Patrimoine.
L’Institut des métiers archéologiques a donné naissance à
une nouvelle génération de jeunes artisans qui contribuent à
la restauration des monuments historiques.
Une école buissonnière utile
Une
vingtaine d’enfants dont l’âge varie entre 10 et 14 ans
affluent tous les jours à la mosquée Al-Réfaï dans la place
Khalifa, près de la Citadelle. Fuient-ils l’école ? Un peu,
c’est vrai. Du moins ils lâchent l’enseignement officiel
pour une formation d’artisans. Le lieu où ils vont est
l’Institut des métiers archéologiques. « Il ne faut pas être
en retard. Nous avons beaucoup de travail à accomplir
aujourd’hui », indique Mohamad, un des garçons qui suivent
une formation dans cet atelier. En effet, l’institut vise en
premier à faire renaître les métiers archéologiques, soit
ceux qui ont déjà disparu, comme les travaux faits avec du
coquillage et les ornements en verre coloré, soit ceux qui
sont en voie de disparition, comme la tapisserie et la
menuiserie artisanales.
Au seuil de la mosquée, on écoute les bruits des machines
mêlés à ceux du martelage du bois et du cuivre. Onze
ateliers se trouvent dans cet institut où sont formés des
enfants et également des stagiaires qui connaissent déjà le
métier et qui acquièrent plus d’expérience. Chacun, selon
son niveau, est employé à la restauration des monuments
coptes et islamiques, en plus de la création d’objets
destinés à la vente.
« La plupart des enfants que nous entraînons ne voulaient
pas continuer leurs études scolaires. On leur offre la
chance d’avoir un métier. Après un tour des activités de
l’institut, chaque enfant s’inscrit dans le travail qu’il
apprécie. Ainsi, l’enfant non seulement apprend un métier
rentable, mais participe aussi à la restauration et la
préservation du patrimoine culturel, notamment les monuments
coptes et islamiques », explique Khaled Mohamad Kamel, chef
de la menuiserie au sein de l’institut. D’après lui, les
enfants non seulement suivent des cours dans ces ateliers,
mais font aussi un travail pratique en accompagnant leurs
maîtres sur les différents sites archéologiques.
Dans
chacun des onze ateliers se trouvent deux ou trois maîtres
qui dirigent plusieurs enfants. Tout le monde travaille :
ici un maître explique les moyens sains de faire fonctionner
les machines ; plus loin un enfant essaye de scier un
morceau de bois, à gauche un autre dessine sur une assiette
en cuivre avant de la graver. C’est une vraie ruche où tout
le monde, sans exception, est occupé. Dans cette atmosphère
de travail sérieux parfois sont remarqués des garçons de
quinze ans qui travaillent sans la moindre intervention du
maître. C’est le cas de Sameh qui suit des cours dans
l’atelier tournage. « Je suis venu quand j’avais onze ans et
j’ai préféré le tournage parce que c’est un métier basé sur
la finesse personnelle et l’habilité », commente Sameh avec
fierté. « J’ai restauré la moucharabieh de l’église de l’amba
Chénouda qui fait partie du complexe religieux au
Vieux-Caire », souligne, à son tour, le stagiaire Mohamad
Zaki Ibrahim. Pour lui, cet élément architectural, si fin et
délicat, était affecté par l’humidité de l’hiver et érodé
par la chaleur de l’été. « Je devais, sous la surveillance
de mon maître, le rendre à son état originel. C’était pour
moi un vrai défi que j’ai réussi à surmonter par excellence
», ajoute le stagiaire.
Faiblesse de revenu
Si le niveau de la conscience patrimoniale est assez élevé
chez les maîtres et les grands artisans, les petits
stagiaires se rendent-ils compte de la valeur de leur
mission ? « Pas forcément », d’après le patron de la
menuiserie. « A priori, les enfants viennent à l’institut
pour fuir la vie scolaire. Et c’est à nous, les maîtres,
d’élever leur conscience patrimoniale au fur et à mesure »,
commente le patron Zaki, ayant opéré à l’institut depuis une
quarantaine d’années. Une mission difficile à accomplir,
mais les maîtres essayent de susciter la curiosité des
enfants et de relever leur conscience patrimoniale en les
emmenant avec eux dans les différents sites historiques et
en leur faisant participer à leur restauration. « Le fruit
d’un tel effort va apparaître dans dix ans, lorsque l’enfant
aura vingt ans », ajoute le patron qui espère que ces élèves
ne quitteront pas définitivement l’institut après la fin de
leur entraînement, puisque la plupart s’orientent aux
ateliers privés, en laissant tout à fait tomber leur mission
au sein de l’institut. Il faut plutôt aller de pair,
travailler dans les ateliers privés, tout en restant dans
l’institut. Afin de réaliser l’équilibre, « on espère que le
Conseil suprême des antiquités augmentera les payes, très
modestes, des artisans de l’institut, y compris les
stagiaires », conclut-il .
Doaa
Elhami