Jeudi, 12 décembre 2024
Société > Mode de vie >

Vins, huiles, cosmétiques: une exposition à Paris invite à humer les arômes antiques

AFP , Samedi, 26 octobre 2024

sd

Quel goût avait le vin gallo-romain ? Que sentaient les parfums grecs ? : une exposition rétrospective à Paris invite à découvrir et humer les saveurs antiques, sur les pas d'un archéologue du Collège de France.

Pendant près de 50 ans, Jean-Pierre Brun s'est consacré à l'étude des techniques et économies de l'Antiquité, en fouillant les quartiers artisanaux de Pompéi, en s'intéressant à la viticulture en Gaule ou en reconstituant la chimie des parfums de la Grèce antique.

"Une archéologie très différente de ce que pouvaient faire ses pairs avant lui", consistant non pas à travailler sur "la grande histoire de l'Empire romain", mais sur "le quotidien de la classe moyenne", explique à l'AFP Julien l'historien Auber de Lapierre, commissaire de cette exposition qui voyage à travers des sites archéologiques situés en Italie, Grèce, France et dans le désert oriental égyptien.

Les amphores, bouchons de liège, lampes à huile et vases à parfum --le musée du Louvre a prêté des pièces pour l'exposition-- tout comme les pressoirs, chais et navires de transport, exposés sous forme de maquettes, ont fourni au chercheur de précieux renseignements sur ces produits.

Les parfums, aux usages très divers - cosmétique, massages, soins médicaux, parfumage du linge ou des banquettes des thermes... - sont en revanche longtemps restés mystérieux.

Il existait certes les recettes de Dioscoride, médecin et pharmacologue grec du 1er siècle. "Mais ça restait un peu abstrait", raconte le commissaire d'exposition.

En analysant les sédiments retrouvés au fond de vases à parfum en collaboration avec un chimiste spécialisé, l'archéologue français a pu recréer une de ces huiles odorantes, le rhôdinon, que le visiteur de l'exposition est invité à humer.

"Il vous fallait de l'huile d'olive verte, une base racinaire - le calamus, une sorte de roseau légèrement odorant - qui servait de fixateur, et des roses de Damas. Ce mélange devait être brassé à la main dans de grandes jarres dont l'intérieur était recouvert de miel et vos mains devaient être recouvertes elles aussi de miel", détaille M. Auber de Lapierre.

- Réseaux commerciaux -

Autre produit majeur, consommé aussi bien par l'aristocratie que par les classes plus populaires, le vin était, lui, "très différent" de celui que nous connaissons.

"On le faisait peu vieillir, ce qui lui donnait un goût assez âpre. Les vins étaient régulièrement coupés à l'eau ou fortement épicés pour casser cette âpreté. Ca ressemblait un peu à un vin cuit", explique M. Auber de Lapierre.

Au-delà des goûts retrouvés, vins, huiles et parfums racontent la vitalité économique d'un monde méditerranéen dominé par l'agriculture et déjà très relié d'une région à l'autre.

"Les réseaux commerciaux sont extrêmement denses, note-t-il. On a toujours tendance à croire qu'au XXIe siècle, on vit dans un monde interconnecté, mais c'était déjà le cas pour ces périodes".

La découverte dans le sud de la France de villas agricoles "en capacité de produire plusieurs milliers d'hectolitres à l'année" a montré que la culture de la vigne n'y était pas juste "une production d'amateurs pour une consommation locale mais à des fins d'exportation", note le commissaire d'exposition.

Dans ce cas aussi, les amphores "parlent sans avoir besoin de texte". Certaines, aux formes et marques caractéristiques, ont voyagé de Tunisie vers la péninsule italique.

D'autres ont été retrouvées aux confins du monde antique, en Allemagne ou dans le désert égyptien, où les garnisons romaines surveillaient les routes commerciales vers le sous-continent indien.Là, leurs tessons servaient de supports pour échanger des messages de fortins en fortins, par exemple sur des bagarres entre soldats.

"De la petite histoire, mais qui permet de redonner vie et une certaine humanité à ces routes caravanières", souligne M. Auber de Lapierre.

Gratuite, l'exposition "Vins, huiles et parfums. Voyage archéologique autour de la Méditerranée antique", est visible du 28 octobre au 31 janvier.

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique