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Le ministre palestinien du Travail et des Affaires sociales, Hassan Abu-Libdeh, évoque la détérioration du marché de l’emploi et les répercussions économiques du retrait israélien de la bande de Gaza.
« Si l’environnement politique ne s’améliore pas, il n’y aura pas de solution au chômage »

Al-Ahram Hebdo : Le chômage est un problème majeur de l’économie palestinienne qui s’est aggravé avec le déclenchement de la deuxième Intifada. Quelle est exactement la situation actuelle de l’emploi ?

Hassan Abu-Libdeh : Bien qu’il reste encore élevé, nous avons récemment réussi à faire baisser le taux de chômage à 26 %. Mais l’Autorité palestinienne ne pourra pas trouver d’emplois à tous les demandeurs. L’emploi en Israël s’est en fait effondré suite au déclenchement de l’Intifada. Plus de 140 000 ouvriers qui travaillaient en Israël ont perdu leur emploi. Actuellement, seuls 14 000 ouvriers travaillent en Israël. Et il s’agit d’emplois précaires menacés par la situation sécuritaire. La main-d’œuvre connaît une augmentation annuelle de 50 000 personnes. De plus, les employés en Palestine continuent à travailler pour de plus longues périodes que dans les autres pays vu qu’il n’existe pas de système de retraite ou de sécurité sociale. Seuls les employés du secteur public reçoivent des pensions de retraite et ceux du secteur privé poursuivent leur activité jusqu’à ce qu’on ne veuille plus d’eux. Le marché du travail palestinien est donc marqué par l’entrée d’un grand nombre d’employés et la sortie d’un petit nombre d’entre eux. A cela s’ajoutent un taux de chômage élevé et une économie incapable de créer plus d’emplois.

— Quelles sont les mesures prises par l’Autorité palestinienne pour atténuer l’impact de ce problème ?

— Nous avons déjà réussi à baisser le taux de chômage qui avait atteint 38 % à un certain moment. Cette année, la participation de l’Autorité palestinienne à la création d’emplois a augmenté. La situation intérieure a connu plus de stabilité et nous nous sommes plus accommodés des mesures israéliennes contre les Palestiniens. La circulation à l’intérieur de Gaza et de la Cisjordanie est devenue plus facile. Et nous avons créé des programmes spéciaux pour aider les chômeurs. Il y a un programme en exécution visant à aider 50 000 chômeurs en leur fournissant des rémunérations modestes pour une certaine période en échange de travaux pour les communautés locales. On a entamé plusieurs autres initiatives. Nous essayons de convaincre le secteur privé d’employer 15 000 chômeurs et l’Autorité contribuera au paiement d’une partie de leurs rémunérations pendant une certaine période. Nous cherchons à exécuter des projets d’infrastructure pour créer de nouveaux emplois. On espère, après le retrait israélien de Gaza, créer environ 20 000 emplois dans des projets d’infrastructure. On va aussi commencer à rechercher de nouvelles opportunités d’emplois à l’extérieur de la bande de Gaza et de la Cisjordanie, car l’économie palestinienne n’est pas capable d’absorber tous les demandeurs d’emploi. On entamera des négociations avec Israël et d’autres pays. Mais il faut savoir que si l’environnement politique ne s’améliore pas de façon drastique, il n’y aura pas de solution.

— Pour combattre le chômage, l’Autorité a eu recours à l’emploi massif dans le secteur public. On dénombre 133 000 ouvriers du secteur public qui absorbent près de 50 % du budget de l’Autorité. Or, les experts économiques estiment que cette solution est un simple palliatif ...

— Il est vrai que c’est une solution qui n’est pas durable. Cependant, le taux des employés du secteur public n’est pas exagéré comparé à celui d’autres pays arabes. On a pris des mesures pour limiter les embauches du secteur public. Mais à un certain moment, c’était le seul moyen pour que les gens puissent survivre. Maintenant, on essaye de contrôler ce processus. Par exemple, pour trois employés qui partent à la retraite, un seul est recruté. Il y a un contrôle sur les différentes institutions. Le recrutement dans le secteur public n’est plus aussi facile. Mais, étant donné que le recrutement dans le secteur public intervient en réaction aux mesures de suppression d’emploi prises par Israël, je ne crois pas que cette affaire doit être si mal jugée. Ce sujet est très sensible en Palestine.

— Comment voyez-vous l’avenir de l’économie palestinienne après le retrait israélien de la bande de Gaza ?

— Le retrait de Gaza est un dossier qui n’est pas encore clair pour l’Autorité palestinienne. Nous formulons des demandes pour qu’il ait des effets positifs. Israël a son propre plan et sa propre vision du retrait. Nous croyons qu’il veut attirer l’attention de la communauté internationale vers Gaza pour l’éloigner de ses activités de colonisation en Cisjordanie et de la judaïsation de Jérusalem. Le retrait de Gaza est la récompense qu’offre Israël au monde en contrepartie de son silence sur ses activités colonisatrices.

