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 Semaine du 29 novembre à 3 décembre 2006, numéro 638

 

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Nulle part ailleurs
Circulation. Importé de Chine ou d’Inde, ce petit véhicule s’est imposé en quelques années comme un moyen de transport incontournable, notamment dans les quartiers populaires. Mais ignoré par les autorités, il a aussi appris à jouer au chat et à la souris.

Les tours de passe-passe du TOC-TOC

 

Imbaba, Choubra, Boulaq, Guesr Al-Séweis, Alexandrie, Béheira, Kafr Al-Zayat, Mallawi à Minya, où que l’on se trouve en Basse ou Haute-Egypte, le toc-toc (tricycle ou mini-taxi) s’est imposé comme un moyen de transport en commun tout à fait pratique. Il s’est répandu dans plusieurs gouvernorats et quartiers de la ville et n’est plus pour les Cairotes ce gadget amusant. Cependant, 7 ans après son apparition en Egypte, plus précisément à Sinbellawin, dans le gouvernorat de Daqahliya, il reste cet enfant bâtard.

En effet, les responsables de la direction du transport rechignent à délivrer un permis de circuler pour ce genre de transport. Un dilemme qui menace des millions de chauffeurs et propriétaires de toc-toc qui, pour pallier le manque de travail, ont en fait un gagne-pain, mais courent par ailleurs le risque de ne plus pouvoir rembourser leurs dettes. Condamnés à vivre au jour le jour, ils recourent à toutes les astuces pour conduire à bon port leurs clients et éviter les contrôles des agents de police.

Chose étrange, le toc-toc est commercialisé partout, y compris dans les agences de voitures, et les publicités le concernant abondent dans les journaux. Ce moyen de transport a même fait son apparition dans des feuilletons télévisés, à l’exemple de Sekket Al-Hilali, qui a eu un grand succès pendant le mois de Ramadan. Alors que l’Etat autorise son importation d’Inde et de Chine et que les sociétés égyptiennes ne cessent de lui porter des modifications pour une meilleure adaptation, la direction des transports ne délivre pas de permis de circuler à ce véhicule qui s’est pourtant imposé depuis quelques années.

« Alors que l’importation du toc-toc est autorisée, on n’a pas le droit d’avoir un permis de circuler. Qui pourrait me résoudre une telle énigme ? », s’interroge Mohamad, fonctionnaire le matin et chauffeur de toc-toc l’après-midi pour arrondir ses fins de mois. Originaire de Boulaq, à Guiza, il assure que son quartier compte près de 7 000 véhicules. Vendu 18 000 L.E. cash et 25 000 L.E. à crédit pour l’indien et 2 000 en moins pour le chinois, ce moyen de transport s’est transformé en business florissant. Des commerçants en achètent plusieurs et les louent à raison de 80 à 100 L.E. la journée. Des milliers de jeunes diplômés au chômage ont eu recours au toc-toc pour s’assurer un revenu quotidien qui peut dépasser les 100 L.E. « On n’a besoin que de quelques heures seulement pour apprendre à le conduire. C’est un moyen de transport rapide et qui ne coûte pas cher en essence, 5 litres suffisent pour sept ou huit heures de travail », explique Emad, qui a fini par apprendre, comme les autres, toutes les astuces nécessaires afin d’éviter de tomber dans un barrage de contrôle. « Nous circulons uniquement dans le quartier et évitons les rues principales. Cependant, il nous arrive d’emmener un client au centre-ville, Issaaf ou Ataba, mais en prenant des détours pour ne pas être arrêtés par les agents de la circulation », dit Emad, tout en expliquant que le chauffeur du toc-toc est obligé de choisir des trajets plus longs pour éviter les tracas. Et la carte routière est bien connue par les jeunes qui essayent de compenser le retard en roulant plus vite.

