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Sameh Rashed : Il y a bien des défis qui se posent face au nouveau pouvoir, et le désarmement des milices est loin d’être le seul

Maha Salem , Mercredi, 22 janvier 2025

Sameh Rashed, expert en affaires régionales au CEPS d’Al-Ahram, revient sur les défis des nouvelles autorités syriennes, notamment la problématique du désarmement des milices et de leur intégration dans la future armée syrienne. Entretien.

Sameh Rashed

 Al-Ahram Hebdo : Les nouvelles autorités syriennes ont promis le désarmement des factions armées en Syrie et leur intégration dans l’armée syrienne. La tâche sera-t-elle facile ?

Sameh Rashed : Pas du tout. C’est une tâche très difficile à accomplir. Convaincre les combattants qui ont pris les armes en 2011 de déposer leurs armes n’est pas une chose aisée. C’est pour cela qu’Ahmed Al-Chareh veut y parvenir d’une façon subtile, en formant une nouvelle armée syrienne et en y intégrant les différents groupes. Al-Chareh a appelé toutes les milices armées présentes sur le territoire syrien, ainsi que tous les membres des anciennes armées syriennes et tous ceux qui veulent rejoindre la nouvelle armée syrienne à se présenter à des bureaux et aux centres d’entraînement dépendant du groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS). D’ores et déjà, une dizaine de ces factions qui combattaient le régime de Bachar Al-Assad ont répondu présents, de même que des officiers de l’armée du régime déchu. Ainsi, la nouvelle armée syrienne sera dirigée par HTS. Ce groupe est lui-même formé de plusieurs groupuscules. Il est vrai qu’Al-Chareh a réussi à les unifier, mais diriger une armée en bonne et due forme est une autre affaire. Plusieurs questions importantes sont à clarifier. D’abord, il n’est pas facile aux membres de l’ancienne armée syrienne d’être aux ordres de leurs anciens ennemis. Mais ces membres n’ont pas d’autre alternative que de travailler avec les nouvelles autorités. Ces dernières ont cependant dit que ceux qui ont du sang sur les mains ne seront jamais acceptés.

Ensuite, certains groupes affiliés à l’Iran résistent. L’Iran a reçu plusieurs coups durs ces derniers temps et la perte d’un régime allié, celui de Bachar Al-Assad, est le dernier en date. D’autant plus qu’Al-Chareh a clairement dit qu’aucun pays n’interviendra dans les affaires internes, faisant référence à l’Iran. Mais ce dernier va tenter de continuer à garder une certaine influence en soutenant toujours certains groupes. Il y a le risque de la naissance de nouveaux groupes armés. Enfin, il y a la question très problématique des Forces Démocratiques Syriennes (FDS).

— Justement, les FDS à l’heure actuelle mènent des combats contre des combattants pro-turcs. Leur statut est très délicat : ils ont été soutenus par les Américains dans la guerre contre Daech, mais ils posent problème à la Turquie en raison de la question kurde …

— En effet, d’un côté, la présence des FDS et leur puissance servent les intérêts américains dans la région, de l’autre, c’est un frein aux ambitions turques. C’est aussi un problème pour les nouvelles autorités syriennes. Mais Washington continuera à soutenir les FDS pour protéger ses intérêts et pour maintenir l’équilibre des forces en Syrie. A travers les FDS, les Etats-Unis peuvent faire pression sur Damas et Ankara. En même temps, ils peuvent laisser la Turquie ou les forces d’Al-Chareh combattre les FDS pour les contrôler. Une sorte de jeu pour maintenir un certain équilibre. Washington peut les obliger à s’allier avec Al-Chareh, mais la présence de combattants kurdes en Syrie dérange au plus haut niveau la Turquie.

— Le désarmement des milices est-il le plus grand défi des nouvelles autorités ?

— Il y a bien des défis qui se posent face au nouveau pouvoir et le désarmement des milices est loin d’être le seul ! Le plus dangereux est une nouvelle guerre civile ou des luttes intestines importantes au sein de HTS. Il y a aussi le risque d’un prolongement de la période de transition. Al-Chareh a parlé de quatre ans. Mais certaines estimations prévoient une dizaine d’années, voire plus. Car pendant les 13 dernières années, ni l’opposition politique ni l’opposition armée ne se sont accordées ; au contraire, leurs différends sont très profonds.

— Et qu’en est-il de la présence russe ?

— La Russie a deux bases militaires dans le pays, elle ne peut pas les quitter, mais elle réduira sa présence. Et puis ces dernières années, la Russie a trouvé une alternative pour être présente en Méditerranée : la Libye.

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