« Comme je dis, le rêve, c’est gratuit ». Walid Regragui a rêvé et fait rêver le Maroc, l’Afrique et le monde arabe avec lui. Les Lions de l’Atlas se sont qualifiés pour les demi-finales de la Coupe du monde aux dépens du Portugal de Cristiano Ronaldo (1- 0) pour devenir la première équipe africaine et arabe à se hisser au carré d’or du mondial.
Les klaxons et célébrations ont éclaté au Maroc et à Doha, ainsi que dans la grande majorité des pays arabes et africains. Les félicitations ont afflué du monde entier. « Sincères félicitations à nos frères du Royaume du Maroc pour la victoire honorable de son équipe nationale et sa qualification historique pour les demi-finales de la Coupe du monde de la Fifa », a déclaré le ministère égyptien des Affaires étrangères dans un communiqué officiel. « Historique et fantastique ! Les Lions de l’Atlas sont qualifiés pour les demi-finales de la Coupe du monde ! Bravo le Maroc », s’exclamait Macky Sall, le président du Sénégal, sur son compte Twitter. « Quel exploit des Lions de l’Atlas pour l’histoire du Continent ! », félicitait à son tour la Confédération africaine de football. Historique, exceptionnel, sensationnel ... Les mots et les émotions ne manquent pas, surtout si l’on sait que c’est la troisième fois seulement qu’une équipe noneuropéenne ou sud-américaine accède à ce niveau dans l’histoire de la compétition, après les Etats- Unis en 1930 et la Corée du Sud en 2002.
« C’était mon discours depuis le début, ce que j’ai essayé de leur rentrer dans la tête : c’est bien de participer au Mondial, les supporters sont contents ... Mais on a des joueurs qui jouent dans les meilleurs clubs et une équipe qui peut gagner des matchs en Coupe du monde. C’est aussi important pour les générations futures, on montre que les pays africains peuvent aller en demifinales ! », commente Regragui après le match avec le Portugal. Le Maroc avait créé l’exploit en 1986 en devenant la première équipe africaine à se qualifier pour les 8es de finale. Le Cameroun de Roger Milla en 1990, le Sénégal d’El-Hadji Diouf en 2002 et le Ghana d’Asamoah Gyan en 2010 avaient hissé la barre un peu plus haut en frôlant le seuil des quarts de finale. Mais Les Lions ont franchi le plafond de verre grâce à leurs talents et leur force mentale.
Esprit d’équipe
« Ce n’est pas la plus belle équipe au niveau du jeu, mais c’est la plus belle au niveau du coeur et de l’envie. Quand on voit Ziyech ou Boufal aujourd’hui, je pense qu’ils n’ont jamais autant couru de leur vie, mais ils le font naturellement. On montre que dans la vie, même si t’as moins d’argent ou de qualités, si tu te bats et que tu y crois, tu peux. Quand tu regardes Rocky Balboa, t’as envie d’être Rocky, car il vient d’en bas. On est un peu le Rocky de cette Coupe du monde », explique Regragui.
Le Maroc a débuté ce Mondial avec un profil bas, dans un groupe où ses chances semblaient minimes en présence de la Croatie, vicechampionne du monde en 2018, et la Belgique, 2e au classement mondial de la Fifa. Mais les hommes de Regragui se sont hissés à la tête du groupe avec 7 points après leur victoire contre la Belgique (2-0), le Canada (2-1) et un nul contre la Croatie (0-0). Face à l’Espagne, ils éliminent les champions du monde de 2010 aux tirs au but (3-0) après une bataille acharnée de 120 minutes qui avait donné un score nul.
