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 Semaine du 29 novembre à 3 décembre 2006, numéro 638

 

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Société

Commerce. Les dallalas, vendeuses de vêtements à domicile d’antan, ont fait leur réapparition. Se propageant dans toutes les classes sociales, ce métier de la débrouille prend aujourd’hui de multiples formes.

Au marché Ambulant

Elle annonce son arrivée par deux petits coups secs propres à elle. Aussitôt, la porte s’ouvre et la dallala (marchande ambulante) est accueillie chaleureusement par une horde de femmes excitées. Avec un sourire radieux, la dame dépose son baluchon et commence à déballer sa marchandise, tendant une galabiya à l’une, des sous-vêtements à l’autre. Elle n’oublie pas les commandes passées lors de sa dernière visite ni même les nappes et les draps pour le trousseau de l’aînée des filles. Se tenant à l’écart, le chef de famille observe anxieusement le manège. Il sait qu’il va payer rubis sur l’ongle cette facture, car la dallala ne fait pas de faveur. Ce personnage joué par les actrices Zinate Sedqi et Naïma Al-Saghir dans les films en noir et blanc et présenté avec humour revient en force aujourd’hui.

Dans le quartier d’Imbaba, Oum Sayed est réputée pour préparer des trousseaux de mariées. Dans la même rue où elle écoule sa marchandise, son mari est vendeur de pacotilles. N’importe qui peut nous indiquer rapidement l’endroit où elle se trouve. « J’ai commencé cette activité en aidant mon mari à vendre sur le trottoir à des moments de grande affluence. Cela m’a permis de faire la connaissance de beaucoup de femmes habitant ce quartier. Un jour, à l’approche d’une fête, j’ai acheté des cadeaux pour des membres de ma famille, il y en avait en plus, alors je les ai proposés à ma voisine qui les a achetés au double du prix. Dès lors, j’ai trouvé l’affaire juteuse et je me suis lancée dans ce business », raconte-t-elle. Et pour acheter pas cher, Oum Sayed se rend dans les marchés populaires de Sayeda Zeinab, d’Al-Hussein, de Wékalet Al-Balah, de Ataba, du marché du jeudi (souq al-khamis) et les revend à des prix accessibles. Cette dallala a réservé une chambre chez elle pour stocker les articles qu’elle doit vendre. « J’aide mes clients, surtout mes voisines, à satisfaire leurs besoins sans être accablés, car nous sommes tous pauvres. Et c’est bien la raison pour laquelle je vends par facilité », poursuit-elle tout en étalant une robe de chambre, une belle serviette de toilette, une nappe et une paire de draps. A chaque fois que la jeune mariée choisit un article, des youyous retentissent mais s’arrêtent dès que commence le marchandage.

Selon le sociologue Ahmad Al-Magdoub, autrefois dans les familles respectables, on n’autorisait pas les femmes à sortir. Les chefs de familles acceptaient qu’une femme honnête ramène à domicile tout ce dont la famille a besoin. « Avec la libération de la femme, on n’a plus eu besoin de cette dallala puisque les femmes pouvaient sortir, travailler, faire du lèche-vitrine et s’habiller comme elles veulent. Aujourd’hui, la dallala a fait sa réapparition sous un autre aspect et n’importe qui peut s’adonner à ce commerce sans se soucier d’être taxé de dallala. D’où la relance de ce métier et sa propagation dans différentes classes sociales, y compris la plus huppée ».

