Al-Ahram Hebdo, Economie | Le plus grand défi arabe
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 29 novembre à 3 décembre 2006, numéro 638

 

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Economie

Emploi . En dépit d’une bonne croissance, le taux d’activité dans la région reste le plus bas au monde. Les participants à la conférence régionale sur la croissance et l’emploi, qui s’est tenue au Caire du 21 au 23 novembre, ont examiné les moyens d’améliorer la situation.

Le plus grand défi arabe

« Croissance, emploi et réduction de la pauvreté ». Tel était le thème de la conférence régionale, parrainée par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) en coopération avec le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD). Lors de l’événement qui s’est tenu au Caire du 21 au 23 novembre, les participants ont souligné la relation étroite entre les trois facteurs. « D’habitude, la règle économique implique que la réalisation de hauts niveaux de croissance est importante pour résoudre les problèmes du chômage et de la pauvreté. La croissance renforce la capacité gouvernementale à augmenter ses dépenses publiques et par suite, les investissements en vue de créer de nouveaux emplois bien payés, ce qui réduit la pauvreté », explique Tareq Haq, du bureau régional des pays arabes auprès de l’OIT. Avant d’ajouter que cette corrélation n’existe pas dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA). « Car les taux de croissance de l’emploi sont toujours inférieurs à ceux de la croissance économique. De plus, bien que plus élevée que celle des années 1990, la croissance économique n’est pas encore suffisante pour absorber la force de travail », dit-il.

La région MENA jouit d’un taux de croissance moyen évalué à 6 % ces deux dernières années, contre 3,6 % dans les années 1990. Cette croissance rapide est justifiée en grande partie par les rendements pétroliers. « Cette croissance accélérée n’a pas réussi à freiner le chômage et la pauvreté dans la région », commente Haq. D’après un document de presse publié la semaine dernière par l’OIT, la région MENA enregistre les taux d’emploi les plus faibles, à savoir 27,7 % de sa population. Ainsi, elle a connu un taux de chômage moyen le plus élevé au monde en 2005 (12,5 %). De plus, le nombre total des chômeurs a connu de fortes hausses pour passer à 17 millions de personnes en 2005, contre 14 millions 10 ans avant. Selon le document, les jeunes représentent près de la moitié de ce chiffre. Mais il n’empêche que la situation a connu une certaine amélioration, notamment en ce qui concerne la participation de la femme. Aujourd’hui, les femmes représentent 29 % de la main-d’œuvre.

De son côté, Samir Radwane, directeur du Forum des recherches économiques (ERF), souligne l’immense défi : « La région doit créer 6 millions d’emplois par an sur les 10 prochaines années pour pouvoir absorber le grand nombre de chômeurs ». D’après la Banque mondiale, la création de ces emplois impose aux pays de la région de réaliser au moins un taux de croissance de 6 % d’ici 2010.

L’amélioration n’a pas touché les pauvres

Cette situation s’explique, tout d’abord, par le manque de qualification et la faiblesse de productivité de la main-d’œuvre dans la plupart des pays tels que l’Egypte ou la Jordanie. L’Egypte a commencé à cueillir les fruits de ses réformes économiques en réalisant des taux de croissance assez élevés. Il a été de 6,9 % en 2006. « Toutefois, cette amélioration n’a pas touché les pauvres », regrette Radwane. Et ce, car les demandeurs d’emploi ne possèdent pas les qualifications demandées par le secteur privé formel. « Ainsi, la majorité d’entre eux préfèrent intégrer le secteur gouvernemental, plus stable, moins demandant et moins productif », explique Radwane. Quant à la Jordanie, la majorité des employés se concentrent dans le secteur agricole, qui ne représente que 3 % du total du PIB, un secteur toujours moins productif et mal payé. Ces employés rencontrent des difficultés à rejoindre d’autres secteurs et, par conséquent, ne profitent pas de la création de nouveaux emplois. En plus, ils restent pauvres car le niveau des revenus dans ce secteur est le plus bas par rapport aux autres secteurs. Donc, « il est très difficile de réduire la pauvreté à travers l’emploi car la majorité des pauvres ne possèdent pas les qualifications pour bénéficier de la croissance », conclut Ibrahim Seif, chercheur au Centre des études stratégiques, auprès de l’Université de Jordanie.

