Al-Ahram Hebdo, Opinion | Mohamed Salmawy, Paavo Lipponen : Les origines de la civilisation occidentale remontent à l’Orient
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 Semaine du 7 au 13 novembre 2007, numéro 687

 

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Opinion

Paavo Lipponen : Les origines de la civilisation occidentale remontent à l’Orient

Mohamed Salmawy

Qu’arrive-t-il à l’homme politique quand il décide de passer à la retraite à l’âge de 66 ans ? S’isole-t-il de la vie et reste-t-il chez lui à écrire ses mémoires, ou bien son intérêt vis-à-vis de la vie publique reste-t-il toujours aiguisé, ses activités revêtant simplement un aspect différent ? J’étais occupé par toutes ces interrogations alors que j’allais rencontrer Paavo Lipponen, l’un des célèbres hommes politiques finlandais, ancien président du Parti social démocrate, premier ministre finlandais de 1995 à 2003 et, enfin, président du Parlement de 2003 jusqu’en 2007.

Paavo Lipponen effectuait une visite touristique en Egypte, en compagnie de son épouse, au cours de laquelle il s’est rendu à Louqsor et à Assouan.

J’avais dit à Lipponen : « Je me souviens encore de votre allocution d’avril 2006, au moment où la crise des caricatures battait son plein dans un état voisin du vôtre, à savoir le Danemark. Dans cette allocution, vous avez appelé à la nécessité de tisser des rapports entre la civilisation occidentale et l’Orient musulman, et vous avez fait allusion à l’apport de la civilisation arabe à la civilisation occidentale ».

— Tel était mon avis auquel je suis encore attaché. La définition de la civilisation occidentale que nous utilisons aujourd’hui a puisé ses sources en Orient. Il serait erroné de considérer les Arabes et l’islam comme des étrangers. D’autant plus que c’est cette vision, qui est à l’origine de ce faux conflit reflétant le fanatisme frénétique, qui a gagné en ampleur après le 11 septembre 2001. La crise des caricatures danoises n’était que l’un de ses aspects manifestes.

Notre éminente ambassadrice à Helsinki à l’époque, Soad Chalaby avait eu l’amabilité de m’envoyer le texte intégral de l’allocution de Lipponen, dans laquelle il avait critiqué la tendance de l’Occident à se focaliser sur le terrorisme et à ignorer les vérités-clés, sans lesquelles il nous sera difficile de renouer un dialogue entre les civilisations. Il avait dit sincèrement : « Nous devons réapprendre nos leçons d’histoire pour savoir que les sources de notre civilisation remontent toutes à l’Orient ».

Dans la résidence de l’ambassadeur finlandais au Caire, et après un brève moment de silence, Lipponen poursuivit : « Dans cette allocution, je faisais essentiellement allusion à cette réflexion dominante en Occident dont je ne suis pas d’accord, et selon laquelle le berceau de notre actuelle civilisation est la Grèce ».

Lipponen confirme que la civilisation grecque n’est pas née du vide, mais qu’elle était reliée à d’autres civilisations précédentes et contemporaines. Et d’ajouter : « Nous devons nous rappeler que l’islam nous a présenté, au VIIe siècle après J.-C., l’une des plus importantes civilisations universelles, au moment où l’Europe vivait encore dans les ténèbres. Et même si nous évoquons la civilisation grecque en la considérant comme le fondement de notre civilisation moderne, c’est l’islam et sa civilisation qui nous l’ont  préservée et qui nous ont permis de la récupérer après la Renaissance ».

— Quelle est votre plus importante réalisation politique lorsque vous occupiez le poste de secrétaire du premier ministre Mauno Koivisto, en 1979, et jusqu’à votre retraite en mars 2007 ?

Il dit sans hésitation : « C’est cette entente que j’ai réalisée en Finlande entre les différentes tendances politiques. Les grandes œuvres en politique ne se réalisent qu’à travers une dose d’unanimité nationale qui, à mon sens, doit être l’objectif de tout homme politique ayant du poids. J’ai fait en sorte que les trois principaux partis deviennent des partenaires au pouvoir. J’avais pour objectif de les rapprocher du parti au pouvoir et non de les isoler. De cette manière, nous avons réussi à réaliser de grands acquis dans le domaine économique. Par conséquent, la Finlande a beaucoup différé des autres pays européens où les pourcentages du chômage s’aggravaient.

