Al-Ahram Hebdo,Société | Ne plus parler de « fous » mais de malades
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 Semaine du 7 au 13 novembre 2007, numéro 687

 

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Société

Psychiatrie . Un avant-projet de loi proposé par l’OMS et relatif aux droits des malades sera bientôt discuté au Parlement. Leurs droits à des soins appropriés, à un traitement humain et à une qualité de vie décente devront être pris en compte. Mais, il s’agit aussi de changer les mentalités qui les condamnent à l’isolement.

Ne plus parler de « fous » mais de malades

En 2002, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avait consacré une journée mondiale à la santé mentale. Une prise de conscience qui révèle que les troubles d’ordre psychique bouleversent la vie du malade et celle de son entourage. Dans nos sociétés, les malades mentaux sont des laissés-pour-compte, ce qui a probablement conduit à leur isolement.

Aujourd’hui, un avant-projet de loi proposé par l’OMS, relatif aux droits de ces malades, est en cours d’étude. Il sera bientôt proposé au Parlement. Le but : garantir au malade mental un traitement conforme, respecter sa dignité, l’assister en cas de besoin et l’aider à mener une vie meilleure. Ce projet touche les questions longtemps mises de côté, comme le droit du malade à donner son consentement au traitement qu’il va suivre, ou prévoir un tuteur pour décider à sa place afin d’éviter les dépassements dans certains hôpitaux, former du personnel para-médical plus compétent et surtout créer une relation patient-soignant basée sur la transparence. Ce projet de loi devra aussi définir une politique de santé mentale qui vise à changer l’image que la société se fait de ce malade.

En effet, il n’existe en Egypte aucun cadre juridique qui définit les droits du malade mental, sa relation avec l’équipe soignante, ses droits au sein de l’établissement en cas d’hospitalisation et surtout son implication quant au traitement administré.

En effet, pour les patients qui fréquentent les cliniques psychiatriques, les choses sont plus simples, puisqu’il s’agit surtout d’un choix de leur part. En s’adressant à un psychiatre, ces malades sont bien conscients qu’ils ont un problème et vont à la recherche d’une oreille attentive. Cette catégorie ne souffre souvent pas de syndromes graves et sont guéris quelques mois après la consultation.

Mais, les choses se compliquent lorsque le malade doit être hospitalisé. Ce dernier est souvent privé de ses droits les plus élémentaires. Et pour les familles, c’est le parcours du combattant. Dans les hôpitaux, ces malades finissent par être isolés.

 

Un rejet social

L’arrivée à l’hôpital pose déjà un problème. La plupart d’entre eux tentent de prendre la fuite pour éviter cette « prison à vie ». Maltraitance, interdiction de circuler librement, de communiquer, soins inappropriés. Bref, une série d’épreuves qui font que leurs droits sont peu ou pas garantis.

Respecter les droits de ces malades, avoir plus d’égard envers eux, les considérer comme des êtres humains ne sont souvent pas à l’ordre du jour. Une négligence qui reflète le regard de toute une société. Le poids des mots qui les qualifient de « fou » et le ghetto dans lequel on les enferme souvent font que l’on rejette carrément celui que l’on ne comprend pas et qui ne nous ressemble pas.

« Pourtant, le trouble mental est un ensemble indissociable d’une vulnérabilité biologique, de souffrance psychique et d’un trouble social. Ce patient a le droit, comme tous les autres, d’être écouté et soutenu pour pouvoir se remettre d’aplomb et s’intégrer de nouveau dans la société », explique Dr Hicham Eloui, psychiatre.

Mais, cela n’est malheureusement pas le cas. En Egypte, plus d’un million de personnes fréquentent les services spécialisés en psychiatrie, alors que des milliers d’autres y sont hospitalisées de façon quasi permanente. « Nous accueillons quotidiennement des centaines de personnes qui souffrent de troubles psychiques divers. Les frustrations quotidiennes sont innombrables. De plus en plus de personnes ne parviennent pas à réaliser leurs rêves face aux difficultés de la vie. Cette aspiration aveugle vers le mieux suffirait pour justifier le nombre de malades psychiques. Des personnes qui n’arrivent plus à mener leur train de vie normal ont besoin d’une aide pour retrouver leur équilibre », explique Dr Mohamad Abdel-Fattah, maître assistant en psychologie à l’Université de Aïn-Chams et psychologue dans un hôpital psychiatrique privé.