Un véhicule magique

Une stratégie acceptée par les clients qui préfèrent aujourd’hui le toc-toc comme moyen de transport, car plus accessible, plus rapide et surtout capable de se faufiler partout. « Je n’ai plus besoin d’aller à pied jusqu’à la station de microbus, située un peu loin de chez moi, il me suffit d’un geste de la main pour arrêter un toc-toc qui me conduira en flèche sur la rue principale et je peux même marchander le prix avec le chauffeur », explique Ali, habitant d’Al-Hawamdiya, un bourg situé dans le gouvernorat de Guiza et qui travaille au centre-ville. Il ajoute que la majorité des clients sont au courant de cette histoire de permis de circuler et n’obligent pas les chauffeurs à passer par certaines rues où ils risquent d’avoir des ennuis. « Ce moyen de transport est très efficace, particulièrement en cas de maladie soudaine ou d’accident grave car il roule vite, et cela peut sauver des vies comme ce fut le cas lors du dernier accident de train à Qalioub. Et c’est ce qui explique sa présence en grand nombre devant les hôpitaux des quartiers populaires comme l’hôpital de Boulaq, ou celui d’Imbaba. Capable de se faufiler dans les dédales de rues et ruelles, il rend aussi un grand service aux vieillards en les déposant au seuil de leurs portes ! », commente Ali avec un brin d’humour. Ce qui explique le grand nombre de toc-tocs dans le quartier populaire d’Imbaba, réputé par ses haras. Surnommé l’empire du toc-toc, ce quartier en compte plus de 20 000, et ce chiffre est en hausse chaque jour. Et ce n’est pas le travail qui manque, surtout aux heures de sortie des écoles. Le toc-toc sert aujourd’hui de moyen de transport pour les élèves ainsi qu’à l’heure des souks populaires, il est le plus rapide. Maniable, mais aussi très pratique grâce au téléphone portable, comme le précise Aboul-Einein. « Il me suffit de recevoir un coup de fil ou un appel en absence pour aller récupérer un de mes clients en quelques minutes et avec un tarif qui varie entre 25 pts et 3 L.E., suivant que le trajet soit à l’intérieur ou en dehors du quartier ». Un moyen de transport tout à fait rentable aussi bien aux usagers qu’aux chauffeurs. Ce qui explique que beaucoup de jeunes laissent tomber de petits projets pour se lancer dans le toc-toc. L’exemple d’une personne qui a vendu une camionnette pour acheter ce véhicule magique, une autre a liquidé tous les appareils électroménagers qu’elle possédait pour s’en offrir un. Cependant, tous ces véhicules sont menacés de fourrière comme c’est le cas de milliers de ces petits véhicules stationnés sur la route Le Caire-Alexandrie, en attendant que leurs propriétaires s’acquittent de leurs amendes de 1 500 L.E. infligées par le service du trafic ou de celles de la municipalité qui varient entre 300 et 500 L.E. Des sommes imposées aux chauffeurs et propriétaires de toc-toc et qui les poussent à s’endetter davantage et au risque d’être poursuivis pour non remboursement de leurs dettes. Et même après sept ans d’activité en Egypte et plus d’un an au Caire, la situation du toc-toc reste obscure.

