Après
les troubles de la semaine dernière en Centrafrique, c’est au
tour du Tchad de subir une fois de plus les effets de la crise
du Darfour. La tension est à son comble dans l’est du pays, bien
que les rebelles tchadiens de l’Union des Forces pour la
Démocratie et le Développement (UFDD) aient brutalement
interrompu, en début de semaine, leur nouvelle offensive contre
le régime du président Idriss Deby Itno, en abandonnant la ville
d’Abéché qu’ils avaient occupée la veille. Selon une source
militaire tchadienne, les hommes de l’UFDD ont quitté leurs
positions dans Abéché et se sont repliés en direction des villes
de Biltine et Am Zoer, non loin de la frontière soudanaise. Ce
sont les rebelles de l’autre mouvement hostile au président Itno,
le Rassemblement des forces démocratiques (RAFD), qui ont pris
position dans ces deux villes proches de la frontière soudanaise,
selon les dires de Yaya Dillo Djerou, un porte-parole du
mouvement.
Cependant, la confusion règne toujours dans
l’est du Tchad. La reprise de la ville d’Abéché par les forces
gouvernementales ne signifie en aucun cas un retour au calme.
Tout en confirmant le retrait de ses troupes, le chef de l’UFDD,
le général Mahamat Nouri, a déclaré : « Ce n’est pas du tout une
défaite. Notre objectif est de détruire progressivement les
troupes ennemies pour les affaiblir. Nous avons occupé Abéché
quelques heures, nous avons infligé de lourdes pertes à l’armée
de Deby, maintenant, nous nous replions ».
Un repli pour mieux préparer une nouvelle
attaque ? Tout porte à croire que c’est là l’intention des
rebelles. D’ailleurs, selon des informations de l’ambassade de
France à N’Djamena, les rebelles seraient en train d’avancer
vers l’ouest, c’est-à-dire, vers la capitale.
Il s’agit là d’une deuxième série
d’affrontements entre les rebelles et le régime tchadien. Le
repli soudain des forces de l’UFDD d’Abéché rappelle, en effet,
le scénario suivi il y a un mois par ce mouvement, fusion de
plusieurs groupes rebelles, lorsqu’il a repris les hostilités
contre le régime du président Deby. Lors de ce premier épisode,
les hommes de Mahamat Nouri, un ancien ministre de la Défense de
l’actuel chef de l’Etat, s’étaient emparés brièvement de Goz
Beïda, près de la frontière soudanaise, puis d’Am Timan, à une
centaine de kilomètres plus au sud, avant de se replier vers
l’est. Ces affrontements s’étaient notamment soldés par la mort
du chef d’état-major général adjoint de l’armée tchadienne, le
général Moussa Sougui. « Notre objectif final reste la chute de
N’Djamena, mais sans précipitation », a répété le chef de l’UFDD.
Tout en ajoutant : « D’ici quelques jours, nous réattaquerons,
c’est sûr ».
Comme il y a six mois lors de l’offensive
repoussée du Front Uni pour le Changement (FUC) devant
N’Djamena, le Tchad a accusé le Soudan de soutenir l’UFDD, ce
que Khartoum a catégoriquement nié.
La nouvelle offensive rebelle a été fermement
condamnée, samedi, par le président de la Commission de l’Union
Africaine (UA) Alpha Oumar Konaré, qui a dénoncé des « attaques
contre le Tchad ». L’UA avait appelé les autorités du Tchad et
du Soudan à maintenir « un dialogue permanent » et exprimé sa «
préoccupation » face à la tension entre ces deux pays, qui
s’accusent mutuellement de soutenir des rébellions qui leur sont
hostiles. Les présidents Idriss Deby Itno et Omar Al-Béchir se
sont rencontrés la semaine dernière à Tripoli pour tenter
d’aplanir leurs différends. Mais la rencontre n’a pas donné de
résultats concrets.
Dans le même temps, M. Konaré a « condamné
tout aussi fermement les attaques perpétrées contre la
Centrafrique, ainsi que l’occupation de certaines localités de
ce pays par des groupes armés ». Prônant une nouvelle fois le
dialogue entre les gouvernements et les rébellions de ces deux
pays, le président de la Commission a lancé « un appel à tous
les Etats membres de l’UA pour qu’ils fassent montre d’une
solidarité agissante et urgente à l’endroit du Tchad et de la
Centrafrique ».
L’UA se trouve ainsi face à une série de
crises et de tensions complexes et entrecroisées, mêlant le
Tchad, la Centrafrique et le Soudan. Et il est peu probable que
le sommet du Conseil de paix et de sécurité de l’UA, qui doit se
tenir ce mercredi à Abuja, puisse parvenir à une ébauche de
solution.
Maha Salem