Al-Ahram Hebdo,Invité | Jean-Marie Bockel, « L’Union méditerranéenne fait son chemin »
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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 7 au 13 novembre 2007, numéro 687

 

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Invité

Secrétaire d’Etat français à la Coopération et à la Francophonie, Jean-Marie Bockel était cette semaine en Egypte. Il évoque la nouvelle politique de coopération de la France et sa vision pour promouvoir la francophonie.

« L’Union méditerranéenne fait son chemin »

Al-Ahram Hebdo : Vous avez représenté la France à la conférence ministérielle co-organisée par l’Egypte et la Commission européenne, jeudi dernier à Charm Al-Cheikh, sur la coopération régionale en matière énergétique entre l’Union européenne, l’Afrique et le Moyen-Orient. Comment évaluez-vous les résultats de cette conférence ?

Jean-Marie Bockel : Je ne peux pas faire d’évaluation de la conférence parce que c’est une conférence qui a été organisée par les Egyptiens. Eux seuls peuvent en faire le bilan. Pour ma part, le message que j’ai voulu transmettre lors de cette occasion est que la France est favorable à l’engagement de l’Egypte, annoncé quelques jours plus tôt par le président Moubarak, sur la voie du nucléaire civil. D’autant que cet engagement se fait de manière exemplaire, dans le respect des conventions internationales et des traités de non-prolifération nucléaire. La position du président Nicolas Sarkozy est que le monde arabe a droit au nucléaire civil. Et il n’y a pas de raison de s’y opposer. Nous pensons surtout qu’au vu des enjeux climatiques, des nécessités d’économie d’énergie, le nucléaire, à côté des énergies renouvelables, reste indispensable. Surtout que du point de vue des gaz à effet de serre, le nucléaire est une énergie tout à fait propre. Cette énergie doit pouvoir se développer et la manière dont l’Egypte, et le monde arabe, s’engagent dans cette démarche est exemplaire.

— La France serait-elle disposée à apporter son aide et son savoir-faire au lancement du programme nucléaire égyptien ?

— La France est prête, si on le lui demande, à mettre à disposition de l’Egypte des experts en matière de production d’énergie nucléaire.

— Le président Nicolas Sarkozy a prôné la rupture avec la politique traditionnelle de coopération française avec l’Afrique, dite de la « Françafrique » désignant des réseaux d’influence occultes. Qu’en dites-vous ?

— Si l’on se réfère à la feuille de route du président Sarkozy, on se rend compte qu’on a un objectif clair de sortir de la Françafrique de papa d’autrefois. Bien sûr, cela ne veut pas dire que nous ne respectons pas un certain nombre de réalités. C’est normal que nous soutenons les amis de la France, surtout lorsqu’il s’agit pour certains d’entre eux de chefs d’Etat très anciens. C’est normal que nous ayons également le souci des intérêts de notre pays. Ceci dit, la politique de coopération doit évoluer, prendre en compte davantage l’efficacité et l’efficience des démarches de coopération, dans le respect d’un certain nombre de principes, qui sont la lutte contre la corruption, la bonne gouvernance et la démocratie, mais aussi la compatibilité avec le développement soutenable de la planète. Mais surtout, en fin de compte, il faut observer les principes d’efficacité de l’aide dans la durée. Cela suppose que nous fassions des choix, améliorions nos outils — comme par exemple le renforcement de l’Agence française de développement —, faire le choix d’être plus présent dans certains pays qui sont prêts à aller plus loin avec nous, sans abandonner naturellement les autres. Sortons sans drame, sans démarche brutale, mais de manière claire d’une certaine conception de la relation avec l’Afrique.

— Quel bilan faites-vous du rôle politique de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) ?

— L’OIF sait qu’elle doit encore se réformer, s’adapter aux enjeux d’aujourd’hui, améliorer son fonctionnement. Son secrétaire général, Abdou Diouf, en est le premier conscient, car nous sommes tous partisans d’une francophonie vivante, ouverte à des pays non francophones, et à des discussions avec des pays lusophones, arabophones et hispanophones. Défendre cette diversité culturelle est aussi la meilleure réponse contre le prétendu choc des civilisations.

La francophonie aujourd’hui, à travers toutes les alliances qu’elle peut développer, veut aussi dire faire face aux enjeux politiques qui vont au-delà du sol français. D’ailleurs, lors de la prochaine conférence ministérielle de la Francophonie, qui se tiendra à Vientiane (Laos) le 20 novembre, et du sommet des chefs d’Etat au Québec en octobre 2008, nous discuterons des thèmes comme la préservation du climat, et non pas simplement la question du français si importante soit-elle.

Donc, la francophonie doit être ouverte et permettre le rayonnement culturel de la France mais aussi des pays francophones, de leurs écrivains, artistes et musiciens. Elle doit, ce faisant, permettre de partager ses valeurs de diversité culturelle et donner plus prosaïquement l’envie du français. On a de plus en plus d’apprenants du français un peu partout dans le monde. On a un réseau de 850 000 professeurs de français. Tout cela est très important. J’entends m’impliquer fortement de manière adaptée au monde d’aujourd’hui, et non pas seulement de manière défensive, dans cette mission de la francophonie. Et je sais que je pourrais pour cela compter sur nos amis d’Egypte, où la francophonie est toute particulière, certes minoritaire, mais extrêmement engagée.

