|
|
Patrimoine.
Les sites naturels et surtout préhistoriques du désert
souffrent de différentes violations qui mettent leur
existence en danger.
Les maraudeurs de la préhistoire
Sites
archéologiques, rares formations géologiques, régions
naturelles inédites ainsi que la faune et la flore composant
le patrimoine des déserts égyptiens, que ce soit
l’occidental, l’oriental ou encore celui du Sinaï
constituent un trésor peu connu pour la plupart du peuple
égyptien. Pire, ce patrimoine risque de se perdre pour de
bon à cause des infractions commises par certains des
touristes amateurs et contemplateurs du désert, notamment
l’occidental, auquel on accède le plus souvent. Pis encore,
quelques guides aussi bien que des chauffeurs de 4x4 font
les sourds-muets à l’égard de ces violations afin de
satisfaire leurs clients, cherchant en fait à augmenter
leurs revenus.
Amr
Chanane, expert en rallye et PDG d’une société spécialisée
dans le tourisme désertique estime que pratiqué de la sorte,
le tourisme nuit à la nature, notamment dans le désert. En
effet, lors de son accès au désert, le touriste est à la
recherche de tout ce qui est précieux et différent de son
environnement pour le garder en souvenir. C’est ce qui se
passe souvent dans la région bien connue, celle du désert
libyque, au Gilf Al-Kébir au sud-ouest de la Grande Mer de
sable. C’est une région où sont répandues des pièces
cristallisées, dont le volume varie entre de gros blocs et
de petites pierres. Celles-ci ont résulté de la chute d’un
météorite dont la chaleur, dégagée lors de l’impact, aurait
fondu la silice terrestre. « Durant les années 1980 et 90,
ces pièces étaient répandues énormément. Mais aujourd’hui,
il est rare de les trouver, dans les zones connues pour les
touristes », déplore Mahmoud Noureddine, PDG de Khaset
Expéditions, l’une des sociétés spécialisées dans le
tourisme désertique. Pour lui, les comportements
irresponsables des habitués de la région, amateurs d’objets
précieux qui s’emparent de ces pièces comme souvenirs, sont
catastrophiques. « Si de tels comportements ne sont pas
interdits catégoriquement, on va perdre un patrimoine
égyptien exceptionnel et insolite pour de bon »,
poursuit-il.
Dangers à l’infini
Non
seulement les sites naturels subissent de tels comportements
irresponsables, mais les sites archéologiques, notamment
préhistoriques, en souffrent également et bien fort. Dans
ces lieux vierges encore, à la fois ouverts et peu connus,
les outils préhistoriques se répandent sur la superficie du
sol sans faire l’objet du moindre relevé archéologique. Leur
forme est souvent étrange, à l’instar des œufs d’autruches
ou des couteaux et des pointes de flèches en silex.
Malheureusement, « l’idée de collectionner les souvenirs se
répète encore une fois dans ces lieux. Attirés par ces
formes inédites, les touristes les prennent pour les garder
avec eux », commente Noureddine. D’autre part, les outils
préhistoriques sont menacés d’être écrasés sous les roues
des véhicules . « Lors de nos tournées, on a remarqué
beaucoup de pilons en granit cassés, voire écrasés dans ces
régions », reprend Noureddine. Pour lui, si une pierre
solide comme le granit a été écrasée sous les véhicules,
quel en serait alors le destin des autres outils plus
fragiles ?, se demande-t-il. Avis partagé par Khaled Saad,
directeur du département de la préhistoire au sein du
Conseil Suprême des Antiquités (CSA). Ayant participé à la
campagne du nettoyage du Désert blanc en mai dernier,
l’équipe de recherche sur la préhistoire présidée par Saad,
a découvert trois nouveaux sites où des outils portaient des
traces de pneus. Afin d’éviter de telles violations, le
directeur a encerclé, provisoirement, l’une des zones
préhistoriques avec de grosses pierres en inscrivant sur un
gros bloc que la région en question est archéologique et
qu’il est défendu d’y accéder avec les véhicules.
Malheureusement, « avant de quitter l’endroit, cette
délimitation somme toute improvisée a été éliminée et le
site a été violé comme si nous n’avions rien fait. »,
s’exclame Khaled Saad.
Pire encore, les sites préhistoriques sont aussi victimes
des amateurs à la fois de la photographie et de cet art
pittoresque des graffitis. En effet, certains touristes
arrosent les graffitis d’eau dont les gouttelettes font
ressortir plus clairement les scènes préhistoriques prises
en photos. Résultat : « Beaucoup de peintures ont perdu
leurs couleurs vives et sont en voie de disparition au fil
du temps », reprend Amr Chanane, Pis encore, certaines
scènes préhistoriques ont été « découpées avec la scie par
des chercheurs de la préhistoire pour les emmener avec eux,
sous prétexte de les étudier dans leurs pays », affirme un
archéologue, ayant requis l’anonymat. Celui-ci estime que
c’est une grande perte pour l’archéologie mondiale, et
notamment la préhistoire.
