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Tamer Shawky : Un bac sur trois ans allégera la pression sur les élèves et les parents

Dina Bakr , Dimanche, 20 août 2023

Tamer Shawky, professeur de psychologie pédagogique à l’Université de Aïn-Chams, évalue le système du baccalauréat, après avoir subi plusieurs changements.

Tamer Shawky
(Photo : Mohamad Moustafa)

Al-Ahram Hebdo : Depuis pl us d’une vingtaine d’années, des changements surviennent au système du baccalauréat. Quel en est l’impact sur les élèves ?

Tamer Shawky : Le baccalauréat est la préoccupation des responsables. La première mission de tout ministre de l’Education est de gérer le dossier du baccalauréat. Des changements continus surviennent au système des examens du bac dans des intervalles de temps courts en l’absence de vision réelle du développement pour l’éducation dans toutes ses phases. Ces changements sont rapides de sorte qu’un seul ministre de l’Education pourrait produire de nouveaux systèmes au cours de son mandat comme la tenue du baccalauréat en une seule, deux ou trois années. En plus, les dernières 4 années ont témoigné de 3 modes d’examens différents : des questions de dissertation ou des questions au choix. On a passé ensuite aux questions à 100 % au choix, après un mélange des deux genres de questions : 85 % de l’examen est composé de questions au choix et 15 % de dissertation. Et finalement, la correction est électronique pour les questions au choix et manuelle pour celles qui sont de dissertation. Au niveau de la correction manuelle, un moyen d’évaluation nommé rubrique est adopté pour la correction des questions de dissertation. Il met en place plusieurs niveaux aux critères précis, en commençant par « excellent » jusqu’au « faible ». Ce moyen d’évaluation prend en considération la bonne réponse, la grammaire et la ponctuation. L’instabilité et les transformations continuelles dans le système d’éducation du baccalauréat ont des conséquences négatives sur les élèves : ils sont incapables de se préparer aux examens comme il faut, d’autant plus que les changements dans les modes des examens se sont pas accompagnés par une modification ou un développement semblables au niveau des programmes ou de la préparation des professeurs. De même, les changements perpétuels font que les élèves et leurs parents sont touchés par une inquiétude croissante en raison de l’augmentation du niveau de difficulté des examens avec chaque changement. Les professeurs des leçons particulières ont exploité ces conditions et ont prétendu qu’ils pourraient bien préparer les élèves aux examens du bac. La réalité est que ces professeurs ne sont pas aptes à accomplir cette mission. Résultat : baisse continuelle dans les notes finales des étudiants durant ces dernières années.

— Est-il préférable d’appliquer le baccalauréat en une année ou en 3 années comme c’est le cas des baccalauréats étrangers ?

 — Evidemment, le système d’étaler le bac sur plusieurs années est préférable à celui d’une seule année, aux niveaux psychologique et éducatif. Car ce système à plusieurs années va alléger les pressions financières qui se font en une seule année et il va permettre d’effectuer une évaluation réelle du niveau de l’élève durant ces années consécutives du baccalauréat.

— Que pensez-vous de la séparation ou de la fusion des 2 branches de mathématiques et de sciences au niveau du bac ?

— Fusionner les 2 branches en une seule pourrait avoir des avantages pour l’élève, comme élargir ses connaissances dans les différentes matières et lui donner l’opportunité de choisir entre plusieurs facultés au lieu de se contenter des facultés d’une seule branche scientifique. Mais le fait de garder les 2 branches est plus utile aux niveaux psychologique et éducatif pour les élèves, et ce, pour plusieurs raisons, comme la possibilité d’avoir accès aux études compatibles avec les capacités de l’élève. Par la suite, il n’aura pas de stress dans l’étude de matières supplémentaires qu’il ne préfère pas. De même, grâce au développement technologique, le monde s’oriente vers les études spécialisées et la spécialisation qualificative. C’est pour cela qu’il est préférable de séparer la branche des mathématiques de celle des sciences pour mieux approfondir les connaissances de l’élève du baccalauréat et pour que ces études soient compatibles avec la spécialisation universitaire de plus en plus prononcée.

— Que pensez-vous de la proposition discutée au parlement offrant à l’élève qui souhaite améliorer ses notes au bac de redoubler l’année et de repasser les examens de toutes les matières au lieu d’une ou 2 seulement ?

