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Administration.
Le ministère du Développement administratif étudie actuellement
un projet de loi sur le recrutement dans les services
de l’Etat. |
L’embauche gouvernementale
en question |
Le recrutement
dans les services administratifs de l’Etat est suspendu
depuis janvier 2003 à cause de la pléthore qui frappe
de plein fouet les services gouvernementaux. Visant à
assurer aux nouveaux diplômés une chance d’emploi, un
projet de loi sur le recrutement est actuellement en étude.
C’est ainsi qu’une commission a été formée cette semaine
par le ministère du Développement administratif groupant
des spécialistes en sciences administratives pour établir
les grandes lignes de la nouvelle loi. Cette dernière
doit être prête en janvier
prochain afin d’être discutée durant la nouvelle session
parlementaire. L’objectif est de mettre en œuvre une stratégie
qui organise le recrutement dans les services gouvernementaux
et qui puisse trouver des solutions rapides au problème
dont souffre le système administratif de l’Etat. Selon
les rédacteurs du texte, le projet essaie de résoudre
la mauvaise politique de recrutement qui remonte à l’époque
socialiste, sous le président Nasser, lorsque le recrutement
de la totalité des diplômés était obligatoire. En plus,
ce recrutement se faisait sans aucune étude des besoins
réels du travail. Pendant les vingt dernières années,
l’Etat était encore obligé de recruter annuellement un
certain nombre de jeunes pour remédier à l’incapacité
du secteur privé d’absorber le grand nombre de jeunes
diplômés chaque année.
C’est ainsi que la loi
vient s’attaquer à plusieurs problèmes en vue de trouver
de vraies solutions. Le premier est celui de la pléthore
des fonctionnaires de l’Etat et, paradoxalement, leur
insuffisance dans certaines spécialisations. Le dernier
rapport de l’Organisme de l’administration a révélé que
le nombre de fonctionnaires a plus que sextuplé en 35
ans. En 1970, ils étaient 931 000 mais le bataillon administratif
n’a cessé de grossir pour atteindre 2 220 000 en 1981,
puis 5 670 000 actuellement. Ces chiffres révèlent que
durant les 40 dernières années, le nombre de fonctionnaires
a enregistré une augmentation de plus de 500 %, ce qui
est à l’origine de cette pléthore qui affecte les services
administratifs. « Ce nombre exagéré de fonctionnaires
représente une grande charge pour le budget de l’Etat.
Il suffit de dire que l’Etat doit assurer annuellement
43 milliards de L.E. pour payer les salaires », explique
Ahmad Chalabi, responsable au ministère du Développement
administratif. Afin de remédier à ce problème, la nouvelle
loi propose de diriger une part du personnel vers les
Organisations Non Gouvernementales (ONG). « En réalité,
le nombre des ONG qui sont effectivement en activité ne
dépasse pas les 1 500, alors qu’il en existe 18 000. La
raison en est qu’elles manquent d’expérience administrative.
Pourquoi ne pas diriger ce personnel vers les ONG qui
participent avec le secteur privé au développement du
pays ? », se demande Hamdi Abdel-Azim, professeur de sciences
administratives et membre de la commission.
Quant au manque d’effectifs
dans certaines spécialisations, le projet de loi propose
d’engager les fonctionnaires dans les spécialisations
dont les services gouvernementaux ont besoin. « Ce recrutement
se fera à l’aide d’un contrat à durée déterminée (CDD)
ou pour un projet déterminé. Par exemple, pour la troisième
ligne du métro souterrain, le gouvernement aura recours
à une main-d’œuvre dans certaines spécialisations et dont
les contrats se termineront avec la fin des travaux »,
révèle Abdel-Azim. Le recrutement permanent, lui, sera
destiné aux diplômés dans des spécialisations précises
comme certaines branches de polytechnique et aux hauts
fonctionnaires. « Dès l’année 2000, 2 500 haut fonctionnaires
ont été mis à la retraite et leurs postes sont toujours
vacants. Mais parce que l’Etat cherche à recruter des
fonctionnaires compétents, il le fera à travers un concours
», assure Sayed Khodeir, responsable au ministère du Développement
administratif.