Approvisionnement chez les grossistes

Il ne se passe pas un jour sans que des employés d’une institution gouvernementale n’exhibent quelques articles à vendre pour arrondir leurs fins de mois. Les salaires étant dérisoires, les hommes exercent une autre activité le soir, et les femmes ramènent des vêtements, des écharpes, des bas et des sous-vêtements faciles à transporter et à masquer. « Je m’approvisionne chez les grossistes ou les magasins qui vendent du stock. Ceci me permet de gagner entre 3 et 5 L.E. par pièce », dit Samira, employée au Mogammaa Al-Tahrir et que sa collègue attend impatiemment pour acheter des vêtements d’hiver à ses enfants. « Je n’ai pas le temps de faire les vitrines et de chercher des articles à mon goût et à des prix abordables », dit sa collègue. Mais Samira ne se contente pas seulement de ce petit commerce, on lui passe aussi des commandes pour des conserves de légumes, des confitures et de la méfataa (des fruits secs moulus mélangés à des grains de sésame et du miel de canne à sucre) qu’elle prépare chez elle. « Divorcée, avec deux enfants à charge, je ne reçois que 24 L.E. de pension alimentaire. Mon salaire ne dépasse pas les 200 L.E., et c’est grâce à cet argent supplémentaire que je parviens à arrondir mes fins de mois », explique-t-elle tout en ajoutant qu’il faut avoir de la personnalité pour ne pas s’attirer des ennuis vu qu’elle passe d’un bureau à l’autre pour écouler sa marchandise. Son bloc-notes ne la quitte jamais. C’est là où elle enregistre le nom de ses clientes, le jour de la livraison et l’argent qui reste à payer. Le comble est que quelques sociétés ont pris l’initiative de former des jeunes pour devenir des représentants en vente. On leur enseigne comment contacter un client, le convaincre pour prendre tel ou tel produit. Après quelques mois de stage, on teste les capacités de chacun à écouler les produits de cette société. Au fil des ans, la dallala s’est transformée en une personne possédant une formation et un savoir-faire. Ahmad s’est tissé un réseau de clients composé au départ de membres de sa famille et au fur et à mesure, il s’est formé une clientèle. « Mon salaire dépend de ces commissions que je perçois sur chaque article. Plus je vends, plus je gagne de l’argent », dit-il.

L’activité de dallala s’est même infiltrée dans les milieux aisés. Soha, femme d’affaires, fait des voyages réguliers en Turquie et en France pour ramener du prêt-à-porter de l’étranger. Ses clientes préfèrent ce genre de marchandises importées, et les prix qu’elle propose lui permettent en même temps de couvrir les frais du voyage.

Pour écouler cette marchandise, elle a pris l’habitude de faire des Open Days (portes ouvertes) et d’inviter au début de chaque saison et dans son appartement toutes ses amies et ses connaissances. Elle expose vêtements, accessoires, parfums, et broderies sur canevas. « Ce genre d’activités est pour moi moins coûteux que d’ouvrir une boutique car il me permet d’économiser les frais de location, d’électricité et les salaires des employés. Et en même temps, je découvre le plaisir des voyages », dit-elle avec fierté. Dans certains hôtels, des Open Days sont organisés pour les femmes huppées. Raghda a passé plusieurs commandes de robes de mariées dans une grande maison de couture à Paris. Cette femme de diplomate, manquant d’expérience, a failli se ruiner car elle oubliait de noter à quelle cliente elle avait vendu ses articles. Du coup, elle a préféré embaucher une secrétaire pour se charger des affaires financières.

Solidaires et infatigables

Plus récemment, la dallala chinoise a pris le relais, défiant tous les prix. Elle propose des produits adaptés au goût et au pouvoir d’achat d’éventuels acheteurs. « C’est de la bonne qualité, j’ai acheté un lot de trois sous-vêtements 100 % coton à 10 L.E. C’est la deuxième année que j’en achète », dit une joyeuse cliente satisfaite de son acquisition. Débrouillardes, solidaires, travailleuses et infatigables, ces vendeuses sont impassibles et ne parlent que pour vanter un produit ou négocier son prix. C’est chez les grossistes qu’elles vont s’approvisionner, ce qui explique la similitude de leurs marchandises. « Elles n’ont pas besoin d’un important capital pour faire du commerce en Egypte, car la marchandise chinoise ne coûte pas cher, et elle est déjà sur place. Elles se contentent de faire de petits bénéfices, en vendant le plus possible », explique Lou-Lou, qui vit en Egypte depuis 5 ans.

Ces revendeuses chinoises font du porte-à-porte, le plus souvent à deux, transportant de gros sacs. Leur cible : les principaux quartiers tels que Madinet Nasr, Mohandessine, Guiza et Choubra. Elles visent surtout les femmes au foyer. « On trouve de tout dans leur gros sac, des bibelots, des napperons, et de la lingerie », témoigne une habitante de Guiza. « Elles sont discrètes et très patientes. J’ai le temps de choisir et même d’essayer les articles qui m’intéressent tout en restant chez moi », dit Karima, une autre femme au foyer, touen ajque pour communiquer ou lui poser une question, elle doit faire des dessins. « C’est grâce aux expressions de son visage que l’on parvient à la comprendre ou connaître sa réponse. La seule chose qu’elle sait dire est d’indiquer les prix des articles qu’elle vend », conclut-elle.

Chahinaz Gheith et Bouchra Chiboub

 




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