Automobile Club d’Egypte.
Inauguré en 1924 du temps de la royauté, il garde jusqu’à
présent un caractère élitiste. Toutefois, ses membres
viennent de décider de lancer une initiative sur la sécurité
routière.
La nostalgie bousculée par le réel
Rue
Qasr Al-Nil, au centre-ville du Caire, connue par son
architecture haussmannienne. Un édifice qui ressemble plus à
un palais est dissimulé par les devantures d’à côté. Mais on
ne peut ne pas le remarquer. « Automobile et Touring Club d’Egypte
», annonce la pancarte accrochée à l’entrée. De mémoire de
Cairote, on ne peut que se souvenir d’un club huppé qui a
connu plusieurs appellations, dont celle de « Club royal ».
D’ailleurs, dès que l’on franchit le seuil, on a
l’impression de se trouver dans un endroit unique, qui n’a
rien à voir avec le décor de la rue.
C’est un vieux portier vêtu d’un uniforme traditionnel qui
vous accueille. Un employé au bureau des informations est là
pour vous guider. Construit sur deux étages, le palais
comprend une salle d’attente, une salle à manger spacieuse,
des salles servant pour les conférences et les différentes
occasions, les bureaux de l’administration, un grand hall
qui conduit à toutes ces salles et une belle terrasse. Des
lanternes, abat-jour et appliques baignent l’endroit d’une
lumière ambrée qui se reflète sur les murs couverts pour la
plupart de bois et ornés d’une bande dorée. Les escaliers et
le sol sont en marbre et les meubles classiques qui y sont
disposés sont très raffinés. En un mot, un décor royal et
des employés courtois et souriants pour vous recevoir. C’est
dans ce cadre luxueux que se donnent rendez-vous les membres
de ce club qui est réservé à l’élite égyptienne et pas
n’importe laquelle ! Et l’ambiance magistrale qui y règne
donne la preuve qu’il s’agit bien d’un lieu prestigieux.
C’est
en 1924, du temps du roi Fouad et de la propagation des
voitures en Egypte, que ce club a été fondé. L’objectif
était de rassembler les gens qui avaient des voitures, les
initier à la conduite et leur organiser des excursions.
C’est ce même palais offert par la princesse Fatma qui a
servi de siège pour ce club.
Un club que fréquentaient seulement le roi et sa cour et qui
a ouvert ses portes aux citoyens ordinaires après la
Révolution de 1952. Aujourd’hui, ses membres se chiffrent à
4 000. La crème de la crème égyptienne, car pas n’importe
qui peut adhérer à ce club. Il faut figurer sur le Gotha et
verser 50 000 L.E. Une somme banale, somme toute si on la
compare avec les autres clubs. Mais pouvoir payer est une
chose et être admis est une autre. Ce club est régi par des
règles strictes. Toutes les fois qu’une personne veut s’y
abonner, une enquête est menée sur elle par le conseil
d’administration. Puis, on affiche tous les détails
concernant son CV à l’entrée du club et ce, pendant un mois,
pour laisser le temps aux anciens membres d’approuver ou de
rejeter sa candidature.
Un refuge
C’est
en 1927 que le club a commencé à élargir ses activités.
C’est là où s’est organisée la première exposition de
voitures en Egypte. De plus, il a contribué à promouvoir le
tourisme. Des passionnés de l’aventure de toutes
nationalités se déplaçaient chaque année pour participer à
des rallyes. A noter que ce club a été le premier à
organiser ce genre de sport et n’a jamais arrêté de le
sponsoriser.
Plus tard, le club a aidé ses membres voulant voyager à
l’étranger à obtenir des permis de conduire internationaux.
« Depuis ce temps et jusqu’à nos jours, les objectifs du
club n’ont pas beaucoup changé. Outre les rallyes, le club
offre à ses membres des services socioculturels », dit le
général Mohamad Haridi, directeur général du club.
Et même si les titres ont disparu avec la chute de la
royauté en Egypte, le fait de devenir membre dans ce club
équivaut à un titre de noblesse. Une chose qui rend fiers
tous ses membres. « Si j’ai la possibilité de me trouver
dans un endroit qui a su conserver les vestiges de ce passé
glorieux et auquel je suis nostalgique, je n’hésiterai pas à
le faire, surtout en voyant autour de moi toute cette
dégradation de la vie sociale qui devient insupportable à
mes yeux », dit Adel, ingénieur.
