Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | La nostalgie bousculée par le réel
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 7 au 13 novembre 2007, numéro 687

 

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Nulle part ailleurs
 

Automobile Club d’Egypte. Inauguré en 1924 du temps de la royauté, il garde jusqu’à présent un caractère élitiste. Toutefois, ses membres viennent de décider de lancer une initiative sur la sécurité routière.

La nostalgie bousculée par le réel

Rue Qasr Al-Nil, au centre-ville du Caire, connue par son architecture haussmannienne. Un édifice qui ressemble plus à un palais est dissimulé par les devantures d’à côté. Mais on ne peut ne pas le remarquer. « Automobile et Touring Club d’Egypte », annonce la pancarte accrochée à l’entrée. De mémoire de Cairote, on ne peut que se souvenir d’un club huppé qui a connu plusieurs appellations, dont celle de « Club royal ». D’ailleurs, dès que l’on franchit le seuil, on a l’impression de se trouver dans un endroit unique, qui n’a rien à voir avec le décor de la rue.

C’est un vieux portier vêtu d’un uniforme traditionnel qui vous accueille. Un employé au bureau des informations est là pour vous guider. Construit sur deux étages, le palais comprend une salle d’attente, une salle à manger spacieuse, des salles servant pour les conférences et les différentes occasions, les bureaux de l’administration, un grand hall qui conduit à toutes ces salles et une belle terrasse. Des lanternes, abat-jour et appliques baignent l’endroit d’une lumière ambrée qui se reflète sur les murs couverts pour la plupart de bois et ornés d’une bande dorée. Les escaliers et le sol sont en marbre et les meubles classiques qui y sont disposés sont très raffinés. En un mot, un décor royal et des employés courtois et souriants pour vous recevoir. C’est dans ce cadre luxueux que se donnent rendez-vous les membres de ce club qui est réservé à l’élite égyptienne et pas n’importe laquelle ! Et l’ambiance magistrale qui y règne donne la preuve qu’il s’agit bien d’un lieu prestigieux.

C’est en 1924, du temps du roi Fouad et de la propagation des voitures en Egypte, que ce club a été fondé. L’objectif était de rassembler les gens qui avaient des voitures, les initier à la conduite et leur organiser des excursions. C’est ce même palais offert par la princesse Fatma qui a servi de siège pour ce club.

Un club que fréquentaient seulement le roi et sa cour et qui a ouvert ses portes aux citoyens ordinaires après la Révolution de 1952. Aujourd’hui, ses membres se chiffrent à 4 000. La crème de la crème égyptienne, car pas n’importe qui peut adhérer à ce club. Il faut figurer sur le Gotha et verser 50 000 L.E. Une somme banale, somme toute si on la compare avec les autres clubs. Mais pouvoir payer est une chose et être admis est une autre. Ce club est régi par des règles strictes. Toutes les fois qu’une personne veut s’y abonner, une enquête est menée sur elle par le conseil d’administration. Puis, on affiche tous les détails concernant son CV à l’entrée du club et ce, pendant un mois, pour laisser le temps aux anciens membres d’approuver ou de rejeter sa candidature.

 

Un refuge

C’est en 1927 que le club a commencé à élargir ses activités. C’est là où s’est organisée la première exposition de voitures en Egypte. De plus, il a contribué à promouvoir le tourisme. Des passionnés de l’aventure de toutes nationalités se déplaçaient chaque année pour participer à des rallyes. A noter que ce club a été le premier à organiser ce genre de sport et n’a jamais arrêté de le sponsoriser.

Plus tard, le club a aidé ses membres voulant voyager à l’étranger à obtenir des permis de conduire internationaux.

« Depuis ce temps et jusqu’à nos jours, les objectifs du club n’ont pas beaucoup changé. Outre les rallyes, le club offre à ses membres des services socioculturels », dit le général Mohamad Haridi, directeur général du club.

Et même si les titres ont disparu avec la chute de la royauté en Egypte, le fait de devenir membre dans ce club équivaut à un titre de noblesse. Une chose qui rend fiers tous ses membres. « Si j’ai la possibilité de me trouver dans un endroit qui a su conserver les vestiges de ce passé glorieux et auquel je suis nostalgique, je n’hésiterai pas à le faire, surtout en voyant autour de moi toute cette dégradation de la vie sociale qui devient insupportable à mes yeux », dit Adel, ingénieur.

