En 2018, le gouvernement égyptien lançait l’initiative nationale de l’identité visuelle avec l’objectif de donner à chaque gouvernorat et à chaque ville un nouvel aspect en faisant l’amalgame entre la noblesse du passé et l’originalité du présent. C’est dans ce contexte qu’ont été lancés les travaux de réaménagement de la rue Al-Nabi Daniel à Alexandrie afin de lui donner un aspect touristique.
Six ans après le lancement de l’initiative, cette rue emblématique du centre-ville d’Alexandrie apparaît sous un nouveau visage. Les bâtiments ont été rénovés et de petits kiosques ont fait leur apparition, dans lesquels les marchands de livres posent leurs marchandises.
« Je vends des livres ici depuis 1965. Tout a changé, la rue est devenue un site touristique de premier plan », explique Salem Gouda, vendeur de livres. Et d’ajouter : « La rue Al-Nabi Daniel est à présent un lieu emblématique de la culture à Alexandrie, non seulement en raison du grand nombre de bibliothèques qui s’y trouvent, mais aussi parce qu’on y vend des livres rares et à bas prix ».
Les travaux de réaménagement de la rue ont commencé par la rénovation de la gare Mahattet Masr, qui était très anarchique et qui a été transformée en un véritable joyau, donnant l’exemple à d’autres régions d’Alexandrie. Outre la gare, on a rénové et éclairé les bâtiments à caractère patrimonial, tels que la poste, et on a installé une fontaine dansante avec des jeux de lumière et des allées piétonnes, en plus de l’inauguration du Musée gréco-romain qui se trouve à la rue Fouad après sa restauration.
Les travaux comprenaient aussi la restauration et la peinture des façades de 16 bâtiments. On a donné un aspect unifié à tous les magasins de la rue, notamment au niveau des enseignes publicitaires. Les petits kiosques réservés à la vente des livres sont conçus de manière harmonieuse en accord avec le caractère patrimonial de la rue en général. Pour faciliter la circulation des citoyens dans la rue, l’ancienne couche d’asphalte a été éliminée et remplacée par un revêtement adapté à la nature patrimoniale de la rue. En plus, la rue a été dotée d’un système d’éclairage similaire à celui qui se trouve dans l’entourage du Musée gréco-romain pour mettre en valeur les décorations architecturales des bâtiments.
Les commerçants de la rue affirment que le réaménagement a permis une meilleure circulation des personnes et des marchandises car c’est désormais une rue piétonne, et cela a définitivement augmenté le mouvement de vente dans la rue. C’est ce qu’affirme Marzouq Soliman, vendeur. Il explique que les nouveaux kiosques sont loués aux commerçants à 750 L.E. par mois avec des contrats de 9 ans et une augmentation de 5 % par an à compter de l’année prochaine.
Salem Al-Masri, un des habitants de la rue Al Nabi Daniel, réside dans la rue depuis plus de 50 ans. Il se dit content que la rue ait été rénovée. « On attendait ces travaux depuis longtemps. La rue n’avait jamais été témoin d’un tel développement depuis sa création. Nous sommes heureux parce que notre rue possède aujourd’hui un caractère très distinctif qui fait qu’elle ressemble aux rues en Europe. En plus, l’interdiction des voitures est une chose positive qui aide les touristes à se déplacer facilement et à profiter de l’élégance et de la beauté de la rue ».

« Le réaménagement de la rue Al-Nabi Daniel fait partie d’un grand projet de modernisation du centre-ville d’Alexandrie, riche par son architecture et son caractère urbain, et qui reflète le caractère cosmopolite de la ville », a déclaré le gouverneur d’Alexandrie, Ahmed Khaled. Le projet de réaménagement de la rue Al-Nabi Daniel était à la base une proposition de l’Agence nationale de coordination culturelle. La rénovation de la rue, d’une longueur de 750 mètres, a coûté plus de 143 millions de L.E. Les travaux étaient divisés en trois phases, les deux premières sont totalement achevées. Quant à la troisième phase, elle est en cours d’achèvement.
Une rue millénaire
« L’histoire de la rue Al-Nabi Daniel remonte à 331 av. J.-C., lorsque Alexandre le Grand a ordonné à l’ingénieur grec Dinocrate de construire la ville d’Alexandrie pour en faire la nouvelle capitale de son empire. La ville avait en effet un excellent emplacement qui pouvait en faire le noyau d’une nouvelle ère », explique Ahmed Abdel-Fattah, archéologue et ancien directeur général des musées et des sites archéologiques d’Alexandrie. La rue Al-Nabi Daniel était une rue principale longitudinale au moment de sa construction. Aujourd’hui, certains bâtiments qui s’y trouvent sont inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. La plupart des bâtiments de la rue ont plus de 100 ans. Al-Nabi Daniel est la plus ancienne rue d’Alexandrie et compte des bâtiments religieux à la fois musulmans, chrétiens et juifs. Au début de la rue se trouve la mosquée d’Al-Nabi Daniel qui date du XVIIIe siècle et qui est considérée comme l’une des plus anciennes mosquées de la région. Elle porte le nom du prophète Daniel, un des prophètes de l’Ancien Testament. La mosquée figure sur la liste des monuments islamiques et coptes depuis 2005. Au milieu de la rue se trouve la synagogue d’Eliahou Hanabi, restaurée par le ministère des Antiquités en 2018 et qui est l’un des bâtiments juifs les plus importants et les plus grands d’Egypte, créé par la communauté juive d’Alexandrie en 1881. La synagogue renferme 63 exemplaires anciens de la Torah.
« La cathédrale de Saint-Marc d’Alexandrie, la plus ancienne église d’Afrique, fait également partie des monuments de la rue Al-Nabi Daniel. L’église a une grande importance à la fois patrimoniale, religieuse et historique. Elle a été construite par saint Marc en l’an 43 après J.-C. dans la maison d’un cordonnier égyptien nommé Anianus, qui était le premier à se convertir au christianisme en Egypte. Sa maison a été transformée en église, la première d’Afrique », ajoute Abdel-Fattah.
Malgré le temps qui passe et la succession des époques, la rue a conservé son patrimoine culturel ancien. Outre la mosquée, l’église et la synagogue, la rue abrite de nombreux bâtiments patrimoniaux du XIXe siècle, ainsi que des installations historiques telles que les bâtiments des pères franciscains, qui habitaient auparavant la ville, ainsi que le bâtiment de l’Institut français, considéré comme un chef-d’oeuvre architectural qui emmène le visiteur dans un voyage dans le temps et dans le monde de l’authenticité et de la noblesse du passé, en particulier du XVIIIe siècle et de l’époque de Mohamad Ali.
La rue abrite également des bâtiments d’architecture moderne, comme le Palais Aghion dont la construction remonte à la période comprise entre 1885 et 1887 et qui est inscrit depuis 2008 en tant que bâtiment archéologique dans le dossier de protection du patrimoine de la ville. Il est actuellement utilisé par le prestigieux journal Al-Ahram.
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