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L’Ukraine à l’heure du « Wait and See »

Abir Taleb , (avec Agences) , Mercredi, 11 décembre 2024

L’arrivée prochaine de Donald Trump à la Maison Blanche, doublée d’une déconvenue ukrainienne sur le terrain et de nouvelles équations géostratégiques mondiales, affectent au plus haut niveau le conflit en Ukraine. La période à venir sera décisive. Décryptage.

L’Ukraine à l’heure du « Wait and See »

 Il n’a pas été accueilli en grandes pompes, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, lorsqu’il est arrivé à La Valette jeudi 5 décembre afin de participer aux réunions de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE). La première visite du haut responsable russe dans un pays de l’Union européenne depuis le début de la guerre en Ukraine.

Très vite, les tensions se sont exacerbées. Les ministres des Affaires étrangères de l’Ukraine, de la Pologne et de l’Estonie ont quitté la salle lorsque Sergueï Lavrov a commencé à parler. Avant son départ, le chef de la diplomatie ukrainienne, Andrii Sybiha, a qualifié son homologue russe de « criminel de guerre », tout en remettant en question la présence de la Russie à cette réunion. « La Russie n’est pas un partenaire, c’est la plus grande menace pour notre sécurité commune. La participation de la Russie à l’OSCE est une menace pour la coopération en Europe », a-t-il lancé.

Lavrov, lui, n’a pas manqué d’accuser l’Occident de raviver la Guerre froide et de provoquer un conflit direct avec Moscou. Des mesures poussées, selon lui, par les Etats-Unis et motivées par le désir de « ramener l’OTAN sur le devant de la scène politique ». La « nouvelle guerre froide » menace de devenir « chaude », a fustigé Sergueï Lavrov devant les représentants des 57 Etats participants à l’OSCE, en majorité des pays ayant dénoncé ce qu’ils considèrent comme l’invasion russe de l’Ukraine.

Après la réunion de l’OSCE, Lavrov a gardé le même ton : la Russie, qui dit espérer être « prise au sérieux » après le tir du nouveau missile lourd Orechnik sur l’Ukraine fin novembre, souligne qu’elle est prête à utiliser « tous les moyens » à sa disposition pour se défendre, selon les propos de Lavrov. Les Etats-Unis et leurs alliés doivent « comprendre que nous serions prêts à utiliser tous les moyens pour ne pas leur permettre de réussir ce qu’ils appellent la défaite stratégique de la Russie », a-t-il dit à l’éditorialiste et animateur de télévision américain Tucker Carlson. Selon les autorités russes, ce tir de missile répondait aux bombardements menés par Kiev en Russie à l’aide de missiles américains et britanniques. Tout en insistant sur le fait que la Russie ne veut pas aggraver la situation et souhaite « éviter tout malentendu » avec Washington et ses partenaires, Sergueï Lavrov a prévenu que la Russie enverrait « des messages supplémentaires s’ils ne tirent pas les conclusions qui s’imposent ». Les messages sont déjà là : sur le terrain, la Russie progresse et intensifie ses attaques, notamment sur les infrastructures énergétiques au début de l’hiver.

Des troupes européennes sur le terrain, envisageable ?

Moscou semble ainsi préluder l’éventualité de l’envoi de troupes européennes en Ukraine. En effet, fin novembre, le journal français Le Monde a fait état de discussions européennes sur l’envoi de troupes occidentales et de sociétés de défense privées sur le sol ukrainien et ce, dans la perspective d’un désengagement américain vis-à-vis de Kiev en raison du retour de Donald Trump à la Maison Blanche.

Cette hypothèse est cependant lointaine. D’un côté, elle ne fait pas l’unanimité au sein de l’Europe. De l’autre, elle présente de gros risques. Le conflit risque de s’élargir, de déraper.

Fébrile, Kiev attend et tergiverse. Fin novembre, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, semblait ouvert à la négociation avec Moscou, n’excluant pas une perte temporaire de contrôle sur des territoires ukrainiens occupés par la Russie, contre des garanties de protection de l’OTAN. Mais cette semaine, il a accusé la Russie de ne pas vouloir « une paix réelle » et a affirmé que son pays répondrait également par la force, seule issue, selon lui, pour obtenir l’arrêt des combats. Moscou, de son côté, fort de son avancée sur le terrain, attend de voir comment réagir au changement de politique américaine.

Reste alors l’hypothétique plan du président américain élu, Donald Trump, qui a promis qu’il mettrait fin à la guerre en 24 heures. Pour l’heure, il est pourtant difficile d’imaginer comment concilier les objectifs diamétralement opposés des deux parties : rétablir les frontières d’avant 2014 et obtenir des garanties de sécurité, comme l’adhésion à l’OTAN pour Kiev ; retrait de l’Ukraine des zones revendiquées par la Russie, renoncement au projet de rejoindre l’OTAN, garantie pour que l’Ukraine reste un pays neutre pour Moscou. Sans oublier un autre enjeu de taille, les conflits sont aujourd’hui plus imbriqués que jamais et la chute de Damas, auparavant soutenue par Moscou, risque elle aussi de s’imposer dans l’équation ukrainienne.

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