Les Lions avaient déjà réalisé l’exploit, et pourtant, ils ont continué à rêver face au Portugal. L’attaquant Youssef En-Nesyri a sauté très haut, presque planner (2,78 m selon beIN sports) au-dessus de la défense pour marquer d’une tête splendide à la 43e minute, et ensuite résister à la pression portugaise tout au long de la deuxième période marquée néanmoins par l’expulsion de l’attaquant Walid Chediri, à quelques minutes du coup de sifflet final. Cette équipe possède de nombreux talents comme l’ailier de Chelsea Hakim Ziyech, de retour au bercail, le latéral du PSG Achraf Hakimi, ou encore le latéral de Bayern Munich Nabil Mazraoui. Mais c’est le collectif qui prime. Avant même le début de la compétition, l’équipe a manqué certains joueurs en raison de blessures, et elle en a perdu d’autres au cours de la compétition : Nayef Aguerd ou Mazraoui. Mais tous les joueurs ont ensuite répondu présent à l’appel et ont fusionné. Bien que 14 des 26 joueurs soient nés hors du Maroc, les joueurs ont montré une grande cohésion. « Nous sommes tous unis derrière le drapeau du Maroc et il n’y a aucune différence entre nous. Peu importe où nous sommes nés, nous avons tous du sang marocain et on se donne de tout coeur sur la pelouse. Les gens s’identifient à nous maintenant et tout le peuple marocain, et je pense arabe, nous soutiennent. Nous avons donné de la joie et de l’espoir à notre peuple, mais nous devons rester concentrés sur ce qu’on fait sur le terrain », commente le gardien Yassin Bounou, né lui-même au Canada.
Imperméable
Durant leur parcours, Les Lions de l’Atlas ont montré une discipline tactique remarquable basée sur une excellente organisation défensive. Avec un seul but concédé, par ironie du sort celui d’Aguerd dans ses propres filets, le Maroc possède la plus solide défense de la compétition. Regragui, grande révélation du Mondial, a organisé son équipe selon un schéma de 4-1-4-1 qui se transforme en 4-5- 1 dans la position défensive. La défense à quatre avec Romain Saiss et Aguerd dans l’axe, et Hakimi et Mazraoui sur les couloirs devant l’excellent Bounou dans les cages a été infaillible. Avec un excellent récupérateur, Sofiane Amrabet, qui cassait toutes les attaques au milieu et le relayeur Azzeddine Ounahi, l’axe était fermé tandis que Ziyech et Boufal, les flèches offensives du jeu, étaient toujours prêts à se replier et tacler pour bloquer les couloirs.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes: sur 45 tirs subis durant les 5 derniers matchs, 9 seulement étaient cadrés. Les Marocains s’appuient sur l’efficacité et le réalisme de leur système: peu importe qui a le ballon, tant qu’il ne franchit pas la ligne de but. Ils se sont hissés à ce niveau avec une moyenne de possession de balle de 29,8% et ils ont résisté face à la Tiki Taka espagnole qui a effectué 1 041 passes, contre 343, sans pouvoir créer la menace.
L’affiche Maroc-France
Le plus grand test de cette défense rodée est encore à venir face à la foudroyante attaque française de Kylian Mbappé, jusqu’à présent buteur du tournoi avec 5 buts, d’Antoine Griezmann, et Olivier Giroud, meilleur buteur de l’histoire des Bleus. « C’est beau. Peu de personnes pouvaient s’attendre au Maroc en demi-finales de la Coupe du monde. Vainqueurs de l’Espagne en 8es de finale et du Portugal en quart, ils n’ont pris qu’un but. Ce n’est plus une surprise. Ils ont aussi l’opportunité de jouer leur place en finale. Il faut respecter l’adversaire. C’est leur mérite, personne ne peut l’enlever. Avec ce que cette équipe a réalisé, il n’y a qu’un mot à dire: bravo. C’est le mérite des joueurs, mais aussi du sélectionneur (Walid Regragui) et du staff. Leur résultat n’a pas été usurpé », a déclaré le sélectionneur français, Didier Deschamps.
Une première depuis 2007, cette confrontation Maroc-France sera très intense sur et hors du terrain. Le président français, Emmanuel Macron, a annoncé qu’il se rendrait à Doha pour soutenir l’équipe nationale. Les autorités françaises avaient déployé plus de 1200 officiers samedi dernier pour contrôler les célébrations des Marocains à Paris après le match contre le Portugal. Ce nombre sera multiplié si l’on considère l’enjeu du match et les 1,3 million de Marocains (première et deuxième générations) vivant en France selon le dernier recensement de l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) datant de 2008 et publié en 2012.
Quel que soit le résultat de mercredi, un tournant historique a déjà eu lieu. Reste à jouer les 180 minutes. Mais à ce stade, tout est permis et on rêve avec le Maroc.
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