Conduits par des adolescents de 12 ou 13 ans

Le paradoxe est qu’il soit importé légalement et en grand nombre, sans qu’il ne soit reconnu comme moyen de transport commun ou même privé. Selon les responsables du service des transports, le toc-toc n’est pas mentionné dans la législation, car il n’est ni un véhicule à quatre roues ni à deux roues et manque de moyens de sécurité nécessaires pour servir de transport en commun. « Sans permis de circuler, le toc-toc est conduit aussi par des adolescents de 12 ou 13 ans qui n’ont pas de permis de conduire et roulent à toute vitesse comme s’ils conduisaient une bicyclette. Les accidents sont très fréquents et c’est aussi le moyen de locomotion utilisé par des malfaiteurs pour commettre leurs méfaits, comme le vol ou le harcèlement. Impossible de les rattraper, puisque ces véhicules ne portent pas de plaques d’immatriculation », explique un des responsables. Une vérité reconnue par quelques chauffeurs de toc-toc et même par certains clients qui, parfois, ont peur d’arrêter ce genre de transport. Et comme le confie Aboul- Einein, propriétaire et chauffeur de toc-toc, tant que l’on ne délivrera pas de permis de circuler, ce genre de dépassement existera. « C’est nous qui subissons les conséquences et la police nous met tous dans le même panier. Elle confisque le véhicule ou l’endommagent quand un chauffeur prend la fuite », rouspète Aboul-Einein, qui vient de rentrer de l’étranger après 15 ans d’absence et n’a trouvé rien d’autre que le toc-toc pour subvenir aux besoins de ses enfants inscrits dans différents cycles universitaires. « Podonc nous demander une chahadet bayanat (certificat où sont inscrits les numéros du moteur et du châssis), et si l’engin n’est pas permis, pourquoi donc l’Etat autorise-t-il son importation ? J’ai même tenté d’obtenir un permis de circuler en faisant passer ce véhicule pour un transport privé et on me l’a refusé », poursuit Aboul-Einein tout en s’indignant contre le gouvernement qui vend l’illusion aux citoyens. Ce dernier précise pourtant que dans certains gouvernorats, le toc-toc est autorisé à circuler.

A la recherche d’une formule

Et les responsables d’expliquer : « Certaines municipalités l’ont autorisé pour protéger à la fois les propriétaires et les clients ». Mais les agents de la circulation nient qu’un permis de circuler a été délivré par le service concerné. Ils attendent que la loi sur la circulation soit discutée à l’Assemblée du peuple pour trouver un statut au toc-toc ou trouver un accord entre les ministères concernés pour légaliser ce véhicule en Egypte. Une promesse faite à plusieurs reprises, mais dont on ne voit guère le résultat, comme l’assure Mohamad, chauffeur à Kafr Al-Zayat (une municipalité dont dépendent plusieurs villages), dans le gouvernorat de Gharbiya, où il est nommé Doudou, du nom du premier qui l’a acheté au gouvernorat. Il confie que même si le toc-toc a réglé le problème du transport dans les villages et celui du chômage, ce gagne-pain est réellement menacé. Il cite l’exemple de Kafr Al-Zayat, qui compte environ 5 000 toc-tocs liant la municipalité aux 24 localités qui l’entourent, surtout des zones rurales où les microbus ne circulent pas le soir et c’est le toc-toc qui sauve la situation, comme l’affirme Mohamad. « Le chômage a baissé, il est à moins 5 % chez nous grâce au toc-toc. Au lieu que les jeunes commettent des délits ou s’adonnent à la drogue, ils ont choisi le toc-toc. Qu’attendons-nous donc pour l’autoriser à circuler et éviter aux chauffeurs des tracas quotidiens, les contrôles de la police qui ne cesse de leur infliger des amendes ? Il ne faut pas oublier que ces toc-tocs ont été achetés à crédit et si leurs propriétaires ne remboursent pas leurs dettes, ils risquent la prison. Qu’attend de nous au juste le gouvernement ? Même quand on a essayé de régler nos problèmes de chômage, il ne nous laisse pas travailler tranquillement », s’indigne cet homme tout en se demandant pourquoi le toc-toc est autorisé à circuler dans certains endroits et interdit dans d’autres. Et les rumeurs concernant ce véhicule vont bon train. En attendant une discussion de la loi prévue par l’Assemblée du peuple pour déterminer le sort de millions de chauffeurs et propriétaires, il continue à rouler dans de nouveaux lieux et gagne de jour en jour plus de succès. Et malgré tous les déboires, beaucoup de jeunes se lancent dans ce projet. Accablés de problèmes ou vivant des conditions de vie difficiles, ils se moquent que le véhicule soit autorisé ou pas, le plus important pour eux est de gagner leur vie.

« Qu’il soit autorisé ou pas, on ne doit plus en faire un plat, l’essentiel, c’est que nous gagnons de l’argent pour subvenir à nos besoins ! », réplique un jeune chauffeur à son collègue .

Doaa Khalifa (avec Samah Ziad) 

 




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