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Ahmed Abdel-Latif : Les risques climatiques ont des implications pour la paix, la sécurité et le développement

Amira Samir , Dimanche, 06 novembre 2022

L’ambassadeur Ahmed Abdel-Latif, directeur du Centre international du Caire pour la résolution des conflits, le maintien et la consolidation de la paix (CCCPA), explique les objectifs de l’initiative CRSP et l’importance d’intégrer le facteur climat dans la prévention des conflits.

Ahmed Abdel-Latif

Al-Ahram Hebdo : « Réponses climatiques pour la pérennisation de la paix » (CRSP) est le nom de l’initiative proposée par la présidence de la COP27. Quelle est l’importance de cette initiative développée par le CCCPA ?

Ahmed Abdel-Latif : Pour la première fois, la présidence d’une COP présentera une initiative ayant trait au Nexus Climat, paix et développement. L’initiative reflète aussi les priorités de la COP27 en termes de focus sur la mise en oeuvre, le passage à l’action et le renforcement du soutien en particulier en termes d’adaptation et de financement et de s’assurer que nous apportons des réponses intégrées aux défis à venir.

— Quel lien entre climat et conflit ? Et quelle est l’importance d’intégrer le facteur climat dans la prévention des conflits ?

— Comme le souligne l’indice ND-Gain, 60 % des 20 pays considérés comme les plus vulnérables au changement climatique sont affectés par les conflits armés. Aussi, le 6e rapport du GIEC sur les changements climatiques 2022 : Impacts, Adaptation et Vulnérabilité a souligné l’urgence de créer des synergies entre adaptation climatique et consolidation de la paix afin d’aborder de manière holistique les vulnérabilités liées au changement climatique, ainsi que la fragilité et les risques de conflits.

— Comment le réchauffement climatique menace-t-il la paix, la sécurité et la stabilité en Afrique ?

— Le changement climatique présente des risques qui vont de l’insécurité alimentaire et hydrique et de la concurrence pour les ressources naturelles à la perte des moyens de subsistance, ainsi qu’aux déplacements. Ces risques interdépendants et en cascade peuvent avoir des implications importantes pour la paix, la sécurité et le développement à travers le continent.

— Quels sont donc les principaux objectifs de cette initiative afin d’assurer la sécurité climatique en Afrique ?

— L’objectif principal est de s’assurer que les réponses intégrées en matière de changement climatique contribuent à la paix et au développement durable tout en étant conformes à l’appropriation nationale et la spécificité du contexte, et en se focalisant sur les pays fragiles et en conflit et ceux qui sortent des conflits.

L’initiative contribuera à la réalisation des objectifs de l’Agenda 2030 des Nations-Unies pour le Développement Durable (ODD), notamment ceux ayant trait à la faim zéro (objectif numéro 2), à l’égalité entre les sexes (5), aux mesures relatives à la lutte contre le changement climatique (13), à la paix, la justice et les institutions efficaces (16) et aux partenariats pour la réalisation des objectifs (17). De même, elle contribuera à la réalisation de l’Agenda 2063 de l’Union africaine (l’Afrique Que Nous Voulons), l’initiative africaine « Faire Taire les Armes » et la Stratégie et le Plan d’Action sur le Changement Climatique et le Développement Résilient en Afrique (2022-2032).

— Quels sont les piliers et les points d’action proposés afin de mettre en oeuvre cette initiative ?

— L’initiative est basée sur 4 piliers. Le premier consiste à renforcer le lien entre les interventions en matière d’adaptation climatique et celles en matière de consolidation de la paix. Ces deux domaines sont des priorités pour l’Afrique et nous souhaitons nous assurer que les deux fonctionnent en tandem. Aussi, les investissements en matière d’adaptation au changement climatique peuvent aider à consolider la paix et vice versa.

Le second pilier consiste à pérenniser la paix grâce à des systèmes alimentaires résilients face au changement climatique. Il existe une dynamique où les conflits aggravent l’insécurité alimentaire et vice versa, et qui est exacerbée par des impacts climatiques accrus. Un exemple de cela est la vague de sécheresse sans précédent à laquelle nous assistons sur la Corne de l’Afrique, où aujourd’hui plus de 20 millions de personnes sont menacées par la famine.

Le troisième pilier est le fait de faire avancer les solutions durables traitant du lien climat-déplacement. La Banque mondiale estime que d’ici 2050, plus de 100 millions d’Africains seront déplacés par le changement climatique, un phénomène auquel nos sociétés ne sont guère équipées pour y faire face à grande échelle et qui aura des impacts énormes sur la stabilité du continent.

Pour le dernier pilier, il s’agit d’accélérer le financement climatique pour pérenniser la paix. Le financement est une priorité importante pour la COP. L’Afrique, pourtant, ne reçoit que 4 % du financement climatique mondial, alors que celle-ci contribue le moins à la crise climatique avec seulement 4 % des émissions de CO2. Elle reste pourtant le continent le plus vulnérable à ses effets dévastateurs. Les pays fragiles et en conflits reçoivent une part encore plus réduite.

Les activités pour chaque pilier traitent des lacunes en matière de politiques, de connaissances et au niveau opérationnel entre le climat, la paix et le développement.

— Renforcer le Nexus Adaptation climatique et consolidation de la paix figure parmi les principaux piliers de cette initiative. Pouvez-vous nous en parler ?

— L’adaptation au changement climatique et la consolidation de la paix sont des axes de priorités pour l’Afrique. En ce sens, il est important de promouvoir des interventions en matière d’adaptation au changement climatique qui soient sensibles aux conflits et soucieuses de la paix, ainsi que de concevoir des interventions en matière de consolidation de la paix qui soient sensibles au climat, notamment en développant des outils (manuels et stratégies) et en établissant des réseaux de recherche-pratiques afin de faire parler le même langage à ces deux communautés.

— La sécurité climatique est un sujet relativement récent. Comment voyez-vous l’importance d’élaborer une base de connaissances afin de combler les lacunes en matière de données ?

— Les lacunes en matière de connaissances et de données seront comblées à travers la production de recherches axées sur les politiques, des études de cas et la création de réseaux de recherche-pratiques.

— La troisième édition du Forum d’Assouan tenue en juin 2022 a souligné l’importance des réponses climatiques intégrées pour s’adapter au climat. Quelles sont les solutions et mesures adoptées afin de réaliser ces objectifs ?

— Le Forum d’Assouan a porté une attention particulière à la question du Nexus Climat, paix et développement, ses délibérations ont souligné que la prévention et la résilience, ainsi qu’une planification inclusive et intégrée en matière de changement climatique peuvent générer des gains pour le développement, tout en atténuant les risques pour la paix, la stabilité et le développement liés au changement climatique. Aussi, une attention particulière sera prêtée au fait de renforcer le rôle des femmes, des jeunes et des communautés en situation de vulnérabilité à travers les points d’action de l’initiative susmentionnée.

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