Ici,
les membres se connaissent entre eux, s’échangent des idées,
ont des intérêts communs, puisque la plupart d’entre eux
réfléchissent et se comportent de la même manière. « C’est
le seul endroit où je peux recevoir mes invités importants
aussi bien égyptiens qu’étrangers. Ici, on offre des
services à des prix abordables et l’ambiance est bien select
», confie l’avocat Labib Moawad. La compagnie de l’élite est
le facteur commun qui rassemble tous les membres de ce club,
dont la majorité sont des hommes d’affaires, des ministres
actuels ou précédents, des généraux de l’armée ou de la
police ou des personnes distinguées de toutes les autres
professions. Chacun a ses raisons qui le rendent attaché à
cet endroit. Mais la présence d’un bar qui présente des
boissons alcooliques reste pour plusieurs sur la tête des
ces raisons. Car aucun autre club social ne présente un tel
service.
Pour d’autres, il suffit de se trouver dans le même lieu où
le roi passait son temps pour se sentir comme un monarque.
Un retour au passé et une nostalgie qui font que les anciens
membres soient les plus attachés au lieu.
Pourtant, la jeune génération, à savoir les enfants des
membres, n’a pas l’air intéressée. Pour eux, c’est « le club
des vieux ». Et ce, car, il est difficile pour eux de
respecter les règles strictes imposées par l’administration,
que ce soit au niveau de la tenue ou de la rigueur.
Pour eux, c’est « le club des vieux ». Il est difficile de
respecter les règles dures du comportement dans le club :
être toujours en tenue formelle, la cravate est de rigueur,
le jean, les t-shits et les tennis sont interdits. Ce sont
des règles à ne pas transgresser, car l’élégance est de mise
dans cet endroit.
On peut facilement dire que pendant plus de 80 ans,
l’Automobile Club n’a pas changé de philosophie. Il a tout
fait pour conserver sa belle image et pour garder sous son
toit ses membres appartenant à l’élite. D’une génération à
l’autre, ce concept a pris le dessus et a pu garder la
réputation de ce club.
Place au réalisme
Mais,
il semble que cet élitisme a influencé l’idée que se font
les citoyens de ce club. « Un endroit où les gens ne font
que manger et boire ».
Selon l’ingénieur Qotb Soliman, homme d’affaires et
vice-président du conseil administratif du club, cette idée
s’explique par le fait que la plupart des activités exercées
ont été mises de côté au fil des années.
D’après lui, les membres ne se sont jamais intéressés à
assumer ce rôle. Pour eux, le club n’est que cet édifice
majestueux qui possède une histoire. Ils passent leur temps
à chercher après les nouveaux qui veulent s’inscrire au club
pour vérifier s’ils répondent aux critères et s’ils méritent
d’y faire leur entrée.
Soliman explique que les membres sont tellement attachés à
cet édifice et à tout ce qu’il représente comme passé
glorieux au point où ils ont refusé de construire une
nouvelle salle sur la terrasse, la seule au Caire qui date
de l’époque royale. « Comment oserait-on participer à la
destruction d’un tel patrimoine ? », dit Soliman.
Mais au-delà, il semble que les membres n’assument pas les
tâches des automobiles clubs de l’étranger. Ces derniers
sont responsables de tout ce qui concerne la circulation et
la sécurité routière, ils se trouvent sur des points fixes
sur les routes où ils peuvent présenter leurs services aux
automobilistes. Les clubs participent à la mise en état des
routes, à la sensibilisation des conducteurs contre les
accidents de la route. Voire, ils tentent de rendre la
circulation plus fluide. En Egypte, les choses seraient en
train d’évoluer dans ce sens. Depuis l’arrivée du nouveau
conseil administratif, il y a de nouvelles perspectives. «
Lors de nos participations aux conférences internationales
des Automobile Clubs, l’on a découvert que le fossé qui nous
sépare d’eux est énorme. Nous avons alors envisagé un plan
d’action et avons pris des initiatives en coopération avec
les ministères concernés pour jouer un rôle plus efficace
dans le domaine de la sécurité routière en Egypte »,
explique Soliman. A cet égard, le Club du Caire fera sien le
slogan « Make Roads Safe » (sécuriser la route), lancé par
les Nations-Unies pour rendre les routes moins dangereuses
partout dans le monde. L’Automobile Club se lance donc ainsi
dans le concret. En octobre 2006, lors de la conférence
internationale qui s’est tenue à Barcelone, il a été signalé
que l’Afrique détenait le record en accidents de la route et
que l’Egypte était en tête de liste. Aujourd’hui, les
membres semblent bien déterminés. Ils veulent que leur club
marque de son empreinte le quotidien des Egyptiens, mais
évidemment tout en maintenant ce goût du luxe qui est le
leur.
L’un
peut bien aller avec l’autre.
Hanaa
Al-Mekkawi