— Vous avez évoqué l’ouverture de la francophonie à des pays qui ne sont pas francophones. Où vous situez-vous dans le débat au sein de l’OIF entre les partisans d’un élargissement de l’organisation à des pays qui ne sont que partiellement francophones et ceux préférant l’approfondissement de la francophonie dans les pays traditionnellement francophones ?

— Je suis d’accord qu’il faut approfondir. Je comprends tout à fait qu’on élargit dans l’idée d’une sorte de club où des gens ont eu une tradition francophone ou souhaitent donner plus de place au français, comme c’est le cas même de certains pays de tradition lusophone. Mais ce club doit être large. Donc, c’est bien qu’on ait des pays à peine francophones dans ce club, avec des statuts divers. Mais l’important aujourd’hui c’est d’approfondir la francophonie et de profiter de ce réseau pour mettre en œuvre les priorités que je viens d’évoquer. De toute façon, l’élargissement de l’OIF est largement fait. Les quelques candidats encore à adhérer au club sont des pays qui sont très francophones. Maintenant, il faut approfondir.

— Pensez-vous que la francophonie a vocation à jouer un rôle économique ?

— La francophonie a déjà un club de chefs d’entreprises francophones. A partir du moment où l’on parle la même langue, même si tout le monde se doit de parler l’anglais  — c’est une réalité d’aujourd’hui —, cela crée un climat, une ambiance et une manière de voir les choses qui peuvent faciliter et facilitent assurément la conclusion des affaires.

— Que pensez-vous des accusations portées par certains pays africains selon lesquelles la Francophonie est un moyen pour la France de s’ingérer dans leurs affaires intérieures ?

— Ce n’est pas du tout le cas. On n’est plus du tout dans cet état d’esprit. Les mêmes pays qui font ce genre de reproches sont parfois les premiers à exprimer des sollicitations ou des attentes qui rappellent plus le passé que l’avenir. Donc, c’est un mauvais procès, peu crédible.

— Quels sont, dans votre programme, les outils d’action prioritaires pour la promotion de la francophonie ?

— Nous allons mettre l’accent sur les moyens, qui ne sont pas forcément extensibles à l’infini, d’apprentissage du français partout où c’est possible, même dans les pays anglophones et lusophones. On forme ainsi des professeurs de français, comme en Namibie par exemple. Ce sont de petits effets insoupçonnables, mais qui sont très importants. Nous avons aussi l’intention de préserver et de conforter le rayonnement culturel dans tous nos centres, instituts et Alliances françaises. Qui dit rayonnement culturel, même dans la langue du pays, dit tête de pont pour la francophonie.

— Que répondez-vous à certaines critiques francophones accusant la France d’égocentrisme ?

— Peut-être cela existe. Il y a eu peut-être à une certaine époque une certaine arrogance française. Mais cette époque est largement révolue. Je pense qu’aujourd’hui la France concilie de plus en plus ses intérêts. Tout le monde défend ses intérêts. On attend de nous une coopération sincère qui n’est pas simplement une démarche de co-développement pour endiguer l’émigration, mais qui est aussi une démarche avec d’autres pays européens, et même au-delà. Quand vous voyez que la France est le deuxième pays dans le monde, en termes d’engagements financiers, dans la lutte contre le Sida et les pandémies, on ne pourra pas dire que c’est de l’égocentrisme. Cela concerne des sujets très importants faisant partie des objectifs du Millénaire. Nous le faisons sans arrogance et en partenariat avec d’autres. Donc, intérêts de la France, oui. Egocentrisme, non.

— Où en est-on de l’idée lancée par le président Sarkozy de créer une Union méditerranéenne ?

— C’est un projet qui avance bien, qui est très bien reçu, qui a un réel impact extrêmement positif et qui correspond à la réalité géopolitique d’aujourd’hui. Je pense que c’est une idée qui fait son chemin.

— Ne pensez-vous pas que l’Espagne voit d’un mauvais œil l’idée de remplacer le Processus de Barcelone par l’Union méditerranéenne ?

— Non, sincèrement je ne le crois pas. Je ne pense pas qu’il y aura des problèmes du côté des pays européens. Le président Sarkozy a pris son bâton de pèlerin et a été assez convaincant.

— Et la réaction des pays du sud de la Méditerranée ?

— Les réactions sont très positives. C’est la bonne idée au bon moment. D’ailleurs, le président Moubarak a été l’un des premiers chefs d’Etat à avoir réagi de manière positive à cette initiative. Il y a même des pays africains qui aimeraient ne pas être exclus de cette démarche et de pouvoir se connecter avec une démarche subsaharienne .

Propos recueillis par Hicham Mourad

 




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