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Des problèmes de toutes sortes |
La mauvaise
répartition des fonctionnaires est un autre problème en
cause : c’est que le chaos dans le recrutement de la main-d’œuvre
a causé un déséquilibre dans sa répartition. Dans les
services qui souffrent de pléthore, les fonctionnaires
s’entassent dans les bureaux sans avoir de tâche précise
à accomplir, une situation qui résulte de l’absence d’une
base d’informations. C’est ainsi que la nouvelle loi tend
à répartir la main-d’œuvre selon les besoins de chaque
service : « Ce qui permettra de résoudre le problème du
chômage déguisé qui s’est répandu au sein des services
administratifs de l’Etat d’autant que les statistiques
de l’Organisme central de l’administration ont révélé
que le taux de production d’un fonctionnaire dans un service
gouvernemental ne dépasse pas 27 minutes par jour », explique
Sayed Eleiwa, professeur de sciences administratives et
membre de la commission. Et d’ajouter : « Cette répartition
permettra de résoudre certains problèmes dans l’administration
dont le plus important est la complexité de nombreuses
procédures administratives. Théoriquement, la bonne compétence
administrative réside dans le recrutement d’un nombre
restreint de fonctionnaires qui accomplissent la majorité
du travail et obtiennent en échange un bon salaire. Et
cela est à l’origine de la réussite du secteur privé.
C’est exactement ce que la nouvelle loi essaie de réaliser
».
La promotion
des fonctionnaires est une des questions également abordées,
puisque dans toutes les fonctions gouvernementales, elle
se fait par ancienneté quelle que soit l’incompétence
du fonctionnaire promu. Ce qui affecte le niveau et la
qualité des services, notamment ceux qui exigent un contact
direct avec les citoyens. Conséquence : l’augmentation,
pour ne citer qu’eux, des accidents résultant de la négligence
comme ceux des chemins de fer ou du métro souterrain.
« Conformément à la nouvelle loi, la promotion sera dorénavant
liée à la compétence du fonctionnaire. Celle-ci sera évaluée
à travers des concours qui permettent de choisir le plus
compétent », assure Eleiwa. |
Chômages réel et déguisé |
Bien que
la nouvelle loi prévoie des solutions à certains problèmes,
un autre groupe de spécialistes se montre très critique
vis-à-vis de certaines clauses.
Selon Mohamad
Eleich, membre de la commission du développement administratif
au Parlement, le côté social est entièrement négligé dans
le nouveau texte. Il pense que le gouvernement est obsédé
par l’idée de se débarrasser des charges financières qu’il
assume en payant les salaires des fonctionnaires. « L’Etat
veut recruter des fonctionnaires en ayant recours à des
CDD dans le secteur d’enseignement qui manque d’enseignants.
Pourquoi ne recrute-t-il pas les diplômés des facultés
de pédagogie au lieu de transformer une part des fonctionnaires
administratifs en des professeurs ? », se demande-t-il.
Hussein Abdel-Razeq,
du parti du Rassemblement, pense de son côté que la nouvelle
loi a négligé un problème important qui est celui de la
bureaucratie de l’administration. Il pense que la nouvelle
répartition des fonctionnaires et le développement du
potentiel humain ne pourraient résoudre qu’une part du
problème, puisque les procédures bureaucratiques restent
toujours les mêmes. A titre d’exemple, le simple citoyen
doit mettre une semaine à parcourir plusieurs bureaux
pour obtenir un extrait d’acte de naissance. « Car même
si le fonctionnaire est flexible et compétent, il se heurte
à un système trop complexe qui l’enchaîne et le met dans
l’incapacité d’alléger les procédures et réduire les signatures.
Dans une telle ambiance, aucun employé ne ressent le besoin
d’exceller dans son travail ». Pourtant, le ministère
du Développement administratif assure que la loi n’a pas
encore pris sa forme finale et qu’elle sera mise à une
étude plus détaillée qui prenne en considération les propositions
des spécialistes. |
Mirande
Youssef
Marianne Youssef |
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