Parlement.
La nouvelle session qui débute ce mercredi par l’élection du
président de l’Assemblée du peuple s’inscrit dans la
continuité au grand dam de l’opposition.
Une session sans surprises
La
session parlementaire écoulée fut « historique » dans la
mesure où elle a témoigné de l’amendement de la
Constitution. Celle qui commence ce mercredi devra en
affiner les retombées.
Beaucoup de lois devenues caduques suite à cette réforme
devraient être changées durant cette session. L’opposition
qui s’est vainement opposée à l’amendement constitutionnel,
n’y voyant qu’un changement pour le pire, s’attend à ce que
l’Etat essaye de forcer l’adoption de toutes les lois
nécessaires qui vont avec. Il s’agit des lois sur l’exercice
des droits politiques, les élections, les partis politiques,
les municipalités …, la liste est longue. La plus
appréhendée par l’opposition est la loi antiterroriste,
censée remplacer l’état d’urgence en vigueur depuis 1981.
Elle soulève déjà un débat sur sa raison d’être, et sur les
intentions de l’Etat, accusé de vouloir perpétuer
indéfiniment l’état d’urgence en l’incluant dans la
législation. Ces lois dites complémentaires à la
Constitution doivent être votées par une assemblée dominée
par le Parti National Démocrate (PND, au pouvoir) .
Pour le député du Rassemblement (gauche), Abdel-Aziz
Chaabane, les jours se suivent et se ressemblent. « Que ce
soit pour cette nouvelle session ou pour les anciennes,
l’opposition s’applique à assurer son rôle, à travers
l’interrogation des responsables et des ministres, mais la
majorité dont dispose le parti au pouvoir fait que ces
efforts n’aboutissent à rien ».
En tout état de cause, et même si l’issue des votes sur les
nouvelles lois ne fait aucun doute, cette intense activité
législative donnera sûrement lieu à des affrontements et des
tours de force entre la majorité et l’opposition.
« Lors de l’amendement constitutionnel, l’Etat a essayé de
calmer l’opposition en avançant que ce qui comptait c’est la
législation, laquelle précise les modalités de l’application
du texte. Là, c’est le moment pour espérer que le PND
palliera les vices de l’amendement constitutionnel »,
souligne le député wafdiste Moustapha Cherdi. « Nous
considérons les propositions du gouvernement et envisageons
les alternatives, mais le problème est tel que le
gouvernement n’écoute pas l’avis opposé, et considère que
l’opinion de l’opposition est juste nécessaire pour la
galerie démocratique », s’empresse-t-il d’ajouter.
Lors des amendements constitutionnels en 2006, l’opposition
avait mis en garde contre les conditions d’investiture à la
magistrature suprême visant selon elle à exclure la
possibilité des autres partis à présenter des candidats aux
élections présidentielles. La suppression du contrôle
judiciaire sur les élections parlementaires a également
suscité beaucoup de critiques, sans parler des clauses
relatives au terrorisme susceptibles de réduire la marge
déjà restreinte des libertés publiques.
Jouer dans les marges tolérées
Mais pour sortir des grandes questions, le député
indépendant Moustapha Bakri estime que d’autres dossiers
s’imposeront à l’ordre du jour du Parlement lors de cette
prochaine session. « La cherté de la vie, le chômage, le
monopole, la régression de la réforme politique, les
violations des libertés lors des élections des unions
estudiantines… », énumère-t-il, ce qui selon lui donnera
sûrement lieu à des débats échauffés.
Mais au-delà de ce qui est prévu, Bakri craint l’imprévu. «
Des informations circulent sur l’éventualité de la
dissolution du Parlement vers le milieu de cette session,
soit en avril 2008. Si cela s’avère vrai, ce sera la preuve
que le régime en a eu marre de l’opposition et souhaite un
nouveau Parlement qui en sera exempt », appréhende-t-il. En
fait, depuis l’introduction du pluralisme dans le système
politique égyptien en 1977, l’opposition n’a jamais été
autant représentée dans l’hémicycle. Avant les élections
législatives de 2005, le PND contrôlait plus de 90 % des
sièges de l’Assemblée du peuple. A l’issue de ces élections,
25 % des sièges ont été raflés par l’opposition, dont 20 %
par la confrérie des Frères musulmans, qui se positionne
désormais comme la principale force d’opposition. Le
gouvernement, qui ne reconnaît aucune légitimité à la
confrérie, aurait des raisons de ne pas se sentir à l’aise
dans cette cohabitation. « Le scénario de la dissolution
était envisageable lors de l’amendement constitutionnel à
cause des ennuis qu’ont provoqués les députés issus de la
confrérie, mais aujourd’hui le régime n’a vraiment pas
besoin d’y recourir, il a réalisé, en présence des Frères,
tout ce qu’il n’a pas réussi à faire en leur absence »,
affirme pourtant l’analyste Amr Hachem Rabie, du Centre d’Etudes
Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Les députés issus des Frères profitent de leur forte
présence à l’Assemblée pour se donner une légitimité en tant
que force politique incontournable. Leur dernière décision
dans cette optique a été de placer un des leurs, Sobhi
Saleh, pour disputer la présidence de l’Assemblée face à
Fathi Sorour, un cacique du PND en poste depuis 1990. « Nous
savons d’emblée le résultat, mais cela ne doit pas nous
empêcher d’exercer nos droits, et puisqu’on dit qu’on est
une démocratie, il ne faut donc pas s’étonner de cette
démarche », affirme le député islamiste Ali Fath Al-Bab.
Il s’agit visiblement pour eux, comme pour tout autre député
non affilié au PND, de jouer dans les marges tolérées, sans
nul autre espoir que de marquer une position et/ou se faire
remarquer.
Chérif Albert