Emigration clandestine.
Le naufrage de deux embarcations transportant 172 Egyptiens
au large des côtes italiennes, faisant 28 morts, relance la
question épineuse des flux migratoires clandestins vers
l’Europe.
La tragédie relance le débat
Ils
voulaient fuir le chômage et la pauvreté. Ils nourrissaient
le rêve d’une vie meilleure. Mais au large des côtes
italiennes, c’est la mort qui les attendait … lorsque les
deux barques à bord desquelles se trouvaient les 172 émigrés
clandestins (tous des jeunes) ont fait naufrage. Les
autorités italiennes ont repêché jusqu’à présent 28
cadavres. Il y a 127 rescapés. « C’était un vrai cauchemar.
Nous étions à court d’eau et de nourriture. Nous étions
obligés de boire l’eau salée de la mer afin de survivre
lorsque subitement nos deux barques ont commencé à prendre
l’eau. On a vu la mort de nos propres yeux », témoignera
l’un des rescapés après la tragédie.
L’histoire de ces jeunes, originaires pour la plupart du
gouvernorat du Fayoum, commence au début de l’été. Le
scénario est classique. Un passeur leur propose de les faire
émigrer clandestinement en Europe moyennant une somme de 15
000 L.E. pour chacun d’entre eux. Confrontés au chômage et
aux dures conditions économiques, ils n’hésitent pas. Et
certains iront jusqu’à vendre leurs maisons pour être en
mesure de partir. Le passeur leur fournit deux barques.
L’une partira d’Alexandrie, l’autre de Libye.
Le drame a relancé le débat sur le trafic de la main-d’œuvre
en Egypte et les conditions déplorables et illégales dans
lesquelles ces jeunes sont expédiés vers l’Europe. « Nous
sommes confrontés à une véritable mafia du trafic de
main-d’œuvre. Nous avons à plusieurs reprises mis en garde
contre les risques pour les jeunes de tomber dans les mains
de cette mafia. Ces escrocs choisissent toujours l’Italie,
car c’était un pays qui permettait aux émigrés clandestins
après 5 ans de résidence de régulariser leur situation. D’où
cet afflux vers l’Italie », affirme Ahmad Al-Qoweisni,
ministre adjoint des Affaires étrangères. En effet, ce n’est
pas la première fois qu’un tel drame se produit. Chaque
année, des dizaines d’Egyptiens trouvent la mort au large de
l’Europe. Mais si autrefois certains clandestins parvenaient
à atteindre l’autre rive, la situation est plus difficile
aujourd’hui. « Les pays de l’Union européenne, dont
l’Italie, appliquent désormais des normes plus strictes, le
contrôle des côtes a été renforcé et de nombreux clandestins
se retrouvent refoulés ou périssent dans des conditions
difficiles », souligne Al-Qoweisni.
Conscient de cette situation, le gouvernement égyptien a
conclu un accord avec les autorités italiennes afin
d’envoyer chaque année en Italie 7 000 travailleurs
égyptiens dans des professions différentes pour y travailler
légalement durant la période de l’été.
Mais soigner un bouton de fièvre n’est pas soigner la
fièvre. Et les convois d’émigrés clandestins vers les côtes
de l’Europe se multiplient, favorisés par plusieurs
facteurs. Au cours des précédentes années, la main-d’œuvre
égyptienne a perdu l’accès de plusieurs marchés, notamment
l’Iraq. Un million d’expatriés égyptiens y travaillaient
avant la guerre du Golfe. La plupart sont revenus après la
guerre. D’autre part, la Libye, considérée comme l’un des
poumons de la main-d’œuvre égyptienne, applique désormais
des quotas plus stricts à la main-d’œuvre étrangère, ce qui
fait que les Egyptiens n’y ont plus aussi facilement accès
qu’auparavant. « Toutes ces considérations ont fait que de
nombreux jeunes démunis ou sans emploi se tournent vers
l’Europe. Le problème de la main-d’œuvre égyptienne est
qu’elle manque de qualification. Ces jeunes se rendent en
Europe pour y pratiquer toutes sortes de métiers marginaux.
Or, le gouvernement pourrait trouver des débouchés à cette
main-d’œuvre à l’étranger surtout sur les marchés européens
si elle était mieux formée », assure Ali Fath Al-Bab, député
indépendant et de la commission de la main-d’œuvre à
l’Assemblée du peuple, qui fait porter la responsabilité de
ces drames à répétition au gouvernement égyptien.
Pour sa part, le ministère des Affaires étrangères a annoncé
qu’il entendait lancer une campagne de sensibilisation à
l’intention des jeunes des gouvernorats afin de les mettre
en garde contre les risques d’une émigration clandestine.
Par ailleurs, une enquête a été ouverte sur le drame de
cette semaine.
Sabah
Sabet