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Santé. Reprendre confiance en soi, avoir de l’estime pour sa personne, découvrir son vrai potentiel, bien gérer son corps. Ce sont désormais des formules proposées par des centres spécialisés qui attirent de plus en plus d’adeptes broyés par le stress et la modernité.Focus sur la tendance

L’art d’être bien
dans ses pompes

Soirées d’été à Saqqiet Al-Sawi au Caire. Ce centre, qui accueille différents événements culturels et artistiques, offre une nouvelle activité, une séance de relations humaines organisée par Yasser Chaker. Ce jeune a commencé sa vie comme DJ, et est devenu l’un des plus célèbres. Mais récemment, il a décidé de changer de carrière et s’est mis à étudier les relations humaines, une science qui traite du développement de soi, de l’équilibre, de la confiance en soi-même ou d’autres termes qui visent tous le même but : la recherche de la paix avec soi et avec les autres.

En entrant sous la tente située sur les bords du Nil, chacun prend sa place. On consulte la brochure posée sur la chaise, une sorte de préparation psychique destinée aux auditeurs, avec pour slogan : « Il n’est jamais trop tard ». Elle détermine aussi l’état dans lequel il faut être après la séance : penser et agir de manière positive, se sentir autrement, être en équilibre, garder de bonnes relations et déterminer ses objectifs. Un résultat auquel chacun des assistants désire parvenir.

Le spectacle commence. Sur un grand écran, des images en noir et blanc d’une vallée égyptienne, le désert et des portraits de bédouins défilent. Avec en fond une musique indienne traditionnelle et une essence d’huile qui envahit la salle, Yasser Chaker commence à expliquer que le secret de la beauté de ce qu’on voit réside dans ce qui est primitif, dans ce qui est à l’origine du lieu et des gens. Il présente l’héroïne du spectacle, Bassata, une jeune bédouine, simple, qui vit dans une société primitive, loin de la modernité. Douce, elle sait ce qu’elle est et ce qu’elle veut. « Bassata est elle-même, chacun de nous possède un côté primitif à l’intérieur de lui-même, un côté négligé et marginalisé avec le temps. Alors, il faut s’occuper un peu plus de cet aspect afin d’équilibrer notre vie ». Selon Yasser Chaker, il faut que chacun de nous cherche Bassata en lui et lui rende satisfaction pour pouvoir gérer le stress et prendre le contrôle de sa vie. Ces éléments sont ceux-là mêmes qui sont à la base d’autres séances de réhabilitation de soi organisées de plus en plus aux quatre coins du Caire, et qui attirent surtout les jeunes.

Chaker s’est tout récemment introduit dans ce monde, mais des clubs sociaux, des écoles, des organisations civiles entre autres ont déjà acquis de l’expérience dans ce domaine depuis pas mal de temps. Les médias aussi consacrent de plus en plus de programmes à ce même sujet, et les livres en la matière réalisent beaucoup de ventes. « Le rythme rapide de la vie, les conditions difficiles qui nous entourent et le désœuvrement que vit la majorité des jeunes ont mené à un état continuel de stress », explique Tamer, spécialiste dans un centre de consultation psychique. Ce centre, inauguré il y a un an, avait pour but au départ de résoudre toutes sortes de problèmes psychiques. Il s’est trouvé avec le temps face à un nombre énorme de problèmes causés par le stress et le manque de confiance en soi. Aujourd’hui, ce centre compte plusieurs branches et organise des classes qui apprennent l’art de combattre la pression et le développement de soi. Mona, mère de trois garçons, a tenté l’expérience à travers ses enfants, qui assistent régulièrement aux séances, lesquelles ont beaucoup influencé leur comportement en général. « Moi-même, j’ai senti le besoin de prendre une pause pour méditer, alors j’ai assisté à des cours organisés à l’école d’un de mes enfants. Durant ces cours, j’ai d’abord appris comment organiser ma vie, mon temps, à découvrir mes points forts et mes points faibles. Ainsi, après deux séances, je me suis sentie beaucoup plus calme et je contrôle mieux ma vie, personnelle ou active », lance Mona, 35 ans, ingénieur. Et d’avouer que ce genre de traitement psychique de temps à autre devient de plus en plus essentiel dans sa vie, pour éviter de se consumer à cause du rythme effréné de la vie.