— Une des raisons augmentant la crainte et l’inquiétude au baccalauréat est le fait que la possibilité de se présenter aux examens existe une seule fois. Au moment des examens, il peut arriver aux élèves des conditions qui influencent négativement leur capacité à répondre aux questions. Alors, l’élève peut ne pas réussir ou avoir des notes faibles qui ne lui donnent pas la possibilité de rejoindre la faculté qu’il préfère. Actuellement, le système de redoubler l’année pour l’amélioration des notes en quelques matières n’est pas en vigueur. Et la deuxième chance se fait uniquement pour ceux qui ont raté l’année et ceux qui ont demandé de reporter l’examen. La proposition présentée au parlement concernant le redoublement de l’année en vue de l’amélioration des notes dans toutes les matières a des avantages, comme celui de donner la chance aux écoliers qui ont réussi leurs examens, et non seulement à ceux qui les ont ratés, d’améliorer leurs notes et de pouvoir ainsi avoir accès à leur faculté préférée. Autre avantage est celui d’éliminer l’inquiétude de passer un examen une seule fois et de réduire les pressions psychologiques liées au bac chez les élèves et leurs parents.

— Que pensez-vous de l’annulation par le ministère de l’Education des examens des matières dites de niveau élevé, qui donnent des notes supplémentaires à l’élève du bac ?

— Il est préférable d’annuler les matières de niveau élevé, car l’évaluation au bac compte sur la comparaison des notes des élèves dans un ensemble de matières précises. Alors, le fait d’effectuer d’autres examens de niveau élevé dans certaines matières sélectionnées par les élèves n’a aucune importance éducative. Du point de vue pédagogique, le niveau élevé doit être basé sur les activités sportives ou artistiques de l’étudiant loin des matières scientifiques comme la biologie pour la branche des sciences ou la géographie pour la branche des lettres.

— Pourquoi le ministère de l’Education a-t-il voulu régulariser les centres des leçons particulières ?

— Ces centres sont devenus nombreux et ils provoquent beaucoup de problèmes. Ils engagent des enseignants qui n’ont pas de diplôme pédagogique. On peut par exemple trouver un diplômé d’agriculture qui enseigne la chimie et un diplômé de service social qui enseigne la philosophie. Souvent, les critères de la sécurité de ces centres sont absents, notamment à la lumière de la densité des classes. En plus, l’Etat ne perçoit pas d’impôts de ces centres. Régulariser ces centres donnera de la légitimité aux leçons particulières, ce qui effacera le rôle de l’école.

— Pourquoi le ministère de l’Education a-t-il pensé à accorder la gestion des groupes de soutien scolaire à une société privée ?

— Les anciens groupes de soutien scolaire avaient des inconvénients. Ces groupes se faisaient à l’école après la journée scolaire. Les bons professeurs n’avaient pas apprécié ces groupes car ils ne recevaient pas régulièrement leurs primes, ils pourraient les avoir une année plus tard. Ces primes, qui sont déjà faibles, subissent beaucoup de prélèvement par la direction de l’enseignement, le ministère de l’Education et l’école. Alors, les professeurs ont quitté ces groupes. Ultérieurement, le ministère de l’Education a pensé à transférer la gestion des groupes de soutien à une société privée, afin de pallier les carences susmentionnées concernant la rémunération des enseignants. Ce qui aura pour conséquence d’attirer les bons professeurs. Les frais d’inscription des élèves à ces groupes de soutien seront fixés par le ministère, afin de ne pas augmenter les charges financières des familles et sans perdre les droits de l’enseignant. Ce type de groupes de soutien peut contribuer au développement du processus éducatif, et il est aussi un moyen de faire revenir les élèves à l’école.

— Y a-t-il une tendance gouvernementale pour la privatisation de l’éducation ?

— La gratuité de l’éducation est intouchable d’après la Constitution égyptienne, bien que les élèves des écoles gouvernementales paient le prix de l’uniforme, des livres et des leçons particulières. Le problème est que le ministère n’a pas développé de stratégie réelle et homogène pour l’éducation en Egypte. La création d’un Haut Conseil national pour l’éducation et la formation est prévue ; il va oeuvrer pour le développement de l’éducation de la maternelle jusqu’au baccalauréat. Alors que le développement des examens du bac nécessite une réflexion, car les étudiants ont été habitués à apprendre par coeur et ne sont pas habitués à comprendre au-delà du programme.


(Photo : Mohamad Moustafa)

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