Nous nous attendons à ce que le retrait soit complet et qu’il soit accompagné d’une liaison entre la Cisjordanie et la bande de Gaza, d’une liberté de circulation des marchandises et des personnes et que Gaza soit lié au reste du monde à travers le point de passage de Rafah. Si ces pas sont entrepris, le retrait de Gaza sera positif surtout si le monde intervient après ce retrait pour réaliser la Feuille de route. Sinon, le retrait fera de Gaza une grande prison où la situation économique sera encore pire et l’extrémisme augmentera.

— Et quelle sera en conséquence la situation en Cisjordanie ?

— Il est clair que le retrait de Gaza se fera aux dépens de la Cisjordanie. La situation sera difficile. Cela se voit déjà ; Israël a intensifié ses activités de colonisation et s’empare des terrains en Cisjordanie.

— Nous parlons donc d’une situation à laquelle les Palestiniens ne peuvent rien et où tout dépend de la volonté d’Israël pour y remédier ...

— Je crois qu’il sera dans l’intérêt d’Israël de coopérer avec la partie palestinienne et de profiter du retrait pour qu’il soit une évolution positive dans les relations palestino-israéliennes. S’il décide de faire de Gaza une grande prison, il le payera cher sur le plan sécuritaire. Il ne pourra pas entreprendre de mesures punitives envers le peuple palestinien et affecter négativement la cause palestinienne et s’attendre en même temps à ce que les Palestiniens ne réagissent pas. Le peuple palestinien est résistant et décidé à obtenir ses droits. Maintenant, nous essayons de traiter positivement avec ce retrait présumé.

Nous espérons que le scénario deviendra plus positif. Dans ce cas, les relations entre les deux parties seront plus calmes et plus stables et il y aura plus de coopération. Nous chercherons ensemble à mettre en application la Feuille de route. Et Gaza sera un premier pas pour achever l’indépendance nationale. La stabilité politique et sécuritaire créera un environnement économique convenable qui permettra aux investisseurs palestiniens, arabes et étrangers d’investir dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Ce qui aboutira à une renaissance économique qui atténuera la pauvreté et le chômage et élèvera le niveau de vie.

— L’économie palestinienne est une économie de services. Quelles sont les options pour qu’elle devienne plus diversifiée et productive ?

— Le secteur des services est celui qui a pu survivre dans les conditions actuelles. Il n’y a pas d’autres secteurs leaders, car l’économie est endommagée. Avoir des secteurs développés nécessite un environnement d’investissement convenable. Ce qui n’existe pas en ce moment à cause des différentes mesures qu’entreprend Israël et le manque de confiance dans l’avenir du processus de paix. Mais peut-être aussi l’Autorité palestinienne doit fournir plus d’efforts dans le domaine législatif. Celui-ci doit être plus convenable et plus encourageant pour les investisseurs.

En fait, les investisseurs palestiniens investissent dans de difficiles conditions et sont exposés à de grands risques. Pour attirer des investissements étrangers, il faut un minimum. C’est-à-dire un flux rapide et libre de marchandises, de services et d’argent. Un minimum de stabilité politique pour assurer la sécurité des inv. L’économie palestinienne possède des potentiels dans différents domaines, comme le tourisme et l’agriculture.

— Des experts palestiniens ont critiqué la façon dont l’Autorité gère les aides qui lui sont accordées. Ils réclament leur utilisation dans les investissements durables ...

— Les aides que nous recevons ne sont pas suffisantes. De plus, l’Autorité n’arrive pas à fournir le minimum des besoins du peuple pour survivre. Une partie de cet argent est utilisée pour mener à bien des projets. Mais les besoins du peuple palestinien dans les domaines de l’infrastructure sont énormes. Dans le secteur de l’éducation, on a un manque d’au moins 800 écoles. Dans plusieurs gouvernorats, l’infrastructure de base dans le domaine des services sanitaires n’existe pas. On a besoin de fournir des services à certaines catégories comme les personnes âgées, les handicapés, les enfants et les femmes qui sont en difficulté, etc. On ne peut parler de projets économiques pour faire avancer la roue de l’économie si les investissements de l’Autorité dans ces domaines ne sont pas suffisants. La priorité restera donc la réalisation de projets d’infrastructure pour fournir un minimum de services au peuple palestinien.

— On accuse souvent l’Autorité de manque de transparence, de corruption. La Banque mondiale et d’autres donateurs réclament d’ailleurs certaines réformes politiques ...

— Les réformes ne sont pas seulement une demande internationale, mais aussi palestinienne. Le consensus dans la rue palestinienne est que l’Autorité doit fournir plus de transparence et être soumise aux questionnements du peuple. Il s’agit donc d’une demande palestinienne avant tout. Et nous essayons d’entreprendre des réformes. Mais on n’arrive pas à mettre en application certaines réformes à cause d’Israël. Des rapports internationaux décrivent l’Autorité comme un régime très corrompu. Ce qui est faux. Certains des principes qui régissent le travail de l’Autorité sont plus développés que dans d’autres pays arabes. Cependant, nous sommes ouverts à toutes les idées qui nous sont proposées dans le domaine des réformes

Propos recueillis par
Marwa Hussein
 
 

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