« Wooow ! », Chaker lance ce cri pour attirer l’attention de ses 300 auditeurs. Il lance des conversations avec les spectateurs, ou entre ces derniers. Il pose des questions telles que : Est-ce que je sais qui je suis ? Qu’est-ce que je veux ? Suis-je heureux ? Si c’est non, pourquoi ? Ai-je de bonnes relations avec les autres ? Une série de questions auxquelles les assistants doivent répondre, soit devant tout le monde, sur scène, ou chacun seul sur un bout de papier qu’il conserve. Pendant ce temps, Chaker impose quelques minutes de silence total, ou met un air de Fayrouz, comme sa célèbre chanson « Aaténi al-naya wa ghanni » (Donne-moi la flûte et chante). Beaucoup d’éléments qui dirigent les émotions et la pensée des assistants vers le but essentiel, celui de réfléchir et de se voir de l’intérieur, peut-être pour la première fois.

« J’ai perdu le goût d’aller vers les autres, de sourire, de jouir, bref de vivre, même si je suis riche, même si j’ai réussi ma carrière et aussi comme père de famille. Mais je sens que je suis comme un automate qui a des tâches à accomplir, sans les sentir. Alors, il fallait s’arrêter, surtout après que je fus atteint d’hypertension », avoue Kamal, 42 ans, homme d’affaires. Ce dernier est là pour trouver un moyen de s’en sortir. La réponse à cette question, comme le dévoile Chaker, c’est de ne pas se lancer dans la course folle de la vie sans avoir de bases solides, et pour y parvenir, il faut faire connaissance avec le reste de la famille de Bassata : Chaféï, son mari, un bédouin fort dont la peau porte la couleur du désert, représente le corps. On ne peut pas vivre avec un corps faible ou malade, il faut donc entendre la voix du corps. Le vieux Rachid, le père de Bassata, qui a toujours un sourire doux, c’est notre esprit qui, pour être calme, doit toujours être en harmonie avec Dieu. Et enfin Aïcha, la mère, avec ses vêtements traditionnels et ses yeux brillants, représente la raison, sans laquelle on ne peut vivre. « Ces quatre éléments : le corps, le cerveau, l’âme et l’esprit, sont les mots-clés d’une vie équilibrée. De plus, il faut au départ déterminer un but et essayer de l’atteindre », résume ainsi Chaker la recette d’une vie équilibrée.

Malak et Sara, qui viennent d’achever leurs études supérieures, sont là pour adopter un mode de vie sain avant de commencer leur vie professionnelle et familiale. Elles veulent se protéger contre la monotonie et la perte du sens des choses. « Je vois tout le monde courir autour de moi, on fait tout sans vraiment jouir de la vie. Moi, je ne veux pas perdre le goût des choses », affirme Malak, qui suit régulièrement des cours de développement personnel et de confiance en soi organisés par une association dépendante d’une grande mosquée.

Presque deux heures et demie se sont écoulées depuis le début de la séance de Chaker. la plupart du temps, c’est le silence qui règne, en dehors de la musique et du vent. L’assistance qui n’a pas bougé pendant tout ce temps semble changée après la séance, l’allure des gens est calme et sereine. C’est une sorte d’hypnose, surtout lorsque l’on entend tout le temps des termes comme : découverte de soi, équilibre, affection, corps, émotion et relation, unité du corps et de l’esprit, etc. Chaker, qui a tout dit pour aujourd’hui, réserve d’autres arguments pour les prochaines séances, qui paraissent prometteuses, surtout après la réaction positive immédiate des gens qui commencent à lui poser des questions et à lui demander conseil. En tout cas, ils sortent en ayant chacun un sentiment d’avoir accompli quelque chose de positif et d’en vouloir encore plus.

 
Hanaa Al-Mekkawi

Des femmes qui veulent devenir zen

Relaxer le corps et libérer l’esprit de toutes sortes d’angoisses. La formule proposée aux femmes par l’un des centres de remise en forme du Caire attire de plus en plus d’adeptes et confirme la tendance.

