Talents.
Loin des grands discours et des communiqués officiels,
la francophonie tisse des liens entre jeunes créateurs
et artistes débutants. |
Pluralité
des échanges |
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Si nous cherchons
à décrire la journée du vendredi 25 mars qui s’est déroulée
au CFCC et qui avait pour thème Les talents cachés des
francophones, nous serons amenés à la placer sous le signe
de la diversité culturelle. Organisée pour la troisième
année consécutive, cette manifestation a commencé à connaître
une véritable affluence des jeunes talents désireux de
se faire connaître. C’était donc la fête des amateurs
francophones de tous les âges mais aussi de diverses nationalités,
puisque Egyptiens, Nigériens, Comoriens, Maliens, Congolais,
Français et Marocains se sont tous exprimés en français
dans une ambiance conviviale.
« Nous cherchons à initier les francophones
pour qu’ils s’expriment sans barrière, pour qu’ils se
connaissent mieux et fassent chacun un pas vers l’autre.
Une telle manifestation permet de faire voler en éclats
les frontières », résume Jean-Paul Durin, attaché de coopération
pour le français.
Cette troisième édition est plus institutionnelle
que les précédentes. Outre l’augmentation du nombre des
participants et la variété des spectacles, la présence
de plusieurs diplomates de pays africains (Mali, Burkina-Faso,
Sénégal, Côte-d’Ivoire, Gabon et Tchad) a marqué la journée.
Mais c’est surtout le Niger, invité d’honneur, qui s’est
distingué. Le programme prononcé par le président de l’union
des étudiants nigériens en Egypte, Hassan Khamed, comprenait
une conférence de presse de l’ambassadeur Mouloul Al-Housseyni,
une dégustation de plats nigériens, des danses traditionnelles
et un défilé de mode. Les étudiants nigériens ont enfilé
des vêtements africains aux couleurs vives et se sont
mis à danser au rythme des tam-tam, réchauffant la salle
comble, faisant ainsi imaginer au public qu’il était à
Niamey.
La musique africaine s’est taillée la
part du lion dans cette manifestation. Dix étudiants du
Lycée de la liberté (Maadi) ont inauguré la fête en jouant
des airs du chanteur francophone Thoma Sidibé. « Le chanteur
d’origine ivoirienne est venu en Egypte pour nous apprendre
cette musique. Au cours d’un stage de quatre jours, nous
avons travaillé ensemble le rythme. Il nous a expliqué
le sens des chansons écrites en langues vernaculaires
africaines et nous les avons appréciés. Nous avons surtout
aimé la musique », explique Manar Mourad, étudiante.
La musique nubienne, porteuse d’une culture
peu connue, était également présente. Un chorégraphe nubien
était chargé de faire apprendre aux élèves du Lycée Bab
Al-Louq la danse des noces, alors que d’autres artistes,
issus également de la Nubie, ont animé des ateliers au
CFCC pour apprendre aux étudiants le dressage de palme
et la peinture sur tissu (le batik).
La même école a par ailleurs présenté
un concert de musique arabe classique, suivi d’une danse
de raï, liant ainsi traditionalisme et modernisme. Un
style de musique engagé, le RAP, a été jouée par un groupe
malien. Il y a également eu de la musique française interprétée
par l’Egyptien Michel Ezzat.
Les étudiantes de Notre Dame de la Délivrande
d’Héliopolis et de la Mère de Dieu ont récité des poésies
où elles ont exprimé tous leurs sentiments. Les thèmes
des poèmes sont allés du simple amour familial à l’amour
de la nation arabe et de Jérusalem en passant par la passion
des adolescents.
Une pièce de théâtre sur l’indépendance
du Congo a été jouée par des amateurs français, congolais
et égyptiens. La journée était par ailleurs l’occasion
de distribuer des prix pour le concours Francophonie d’ici
et d’ailleurs émis sur Radio Le Caire.
La manifestation Les talents cachés des
francophones a prouvé que les arts en général et la musique
en particulier pouvaient être de véritables passerelles
entre les francophones.