Ensuite, il y a la domination du secteur informel. Par exemple, l’économie informelle absorbe plus de 45 % de la force de travail en Egypte. Ainsi, la majorité des offres d’emploi créées sont mal payées. Le Maroc est un autre exemple où le secteur informel représente plus de 20,3 % du total des emplois et plus de 39 % des emplois non-agricoles.

La croissance doit alors être accompagnée d’une bonne politique de l’emploi qui se concentre dans les secteurs se basant essentiellement sur la main-d’œuvre tels que le secteur industriel. « Il faut que l’emploi soit l’objectif ultime de la croissance économique », souligne le chercheur Mohamed Messkoub. Opinion partagée par Tareq Haq qui a critiqué la situation des pays du Golfe. « Ils ont investi les fruits de leur croissance dans le secteur de la construction plutôt que dans la création d’emplois », dit-il.

Les conférenciers ont, enfin, unanimement souligné que pour améliorer la situation de l’emploi et réduire la pauvreté, il faut que l’éducation suive de près, en accordant plus d’importance à la formation. Ils ont aussi souligné l’importance de la création d’offres d’emploi décentes. « Il faut accorder plus d’importance au secteur informel en assurant aux employés des assurances sociales », affirme Mohamed Messkoub. Pour lui, il faut revoir la distribution des revenus, une condition indispensable pour réduire la pauvreté. Car pour créer une relation forte entre croissance et pauvreté, il faut créer des emplois bien payés. « La pauvreté dans la région se propage dans les zones rurales, et ceux qui travaillent sont parfois aussi très pauvres faute de revenus satisfaisants. Il faut traiter cette question avec plus de dynamisme », souligne Messkoub.

Gilane Magdi

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3 QUESTIONS À

Islam Rizwanoul, directeur du département des politiques d’emploi auprès de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) à Genève.

« Il faut des taux de croissance plus élevés »

Al-Ahram Hebdo : Que pensez-vous de la situation actuelle de l’emploi en Egypte ?

Islam Rizwanoul : Il est très difficile de répondre à cette question. Les défis sont sérieux et nombreux. Les offres d’emploi augmentent de 2,2 % annuellement. Donc, l’économie devrait proposer plus de 500 000 offres d’emploi chaque année. Il existe aussi un taux de chômage très élevé, qui était de 10,3 % en 2004. De plus, le secteur informel s’empare de plus de la moitié de la force de travail. Ce secteur souffre de la baisse de productivité et les salaires sont très modestes. Ces indicateurs signifient que le pays est confronté à un vrai problème, ce qui entrave la réduction de la pauvreté dans le pays.

— L’emploi pourrait-il à lui seul résoudre le problème de la pauvreté ?

— Il faut différencier entre deux types de pauvreté : celle des revenus qui classifie les pauvres comme étant ceux vivant avec moins de 1 dollar américain par jour. Et celle de la pauvreté humaine, qui est plus large et qui prend en considération la santé et l’éducation. L’emploi pourrait réduire les deux types de pauvreté à condition de fournir de bons salaires.

— Quelles sont les politiques nécessaires pour améliorer la situation de l’emploi en Egypte et dans la région arabe ?

— Il faut savoir qu’il y a une différence entre les pays de la région arabe. Il existe des pays plus pauvres que l’Egypte tels que le Yémen où les efforts seront plus importants. Dans tous les cas, il faut commencer par obtenir des taux de croissance plus élevés, accompagnés par l’augmentation des investissements dans les secteurs employant plus de main-d’œuvre tels que la manufacture. Ainsi, les pays devront adopter des politiques sociales allant avec la création d’offre d’emploi. Il faut ajouter que l’éducation doit répondre au marché du travail pour augmenter les niveaux d’emploi dans la région.

 




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