L’histoire de ce centre remonte à plus d’un quart de siècle. C’est en effet en 1975 que la jeune Katriona, physiothérapeute d’origine écossaise, tombée amoureuse d’un Egyptien, abandonne son ancienne vie et décide de s’installer au Caire. Une décision qui a non seulement bouleversé sa vie, mais aussi celle de beaucoup d’autres femmes qui l’ont connue. Débordante d’enthousiasme, elle a voulu concrétiser ses rêves sur la terre des pharaons. S’intéressant aux questions liées à la santé et au bien-être de la femme, elle choisit d’en faire son activité. « Je voulais créer un endroit où la femme puisse venir, discuter, rencontrer des amies, pratiquer un sport, s’intéresser à sa santé, sa forme ... », résume Katriona. En plongeant dans ses souvenirs, elle se rappelle qu’au début, son idée n’a intéressé que des femmes étrangères. Ses premières clientes devaient se rendre chez elle puisque Katriona ne disposait pas de local. A l’époque, les séances se limitaient à préparer physiquement et psychologiquement les femmes enceintes à l’accouchement. « Le but étant de les débarrasser du stress et de la peur dus en partie à des histoires effrayantes rapportées par leur entourage au moment de l’accouchement. En un mot, il s’agissait de faire de leur accouchement une expérience humaine agréable et non pas un cauchemar », explique Katriona. Une nouveauté pour l’Egypte. L’idée commence à se répandre de bouche à oreille, on conseille aux femmes enceintes de se rendre chez Katriona, et de suivre ses scéances, qui selon les clientes, ont un effet magique. Au fil des ans, les exercices physiques et respiratoires de Katriona ont eu un tel succès que les gynécologues les ont recommandés aux femmes enceintes. Ainsi, l’idée a commencé à se développer, le petit projet a pris forme et un centre a ouvert ses portes dans le quartier de Mohandessine, accueillant des femmes de tous âges. Avec le temps, une relation intime s’est tissée entre l’instructrice et ses clientes. Ghada s’est présentée chez Katriona pour la première fois, il y a presque 13 ans, pour préparer son accouchement. Aujourd’hui, elle est chargée des séances de réflexologie et a suivi des stages sur la question en Allemagne, Angleterre et Autriche. Restée en contact avec des spécialistes de renommée mondiale, elle est au courant de toutes les nouvelles techniques « J’ai assisté à une séance de massage Trager, une technique où le mouvement des mains du masseur sont d’une extrême importance. Des gestes doux et harmonieux qui appuient sur les parties sensibles du corps telles que le cou, la colonne vertébrale et les membres supérieurs et inférieurs. Au bout de trois séances, la cliente ressent un véritable bien-être », explique Ghada. Cette technique ressemble, selon elle, à un pacte de paix entre le corps et l’esprit. Car la philosophie du Trager est de relaxer le corps et de libérer l’esprit de toutes ses angoisses.

C’est en fait ce lien qui existe entre le corps et l’esprit qui a fait la particularité de ce centre. En sélectionnant des techniques provoquant le bien-être physique et moral à la fois, l’équipe a réussi à créer une méthode différente de celle proposée dans les autres centres de sport, d’aérobic ou de musculation en Egypte. Ici, le concept est d’aider les femmes à comprendre leur coprs et à le rendre plus énergique. Ce qui justifie le choix de techniques du Feldenkrais, massage Trager, du yoga et autres. « Ce sont les méthodes de l’école Mentastics (gymnastique du corps et de l’esprit). Elles conviennent à des clientes de tous âges car elles ne sont pas trop fatigantes. Elles sont recommandées à celles devant suivre des séances de rééducation suite à une intervention chirurgicale ou une fracture et sont efficaces pour le mal de dos, les problèmes de colonne vertébrale et du cou », explique Ghada.