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Rania Adel |
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Un espace diplomatique recherché |
Alors que plusieurs pays
se montrent très intéressés par une adhésion à l’Organisation
de la francophonie, la langue française est en déclin dans
le monde, exception faite de l’Afrique et du Moyen-Orient. |
La Francophonie, qui a célébré le 20
mars sa Journée internationale, attire désormais des candidatures
de pays où la langue de Molière est peu parlée, mais qui
voient dans ce regroupement de pays l’occasion d’étoffer
leur carnet d’adresses, de se dégager d’influences passées
ou de flirter avec l’Union Européenne (UE). « Les motivations
des candidats sont très diverses et, souvent, ce ne sont
pas celles qui sont avancées officiellement », commente
un diplomate européen. Le 10e Sommet de la Francophonie,
le 26 novembre à Ouagadougou (Burkina-Faso), a accueilli
sept nouveaux pays au sein de l’Organisation Internationale
de la Francophonie (OIF) : l’Arménie, la Croatie, l’Autriche,
la Géorgie et la Hongrie ont été acceptées comme « membres
observateurs », tandis que la principauté d’Andorre et
la Grèce ont été admises en qualité de « membres associés
», ce qui représente l’étape supérieure vers une adhésion
« de plein droit ». En revanche, l’Albanie et la Macédoine,
deux membres associés, ont vu leur demande de devenir
membres de plein droit rejetée, sans aucune explication.
Avec ces nouvelles adhésions, l’OIF compte 63 membres,
dont 10 observateurs.
Au-delà du rayonnement de la langue française,
la Francophonie, qui est dirigée par l’ancien président
sénégalais Abdou Diouf, constitue « un espace diplomatique
recherché », selon ce dernier. La Grèce et la Macédoine
se font ainsi concurrence au sein même de l’OIF. « Si
l’une y est, l’autre veut y être aussi », dit-il, rappelant
qu’Athènes bloque depuis 1991 la reconnaissance internationale
de la Macédoine, considérant que son nom fait partie du
patrimoine national de la Grèce. Au-delà de ce différend
bilatéral, les autorités grecques ont tenu à indiquer
que la Francophonie leur permet de « lutter contre le
monolinguisme ».
Nombre de candidats, en particulier des
pays de l’ancien bloc soviétique, utilisent la Francophonie
comme un moyen de s’ouvrir à l’international, comme la
Géorgie. Cet intérêt de Tbilissi pour la Francophonie
est une manière de se créer un nom sur le plan international,
de sortir de son isolement. Pour la Croatie (avec laquelle
l’UE vient de reporter l’ouverture de négociations d’adhésion),
la Francophonie offre de nouvelles possibilités de communication
avec l’UE, le Canada, les pays francophones d’Asie et
d’Afrique, ainsi que les organisations internationales
où les pays francophones possèdent une forte influence.
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Diouf
prévient contre un déclin du français |
Mais s’il
existe un engouement « officiel » pour faire partie de
l’OIF, la situation de la langue française dans le monde
offre un bilan autrement mitigé, selon un rapport publié
à l’occasion de la Journée internationale de la Francophonie.
On estime actuellement le nombre de francophones dans
le monde à 175 millions, note ce rapport rédigé tous les
deux ans et intitulé « La francophonie dans le monde ».
Parmi ces 175 millions, le rapport signale « une légère
hausse » du nombre des francophones capables de communiquer
de façon courante en français (115 millions), et « un
fléchissement » du nombre des francophones dits partiels,
qui sont 60 millions. « Le nombre de francophones est
en augmentation d’une façon générale en Afrique subsaharienne
et dans l’océan Indien », et « en baisse dans la Caraïbe
et notamment à Haïti », note le rapport. C’est précisément
à Haïti, qui a connu en 2004 une insurrection meurtrière
et le départ du président Jean-Bertrand Aristide, que
le secrétaire général de l’OIF a choisi de se rendre cette
année pour célébrer la Journée internationale de la Francophonie.
Ce
compte rendu, rédigé par le Haut Conseil de la francophonie,
note également, sans préciser les chiffres, que « l’enseignement
du français progresse sur le continent africain et au
Moyen-Orient, mais stagne dans les autres régions du monde
». Le nombre « des élèves et étudiants en français » est
au total de 89 634 000, en augmentation par rapport à
1998 (81 669 900), indique encore le rapport. Mais cette
donnée n’est pas rapportée à l’augmentation de la population
mondiale. Fin janvier, M. Diouf s’était inquiété du «
déclin » de la langue française et avait appelé à la mobilisation
des 63 pays membres de l’OIF pour y remédier. « Face au
déclin et aux menaces qui pèsent sur le plurilinguisme
et sur le français dans les organisations internationales,
onusiennes ou régionales, la francophonie doit rendre
ses interventions encore plus efficaces en mobilisant
ses pays membres », avait-il dit. Il avait aussi évoqué
« les risques sérieux de marginalisation de la langue
française, si la communauté francophone n’entreprend pas
une action plus offensive pour défendre le français, en
toutes occasions » . |
Hicham
Mourad |
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