Les résultats de cette politique se sont répercutés également sur le niveau de l’enseignement qui a connu, lui, un développement. Les indices internationaux ont affirmé, plus d’une fois, que l’étudiant finlandais jusqu’à l’âge de 15 ans obtenait le meilleur niveau d’éducation à travers le monde. Le niveau d’éducation élevé est un droit garanti à tout le monde et n’est pas uniquement destiné à l’élite qui, elle, pourrait assumer les coûts de l’enseignement privé».

— Vous avez toujours été l’un de ceux qui ont prêché ce que vous avez appelé « La dimension nordiste », et qui est une politique consistant à annexer les pays scandinaves et ceux du Nord à l’Union européenne.

— Oui, et ceci nous a donné l’occasion d’exercer une influence sur la formation de l’Union, dès ses débuts. Mais permettez-moi de vous dire qu’après avoir réalisé aujourd’hui cette dimension nordiste, il nous faut porter plus d’intérêt à la dimension sudiste. Je vise par cela les pays du bassin méditerranéen, qui sont pour nous un pôle de grande richesse grâce à leur vitalité politique, ainsi que d’autres réalités démographiques. Nous devons porter un intérêt au sud parce que nos origines remontent à lui et cette division qui existe aujourd’hui entre notre civilisation occidentale chrétienne et l’Orient islamique est une fausse donnée. Elle est infondée et, plus que cela, ne nous ne aide pas à nous comprendre nous-mêmes. Le christianisme était, à la base, une religion orientale. Raison pour laquelle il ne nous sépare pas de l’Orient, mais doit, en l’occurrence, devenir un facteur qui nous rapproche.

— Le moment est-il venu pour vous de rédiger vos mémoires ?

— C’est ce que je suis en train de faire effectivement. Mais je rédige parallèlement un autre livre sur l’actualité, n’ayant rien à voir avec les mémoires. La vie ne s’arrête pas, et mon intérêt aux questions d’ordre public ne tarit pas en dépit de ma retraite. J’ai l’intention de poursuivre mon appel à rapprocher les deux civilisations par divers moyens, tantôt par le dialogue, tantôt par la bonne compréhension des vérités historiques.

Je me suis alors rappelé certains de nos anciens premiers ministres et certains présidents de l’Assemblée du peuple qui, une fois que leurs mandats expirent, leurs noms sont effacés à tout jamais de la vie publique. On n’entend plus jamais rien à leur propos, quelques-uns mêmes deviennent « non désirés », et leurs noms ne sont plus évoqués. Jamais ils ne sont invités aux cérémonies et, au-dessus de tout, leur expérience accumulée n’est plus profitable à personne.

Je me suis souvenu que nous étions en train de parler d’un régime politique différent. Un régime démocratique qui ne cherche pas à isoler les autres ou à les concevoir en tant que rivaux se disputant le pouvoir. Le gouvernement en exercice en Finlande est celui d’une coalition entre la droite et le centre, alors que la présidente de la République représente le parti social-démocrate d’opposition. En d’autres termes, les trois grands partis sont représentés au pouvoir, et c’est là une situation que l’on peut difficilement imaginer chez nous.

— Quel est le projet qui vous préoccupe actuellement, à part l’écriture ?

— L’année prochaine auront lieu les festivités célébrant le centenaire de la naissance de notre grand romancier Mika Waltari. Je préside le comité qui supervise ces festivités. Comme vous le savez, Waltari est l’auteur de l’un des célèbres romans du XXe siècle, Sinouhé l’Egyptien, qui a été tiré à des millions d’exemplaires à travers le monde et adapté en un film célèbre dans les années 1950 à Hollywood. Et puisque le sujet du roman traite de l’histoire de l’Egypte ancienne, je suis en train de réfléchir avec l’Union des écrivains d’Egypte sur la manière idéale de participer à cette cérémonie.

— Au début, j’avais cru que vous aviez abandonné la politique et que vous vous étiez tourné vers la littérature. Mais je me suis rendu compte maintenant que vous portez toujours le même intérêt à votre cause fondamentale, celle de rapprocher les peuples et dissiper le malentendu entre la civilisation occidentale et celle orientale.

En souriant, le célèbre homme de politique finlandais rétorqua : « Elle doit être notre cause à nous tous, à l’ère de la mondialisation ».

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