Secteur Bancaire .
La Banque Centrale d’Egypte réserve la cession de la Banque
du Caire à une institution bancaire reconnue. Les grands
groupes familiaux contestent cette position qui, selon les
spécialistes, peut faire l’objet d’une action en justice.
Explications.
Familles non grata
La
Banque Centrale d’Egypte (BCE) est catégorique : elle refuse
de céder à des entreprises familiales égyptiennes les 80 %
du capital de la Banque du Caire, mise en vente depuis
bientôt deux mois. Elle refuse en outre de leur accorder
toutes licences pour créer de nouvelles banques. En tête de
liste de ces entreprises figurent celles de Naguib Sawirès,
président d’Orascom Telecom, de Mohamad Farid Khamis, PDG
d’Oriental Weavers Group, et de Mohamad Chafiq Gabr, PDG d’Artoc
Group pour le commerce.
Pour ces hommes d’affaires, une lueur d’espoir d’acquérir
une part de la Banque du Caire est cependant apparue
dernièrement. Et cela depuis que l’institution financière JP
Morgan s’est vue confier la promotion de la vente de la
Banque du Caire. Pour Hassan Al-Chaféï, directeur général de
la banque Ahli Al-Mottahed Misr, cela signifie en effet
qu’ils pourraient bien acheter une part de 10 % des 80 % du
capital de la troisième plus grande banque publique
égyptienne lancée si l’institution américaine estime propice
de lancer une part des actions de la Banque du Caire à la
Bourse égyptienne. « C’est JP Morgan qui décide du moyen le
plus approprié pour la vente », explique Al-Chaféï.
Cette idée d’hommes d’affaires propriétaires d’une banque ou
d’une portion de capital bancaire n’est pas nouvelle, fait
noter Ismaïl Hassan, ancien gouverneur de la BCE et actuel
président de la banque Misr-Iran. La plupart d’entre eux ont
d’ailleurs déjà détenu des parts de banques égyptiennes.
Sawirès détenait une part dans Misr Exterior et Abdel-Moneim
Séoudi possédait une portion de la banque Al-Mohandess. «
Mais ils les ont vendues lors de la cession de ces banques
», ajoute Ismaïl Hassan. Il rappelle aussi que 25 % de la
banque Crédit Agricole Misr appartient actuellement au
groupe familial Mansour Al-Maghrabi, respectivement
propriété des familles des actuels ministres de l’Habitat et
du Transport. « Pourquoi donc ne pas généraliser ce cas de
figure ? », se demande-t-il ironiquement. Avis que plusieurs
partagent, car il existe sur le marché égyptien d’autres
banques arabes familiales à l’exemple de Blom Bank, détenue
par la famille de Saad Azhari et qui a acquis Misr Romanian.
De plus, la banque Audi, détenue par la famille de Georges
Audi, a acquis Cairo Far East Bank. La banque Al-Ittihad
Al-Watani émiratie a quant à elle acheté la banque
d’Alexandrie commerciale maritime. Il y a enfin l’exemple de
la Banque nationale du Koweït, détenue par la famille royale
koweïtienne qui a acquis récemment la banque Al-Watani
Al-Masri.
Former un consortium
Pour justifier davantage leur position, les responsables de
la BCE rappellent les problèmes causés par la propriété
familiale des banques. Ainsi aujourd’hui, explique un
responsable de la BCE qui préfère garder l’anonymat, la loi
stipule que seule une institution bancaire crédible et
réputée peut acheter la Banque du Caire. Gamal Askar, le
conseiller juridique de l’Union des banques égyptiennes,
précise cependant qu’il n’existe aucune entrave légale à la
vente d’une part dépassant 10 % de la Banque du Caire à des
particuliers égyptiens. A condition que cet achat soit
approuvé par la BCE conformément à la législation bancaire
égyptienne. « Mais si la BCE refuse, la seule solution pour
eux est d’intenter une action en justice », souligne-t-il.
Par ailleurs, le responsable de la BCE estime que « la
Banque du Caire doit procéder à des restructurations qui
dureront des années », souligne la source. Et d’ajouter que
« l’important est de garantir la vente à un investisseur
principal capable de débourser 15 milliards de L.E. ».
C’est pourquoi Sawirès a déclaré vouloir former un
consortium capable d’avancer les 15 milliards de L.E. de la
transaction. Or, le responsable de la BCE souligne que ce
consortium ne pourra obtenir cette somme qu’en ayant recours
aux crédits bancaires alors que la loi de la privatisation «
interdit le financement par des crédits bancaires de l’achat
d’une entité publique, car il existe un risque que cela se
fasse au détriment des financements pouvant être alloués à
d’autres projets », précise-t-il. D’autres experts bancaires
refusent également le concept. Comme Hassan Al-Chaféï, qui
s’oppose à la propriété familiale des banques car il craint
qu’elle ait un impact négatif sur la gestion. « De fâcheuses
expériences sont encore en mémoire, avec des banques
familiales comme la Banque Al-Nil, Al-Mohandess et d’autres
: les propriétaires ont abusé de leurs positions pour
obtenir des crédits », note Al-Chaféï. Il ajoute que la
vente à un investisseur principal (banque ou institution
financière) garantit le transfert du savoir-faire, la
gestion professionnelle et les règles de la bonne
gouvernance. Al-Chaféï, propose donc une politique plus
tolérante de la BCE, pour permettre « aux hommes d’affaires
de posséder une part minoritaire variant entre 10 et 20 % du
capital lancé à la vente ». La BCE se doit également de
suivre de plus près l’activité bancaire. Car si des
difficultés avec les banques comme Al-Nil, Al-Mohandess ou
Misr Exterior sont apparues dans les années 1990, c’est en
partie à cause de certains de ces manquements .
Dahlia Réda