Et ce n’est pas tout. Les menaces ne s’arrêtent pas aux
sites préhistoriques, elles couvrent également les lieux
gréco-romains, notamment les tombes. Sur l’un des monts du
Désert blanc, deux momies femmes dont la date remonte à
l’époque gréco-romaine ont été découvertes. « Ce lieu est
l’un des passages obligés des tours touristiques du Désert
blanc », commente Tareq Al-Qanawati, directeur de la réserve
naturelle. Lors de l’examen archéologique de ces momies, le
directeur de la réserve a constaté que cette tombe a été
profanée jusqu’à ce que les squelettes humains aient été
brisés. Maintenant, les responsables ont décidé de fermer
définitivement la tombe pour mettre fin à ces pratiques.
Pour Amr Chanane, ces violations s’expliquent par
l’ignorance. En effet, beaucoup de « guides et chauffeurs
méconnaissent la valeur du patrimoine désertique que ce soit
naturel ou culturel », commente-t-il. De même, ils ignorent
les dangers que le désert pourrait subir à cause de ces
infractions.
Ceci
sans oublier une recherche du gain facile .
Doaa
Elhami
|
|
|
|
Pour un safari sans dégâts
Six sociétés touristiques sont spécialisées dans le tourisme
du Désert occidental. Afin de préserver le patrimoine
culturel et naturel du Sahara, les PDG ont décidé
d’organiser des stages de prise de conscience aux chauffeurs
et guides des oasis occidentales égyptiennes. « Cette
catégorie représente la porte d’accès au Désert occidental.
De plus, elle s’adapte spontanément aux critères de la
nature désertique comme, par exemple, les orientations à
travers l’astronomie et la protection contre les dangers
naturels », explique Amr Chanane, expert en rallye et PDG
d’une société touristique. Afin d’organiser ce stage, ces
experts touristiques ont coopéré avec l’ONG Hayat à Farafra,
présidée par un professionnel du tourisme, Saad Ali, ainsi
que la White Desert Foundation, présidée par la Néerlandaise
Anneke Hoogendijk, qui a financé ce stage. De même, ces
spécialistes ont invité des géologues, archéologues,
experts en navigation, spécialistes de faune et flore ainsi
que le directeur de l’Organisme du tourisme à Wadi Al-Guédid
(la nouvelle vallée). Ces derniers ont contribué à la
formation de 300 personnes qui ont obtenu des certificats
accrédités par l’Association générale des Chambres
touristiques. Les organisateurs souhaitent que l’obtention
d’un tel certificat soit une condition pour exercer ce genre
de tourisme.
D’ailleurs, les organisateurs jugent que ce stage est un
moyen de conscientiser des chauffeurs et guides des oasis du
Désert occidental. « Durant neuf mois, nous avons organisé
deux ateliers pour élever la conscience des guides quant au
tourisme désertique. Résultat : pendant qu’on a relevé lors
de la campagne de nettoyage qui a eu lieu en novembre 2006,
6,5 tonnes d’ordures, on n’a ramassé que 4,5 tonnes
seulement au cours de la dernière campagne qui a eu lieu en
mai dernier », explique Mahmoud Noureddine, PDG de la
société touristique Khaset Expéditions. Pour lui, c’est un
indice positif de la prise de conscience des Oasiens
accompagnant les touristes. Autre argumentation : ces
derniers escaladaient avec leurs véhicules les formations
géologiques du Désert blanc. Ces comportements ont été
formellement interdits depuis quelques années.
Chanane, cependant, trouve que les Oasiens ne font que leurs
premiers pas pour réaliser sur le terrain un travail
collectif avec succès. Celui-ci assure qu’il faut patienter
afin de cueillir les fruits mûrs de tels ateliers. En tout
cas, « nous avons déjà mis nos pieds sur la bonne voie »,
dit-il.
Quant aux stagiaires, ceux-ci assurent avoir enrichi leur
connaissance générale sur le patrimoine naturel et culturel
que renferme le désert. Aussi, ont-ils acquis les moyens
sains d’attirer l’attention du touriste tout au long de
l’excursion. Mais le plus important est « de réussir à bien
gérer une excursion touristique de longue durée de sorte que
le client ramène ses parents pour visiter le désert égyptien
», indique l’un d’eux, Mohamad Abdel-Latif.
|
|