Ce n'est pas par
hasard si Washington a envoyé son
émissaire spécial pour le
Proche-Orient, Anthony Zinni, dans la région
au moment même où le
vice-président Dick Cheney effectue une
visite dans la région. Washington
était derrière la promulgation de la
résolution 1 397 du Conseil de
sécurité de l'Onu qui stipule, pour
la première fois dans l'histoire des
Nations-Unies, l'instauration d'un Etat palestinien
à côté de l'Etat hébreu.
Cependant, l'absence de mécanismes clairs et
le manque de volonté américaine de
bâtir une paix régionale basée
sur des principes légitimes affaiblissent
totalement cette résolution. Pour revenir
aux deux missions américaines, elles sont
liées l'une à l'autre. Le principal
objectif de la mission de Zinni est d'assurer la
réussite de la tournée de Dick Cheney
dans les pays arabes. Ce dernier ayant pour mission
de gagner le soutien des gouvernements arabes pour
la frappe militaire américaine contre
l'Iraq. Ainsi, en apaisant la situation dans les
territoires occupés, Washington demandera en
contrepartie le soutien de son offensive
prévue contre l'Iraq.
Les priorités de la tournée de Cheney
sont entièrement différentes des
priorités arabes. Cette tournée
s'inscrit dans le cadre de la lutte antiterroriste
avec le but de s'assurer le soutien arabe pour les
tentatives de renverser le régime iraqien.
Ces deux objectifs sont relativement loin des
priorités arabes, dont les plus importantes
sont l'arrêt des agressions
israéliennes, qui ont dépassé
toutes les bornes, et l'engagement d'un
processus de règlement politique
sérieux et réel.
Les Arabes, tout comme le monde civilisé, se
dressent face au terrorisme au sens
général du terme, dont le terrorisme
de l'Etat raciste israélien, ainsi qu'au
terrorisme de l'occupation et les pratiques
répressives contre les Palestiniens. De
plus, ils soutiennent la solution politique et
juridique des problèmes de l'Iraq avec l'Onu
ou avec ses voisins, loin des menaces militaires.
Ces positions arabes se sont clairement
révélées au cours des
premières rencontres de Cheney avec le
président Moubarak, le roi Abdallah II de
Jordanie, et le sultan Kabous d'Oman.
La visite de Cheney peut avoir deux
conséquences. Les Américains peuvent
revoir leur politique relative aux problèmes
de la région et établir un
équilibre entre leurs nombreuses erreurs et
leur alignement total sur Israël d'une part,
et ce qu'on appelle le mécontentement arabe
et islamique envers les politiques
américaines d'autre part. L'autre
possibilité est que l'Administration
américaine campe sur ses positions et tente
d'imposer une réalité nouvelle sur la
région, qu'elle soit acceptable ou non. Cet
état des choses conduira
inéluctablement à
l'élargissement du fossé
déjà existant entre la région
et les Etats-Unis. La balle est donc
désormais dans le camp de l'Administration
américaine, et non celui des Arabes.
La difficulté de la tournée de Dick
Cheney n'émane pas seulement des
différences de priorités. Elle est
aussi le résultat des orientations à
droite de nombreux pôles de l'Administration
américaine. Ces orientations veulent
amplifier l'action unilatérale
américaine et tenter de reformuler les
relations internationales d'une manière
confirmant l'hégémonie des
Etats-Unis, sans la résistance d'une
quelconque partie internationale. Ceci explique le
feu vert donné l'année
dernière par l'Administration
américaine à Sharon pour ses
agressions. Ceci explique aussi pour quelle raison
on s'attend à peu de résultats de la
visite de Cheney.
Malgré les proportions prises par la
violence au cours des deux derniers mois, Zinni
n'apporte rien de plus que ce qu'il avait
déjà proposé lors de ses deux
dernières visites dans la région. Il
continuera à mettre l'accent sur les sujets
ayant trait à la sécurité,
comme les points d'inspection et les arrestations
dans les rangs des activistes palestiniens,
conformément aux recommandations du plan
Tenet et du rapport Mitchell. En fait, ceci
représentera une grande aide à la
réalisation des objectifs israéliens
que l'armée de l'occupation a
été incapable de réaliser
malgré ses procédés
atroces.
L'échec de la mission de Zinni est
prévisible puisqu'elle n'agira pas
sérieusement en ce qui concerne les
requêtes palestiniennes : la
levée du blocus israélien, le retrait
des colons et des soldats de l'occupation des
territoires palestiniens autonomes
réoccupés, l'application des accords
pré-signés, l'arrêt de
l'utilisation des avions de fabrication
américaine dans le bombardement des villes
palestiniennes ce qui représente
une violation des lois américaines qui
interdissent l'emploi d'équipements et armes
américaines dans l'attaque et l'occupation
des territoires d'autrui. Ces requêtes
légitimes, que l'Administration
américaine peut en grande partie
réaliser, semblent totalement absentes de la
pensée américaine et des missions de
Cheney et de Zinni.
Il aurait fallu reformuler la mission de Zinni de
sorte qu'elle soit plus globale et qu'elle
reflète les évolutions que Washington
lui-même a contribué à
créer à travers la promulgation de la
résolution internationale n°
1 397. En d'autres termes, il aurait fallu
intégrer les sujets de la
sécurité avec les
négociations, le retrait israélien,
l'instauration de l'Etat palestinien
indépendant de sorte à introduire un
rôle américain plus soucieux du
règlement politique global, au lieu
d'essayer seulement de se soucier d'obtenir un
soutien pour une frappe militaire américaine
contre l'Iraq. Une frappe qui ne fera qu'aggraver
la situation régionale.
Après tous leurs sacrifices et toutes leurs
souffrances, les Palestiniens ne peuvent plus se
contenter de présenter davantage de
sécurité aux Israéliens, de
rester silencieux face à la destruction des
symboles de leur Autorité nationale,
d'accepter les politiques pour affamer les
populations, et de destruction de leurs
propriétés et infrastructures en
contrepartie de simples promesses sur le soutien
d'un Etat palestinien à l'avenir. Un Etat
palestinien qui ne verra le jour, selon la
stratégie américaine elle-même,
que lorsqu'Israël sera satisfait de ses
caractéristiques, de ses frontières
et de sa capitale à travers des
négociations non équilibrées
entre une force sauvage et une partie faible qui ne
possède rien sinon des droits
légitimes. De plus, la
sécurité régionale, ainsi que
les intérêts américains
eux-mêmes, ne se réaliseront pas par
l'attaque militaire d'un autre peuple arabe.
En faisant fi des positions arabes soutenant la
paix juste et globale, les Américains ne
font qu'accentuer le manque de confiance envers
leur politique.
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