Ici, les membres se connaissent entre eux, s’échangent des idées, ont des intérêts communs, puisque la plupart d’entre eux réfléchissent et se comportent de la même manière. « C’est le seul endroit où je peux recevoir mes invités importants aussi bien égyptiens qu’étrangers. Ici, on offre des services à des prix abordables et l’ambiance est bien select », confie l’avocat Labib Moawad. La compagnie de l’élite est le facteur commun qui rassemble tous les membres de ce club, dont la majorité sont des hommes d’affaires, des ministres actuels ou précédents, des généraux de l’armée ou de la police ou des personnes distinguées de toutes les autres professions. Chacun a ses raisons qui le rendent attaché à cet endroit. Mais la présence d’un bar qui présente des boissons alcooliques reste pour plusieurs sur la tête des ces raisons. Car aucun autre club social ne présente un tel service.

Pour d’autres, il suffit de se trouver dans le même lieu où le roi passait son temps pour se sentir comme un monarque. Un retour au passé et une nostalgie qui font que les anciens membres soient les plus attachés au lieu.

Pourtant, la jeune génération, à savoir les enfants des membres, n’a pas l’air intéressée. Pour eux, c’est « le club des vieux ». Et ce, car, il est difficile pour eux de respecter les règles strictes imposées par l’administration, que ce soit au niveau  de la tenue ou de la rigueur. Pour eux, c’est « le club des vieux ». Il est difficile de respecter les règles dures du comportement dans le club : être toujours en tenue formelle, la cravate est de rigueur, le jean, les t-shits et les tennis sont interdits. Ce sont des règles à ne pas transgresser, car l’élégance est de mise dans cet endroit.

On peut facilement dire que pendant plus de 80 ans, l’Automobile Club n’a pas changé de philosophie. Il a tout fait pour conserver sa belle image et pour garder sous son toit ses membres appartenant à l’élite. D’une génération à l’autre, ce concept a pris le dessus et a pu garder la réputation de ce club.

 

Place au réalisme

Mais, il semble que cet élitisme a influencé l’idée que se font les citoyens de ce club. « Un endroit où les gens ne font que manger et boire ».

Selon l’ingénieur Qotb Soliman, homme d’affaires et vice-président du conseil administratif du club, cette idée s’explique par le fait que la plupart des activités exercées ont été mises de côté au fil des années.

D’après lui, les membres ne se sont jamais intéressés à assumer ce rôle. Pour eux, le club n’est que cet édifice majestueux qui possède une histoire. Ils passent leur temps à chercher après les nouveaux qui veulent s’inscrire au club pour vérifier s’ils répondent aux critères et s’ils méritent d’y faire leur entrée.

Soliman explique que les membres sont tellement attachés à cet édifice et à tout ce qu’il représente comme passé glorieux au point où ils ont refusé de construire une nouvelle salle sur la terrasse, la seule au Caire qui date de l’époque royale. « Comment oserait-on participer à la destruction d’un tel patrimoine ? », dit Soliman.

Mais au-delà, il semble que les membres n’assument pas les tâches des automobiles clubs de l’étranger. Ces derniers sont responsables de tout ce qui concerne la circulation et la sécurité routière, ils se trouvent sur des points fixes sur les routes où ils peuvent présenter leurs services aux automobilistes. Les clubs participent à la mise en état des routes, à la sensibilisation des conducteurs contre les accidents de la route. Voire, ils tentent de rendre la circulation plus fluide. En Egypte, les choses seraient en train d’évoluer dans ce sens. Depuis l’arrivée du nouveau conseil administratif, il y a de nouvelles perspectives. « Lors de nos participations aux conférences internationales des Automobile Clubs, l’on a découvert que le fossé qui nous sépare d’eux est énorme. Nous avons alors envisagé un plan d’action et avons pris des initiatives en coopération avec les ministères concernés pour jouer un rôle plus efficace dans le domaine de la sécurité routière en Egypte », explique Soliman. A cet égard, le Club du Caire fera sien le slogan « Make Roads Safe » (sécuriser la route), lancé par les Nations-Unies pour rendre les routes moins dangereuses partout dans le monde. L’Automobile Club se lance donc ainsi dans le concret. En octobre 2006, lors de la conférence internationale qui s’est tenue à Barcelone, il a été signalé que l’Afrique détenait le record en accidents de la route et que l’Egypte était en tête de liste. Aujourd’hui, les membres semblent bien déterminés. Ils veulent que leur club marque de son empreinte le quotidien des Egyptiens, mais évidemment tout en maintenant ce goût du luxe qui est le leur. L’un peut bien aller avec l’autre.

Hanaa Al-Mekkawi

 




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