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Questions autour du nouveau projet de baccalauréat

Chaïmaa Abdel-Hamid , Mercredi, 15 janvier 2025

Le nouveau projet de baccalauréat, présenté par le ministère de l’Education comme une alternative au diplôme actuel de fin d’études secondaires, suscite un vif débat. Focus.

Questions autour du nouveau projet de baccalauréat

L’annonce par le ministre de l’Education et de l’Enseignement technique, Mohamed Abdellatif, d’un nouveau système pour le baccalauréat égyptien, qui représente une alternative au diplôme traditionnel de fin d’études secondaires de Thanawiya Amma, a suscité un grand débat dans la rue égyptienne, ainsi qu’au Parlement. Les réseaux sociaux ne parlent que de ce projet.

Encore au stade de projet, le nouveau système, s’il est adopté, sera appliqué aux élèves qui entrent en première année secondaire l’année prochaine (2025-2026). Il favorise, selon le ministre, la créativité et la pensée critique, afin de remplacer les anciennes méthodes basées sur le parcoeurisme.

« Ce nouveau projet de baccalauréat est basé sur l’apprentissage multidisciplinaire en intégrant les matières scientifiques, littéraires et artistiques, ainsi que sur l’évaluation continue et la répartition des matières sur au moins deux ans. En outre, le système offre une reconnaissance internationale », a déclaré Abdellatif.

Le premier ministre, Mostafa Madbouly, a ordonné que le projet soit soumis à un dialogue sociétal avant son adoption.

Le nouveau bac comprendrait, en vertu de ce système, deux étapes : la phase préparatoire, qui couvre la première année secondaire (10e année d’étude), et la phase principale, qui englobe les deuxième et troisième années (11e et 12e années d’études), avec un total de 14 matières pour les trois années.

La phase préparatoire comprend sept matières fondamentales qui comptent pour la note globale : religion, langue arabe, histoire, mathématiques, sciences intégrées, philosophie, logique et première langue étrangère. Et ce, en plus de la deuxième langue étrangère, la programmation et l’informatique, qui ne sont pas incluses dans la note totale.

La première année de la phase principale (la deuxième secondaire) comportera 4 matières fondamentales, dont la langue arabe, l’histoire égyptienne et la première langue étrangère. Les étudiants doivent ensuite choisir un domaine de spécialisation en fonction de leurs centres d’intérêt parmi plusieurs domaines proposés, à savoir la médecine et les sciences de la vie, les mathématiques et la physique, l’ingénierie et l’informatique, la chimie et la programmation, la comptabilité et la gestion des affaires, les arts et la littérature, et enfin, la psychologie et la seconde langue étrangère.

La troisième secondaire comprendra 3 matières principales dont la religion. La seule différence entre les matières de spécialisation de la troisième année et celles de la deuxième année concerne la médecine et les sciences de la vie. En troisième secondaire les élèves étudieront la biologie avancée et la chimie avancée. Les autres matières restent les mêmes.

Le ministre de l’Education a déclaré que le nouveau système offre aux élèves de multiples opportunités en ce qui a trait aux examens. Il leur permet de repasser les épreuves et d’améliorer leurs notes s’ils échouent à la première tentative. La première tentative d’examen est gratuite et chaque tentative ultérieure coûtera 500 L.E. Les étudiants auront ainsi la possibilité de passer deux examens par an. Pour la deuxième secondaire, les examens auront lieu en mai et en juillet, tandis que pour la troisième année, ils auront lieu en juin et en août.

Dans le système de notation, chaque matière du cycle secondaire sera notée sur un total de 100 points et le score final sera calculé en additionnant les notes obtenues dans chaque matière. L’étudiant peut, s’il le souhaite, étudier des matières supplémentaires à n’importe quel niveau (pour augmenter sa note finale), à condition que cela soit fait après avoir terminé son cursus principal.

L’égalité des chances en question

Buthayna Abdel-Raouf, spécialiste en pédagogie, pense que ce projet comporte des lacunes dont la plus importante est qu’il compromet l’égalité des chances. « Les élèves issus de familles à faibles revenus ne pourront pas améliorer leur pourcentage de notes en repassant l’examen car cela va coûter 500 L.E. par matière, tandis que les élèves issus de familles aisées pourront le faire beaucoup plus facilement. Dans l’incapacité à améliorer leurs notes, les élèves issus de familles à faibles revenus se trouveront contraints de se diriger vers l’enseignement technique », explique Abdel-Raouf.

A noter que les frais d’inscription dans les écoles publiques ne dépassent pas les 550 L.E. Et que la grande majorité des élèves du bac sont issus de ces écoles. En 2023-2024, le nombre des élèves du bac issus d’écoles publiques s’est élevé à 1,77 million, soit 79 % du total des élèves, tandis que le nombre des élèves issus d’écoles privées était de 468 300, soit 21 %.

Abdel-Raouf rappelle qu’une proposition qui permet aux élèves de repasser les examens contre une somme d’argent avait été présentée au Parlement en 2020 par l’ancien ministre Tarek Shawki. Elle avait été rejetée par le Parlement qui y a vu une contradiction constitutionnelle au principe de la gratuité de l’enseignement mentionné dans l’article 19.

Un autre aspect qui ne manque pas d’importance, selon Buthayna Abdel-Raouf, concerne l’absence d’une préparation adéquate. « Les professeurs des écoles publiques sont-ils suffisamment qualifiés pour enseigner de telles matières ? », se demande-t-elle. Et d’expliquer que le ministère de l’Education a repris le système américain, ce qui n’est pas forcément adapté à la société égyptienne. Selon elle, le système ouvre la porte devant l’exploitation des parents qui paieront les 500 L.E. par matière pour permettre à leurs enfants d’améliorer leur pourcentage de notes. « Il ne faut pas oublier qu’il y a des charges financières importantes qui pèsent sur les familles en raison des leçons particulières », affirme Abdel-Raouf, qui insiste sur le fait que pour parler d’un réel changement, « il faut traiter les racines des problèmes ».

Eliminer le parcoeurisme

Voyant l’affaire d’un oeil différent, la députée Gehan El Bayoumi, membre de la commission de l’éducation au Conseil des députés, explique que le système du baccalauréat proposé par le gouvernement comme alternative au système actuel vise à éliminer la peur associée aux examens du bac. « C’est un projet prometteur. Nous sommes face à une expérience différente de la méthode traditionnelle qui consiste à bourrer l’esprit des élèves d’informations et à s’appuyer sur la mémorisation et l’apprentissage par coeur. Ce système d’apprentissage par coeur n’existe plus dans la plupart des pays du monde », souligne-t-elle.

Toutefois, la députée affirme que l’application de ce système doit être soigneusement étudiée, afin de garantir une mise en oeuvre optimale. « Le projet doit être discuté en détail avec le ministre de l’Education et au sein du Parlement », affirme-t-elle.

Le ministère de l’Education et de l’Enseignement technique a annoncé qu’un dialogue sociétal en présence du ministre de l’Enseignement supérieur commencerait le 15 janvier, renfermant des experts, des députés et des journalistes pour discuter des détails de ce projet et tenter de trouver la meilleure formule.

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