La logique de l’isolement

Dans la plupart des services de psychiatrie, de nombreux malades sont mal en point. L’hôpital étant pour eux le lieu où ils subissent tous les calvaires.

« Négligence, violence, isolement. Ces personnes socialement marginalisées finissent par être mises à l’écart, y compris au sein des hôpitaux », explique Dr Mohamad Abdel-Fattah. Il tient tout de même à faire la différence entre les hôpitaux psychiatriques publics et privés. Et, il est bien placé pour le faire, car il a exercé dans les deux.

« Dans la plupart des hôpitaux publics, il s’agit de malades ne possédant pas de moyens financiers et dont les familles veulent surtout se débarrasser. Le traitement n’étant pas l’essentiel, l’important est qu’ils puissent les oublier définitivement, puisqu’ils représentent pour l’entourage l’infamie. Ce qui explique l’hospitalisation de certains, qui dure depuis plus de 15 ans. Dans ce genre d’hôpitaux, toute sorte d’atteinte à la dignité est permise. Des dizaines de malades s’entassent sur les lits et dans les pavillons. Certains tentent même de fuguer pour échapper aux traitements inhumains. Des médecins n’hésitent pas pour avoir la paix, à administrer des doses excessives de médicaments ou des séances d’électrochoc pour mieux contrôler les patients agités. Raison pour laquelle le directeur de rédaction d’un journal d’opposition a voulu visiter l’hôpital psychiatrique public de Abbassiya en se faisant passer pour un malade mental. Il a été examiné par des médecins qui ont diagnostiqué une paranoïa avec schizophrénie », explique un jeune psychiatre qui fait son internat dans cet hôpital et qui a requis l’anonymat. Ayant révélé son identité après trois jours d’hospitalisation, le journaliste a dénoncé tous les dépassements.

Or, si l’image est moins obscure dans les hôpitaux psychiatriques privés, elle n’est pas non plus parfaite. Soheir est la sœur d’une malade souffrant de dépression sévère. Le psychiatre qui la suit a préféré l’hospitaliser pour qu’elle soit sous surveillance médicale. « Deux semaines entières, nous n’avons pas eu le droit de la voir, encore moins de parler à son médecin traitant. Un mois plus tard, on nous a appris qu’il était en voyage et suivait l’évolution de son cas via les infirmières par téléphone », confie la sœur, qui a dû verser une somme de 10 000 L.E. pour un séjour d’un mois.

En effet, très peu d’établissements hospitaliers tentent de créer une ambiance chaleureuse pour ce genre de patients et seuls les plus aisés bénéficient du meilleur traitement. Dans ces hôpitaux de renommée, une équipe hautement qualifiée accueille le malade avec des sourires, des médecins font tout pour mettre fin à sa souffrance, sans compter les programmes de réhabilitation, les activités sportives, musicales et artistiques qui sont prévus pour le remettre d’aplomb. « Créer un cadre chaleureux après la sortie du patient de l’hôpital est l’un des éléments indispensables à sa guérison. D’où l’importance de préparer sa famille à l’accueillir. Le médecin doit les mettre au courant du risque d’interruption du traitement. Par ailleurs, nous envisageons des programmes d’assistance aux familles des malades. Car il est souvent incapable de donner son jugement ou prendre les bonnes décisions concernant son traitement », confie Dr Abdel-Fattah en parlant de l’établissement privé où il officie et où une toute petite minorité aux parents nantis a accès.

Pour ce médecin, la situation dépasse de loin les murs de l’hôpital psychiatrique ou celles d’une nouvelle loi de santé mentale. Reconnaître les droits des malades, revoir l’éthique liée aux soins, mais aussi créer une nouvelle culture au sein de la société, telles sont les questions clés. « Cela ne pourra avoir lieu que lorsque les services de santé mettront à disposition des moyens plus humains. Ecoles, institutions religieuses et médias doivent présenter une image plus décente du malade mental tout en donnant une autre vision de lui et des troubles qui le font souffrir. Lorsque ce malade sera comparé à une personne atteinte d’un cancer, une maladie dont on peut parler ouvertement, qui se prévient, se soigne et peut se guérir, on aura atteint notre objectif », résume le Dr Abdel-Fattah .

Amira Doss

 




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