantes à Damas et à Téhéran pour
qu’ils stoppent leur ingérence en Iraq », estime le Dr
Abdel-Ghaffar, selon qui Damas peut stopper son ingérence en
Iraq en contrepartie d’une pression américaine sur Israël
pour qu’il se retire du Golan. Quant à l’Iran, il peut
stopper son ingérence en contrepartie d’un arrêt de la
campagne de mobilisation internationale menée par Washington
contre son dossier nucléaire et en contrepartie d’une
suspension des sanctions qui lui sont imposées. « La crise
iraqienne est enchevêtrée et compliquée. Si Washington
demande quelque chose à Damas et à Téhéran, il doit bien
offrir quelque chose en contrepartie. C’est la règle du jeu.
Sinon, les Américains ne pourront jamais s’en sortir »,
conclut le Dr Abdel-Ghaffar.
Maha Al-Cherbini