Ambiance familiale

Il n’est donc pas étrange de voir assister à la même séance une douzaine de femmes, tous âges confondus. Mona, une jeune cadre de l’entreprise IBM, est accompagnée de sa maman. Les trente ans qui les séparent ne les empêchent pas de pratiquer les mêmes exercices. Dès que la musique commence, chacune rejoint sa place et bouge son corps en suivant les instructions de Katriona. La séance s’appelle Young at Hearts (cœurs jeunes) et commence par des exercices de souplesse, convenant aussi bien aux femmes enceintes qu’aux femmes âgées ou aux débutantes. Le décor de la salle est sobre et très reposant. Pas d’appareils de musculation, pas de miroirs. Juste une musique douce, quelques grands ballons multicolores, des matelas et des bouteilles d’eau minérale. « Respirez profondément, allongez-vous sur vos matelas, soulevez les ballons et faites bouger vos cuisses et vos jambes. L’important n’est pas de perdre quelques kilos mais de rendre le corps plus souple et plus agile », dit-elle.

A l’arrivée de chaque cliente, on se salue, on échange des sourires et quelques nouvelles. Une ambiance familiale qui met à l’aise tout le monde. « J’ai demandé une autorisation d’absence d’une heure et je dois retourner au bureau dès que j’aurai terminé car j’ai une réunion importante. Ensuite, je dois aller chercher mes deux enfants inscrits à l’école d’été », dit Mona pour qui il n’est pas question de rater cette séance d’activité physique. Elle devra faire de nouveau le trajet jusqu’à la ville du 6 Octobre après avoir déposé ses enfants pour retourner au bureau. Mais, elle ne paraît pas stressée. « C’est cette petite pause qui me permet de me requinquer pour la semaine. Vous ne pouvez imaginer le bien-être que je ressens après une telle séance. J’ai conseillé à toutes mes collègues d’en faire autant », dit Mona. Au début, elle inventait des histoires pour s’absenter de son travail. Aujourd’hui, elle ose dire qu’elle exerce une activité qu’elle ne peut pas rater. « On a vu comment ces séances ont eu un effet sur mon humeur et ma performance au travail et on ne pouvait pas me refuser une petite absence d’une heure », avoue-t-elle.

Nihal a, elle aussi, réussi à imposer sa loi. Femme au foyer, elle avoue avoir consacré toute sa vie à sa famille. Epouse et mère dévouée, elle n’a jamais pensé à ses propres plaisirs. « Je me sentais tout le temps enchaînée. Je faisais tout ce que les autres attendaient de moi, mais je ne faisais rien pour me faire plaisir. Je ne pouvais plus supporter cet état de choses », confie-t-elle. Lorsqu’elle s’est inscrite au centre, Nihal était au bout du rouleau. Elle a demandé de suivre des séances pour apprendre à contrôler ses nerfs, à devenir sereine . « Ces séances ont changé ma vie. A présent, lorsque je passe par un moment de stress, je sais comment me ressaisir, me concentrer et contrôler mes gestes. Bref, j’ai appris de nouveau à vivre », dit Nihal. Aujourd’hui, sa famille, ses amies et tout son entourage s’étonnent du changement qui s’est opéré en elle. « Essayez de garder l’équilibre de votre corps sur le ballon. Si vous y arrivez, alors vous maîtrisez votre équilibre dans la vie de tous les jours », dit l’instructrice. Une des pratiquantes, Bahira, la cinquantaine et directrice d’un hôpital psychiatrique, multiplie d’humour pendant la séance. « Je viens ici depuis 10 ans, c’est devenu comme une drogue pour moi », dit-elle tout en confiant que c’est grâce à cette grande famille qu’elle a réussi à vaincre sa solitude. Et pour accentuer ce sentiment d’appartenance au lieu, l’équipe propose désormais aux jeunes mamans de garder leur progéniture pendant les séances d’exercice.

Aujourd’hui, et trente ans après la création de ce centre, Katriona est fière d’avoir vu défiler les filles et les petites-filles de ses premières clientes. « Je vois comment la société a changé, le statut de la femme aussi. Aujourd’hui, mes clientes sont pour la plupart des femmes actives qui choisissent les horaires qui leur conviennent. Et si autrefois les femmes considéraient ces séances comme un luxe, un privilège, aujourd’hui, pour elles c’est une nécessié, vu le stress de la vie quotidienne », conclut-elle .

Amira Doss

 

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