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En Syrie, un conflit qui renaît de ses cendres

Maha Salem , (avec Agences) , Mercredi, 04 décembre 2024

Dans une offensive surprise et éclair, le groupe armé Hayat Tahrir al-Sham (HTS) a pris Alep, la deuxième ville syrienne. Un revers pour Damas, mais aussi et surtout un développement qui pourrait rebattre les cartes dans la région.

En Syrie

Les regards se sont soudain tournés vers la Syrie à peine après l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu dans le Liban voisin. Alors que la Syrie ne faisait plus parler d’elle depuis des années, une offensive aussi surprenante que rapide a été lancée mercredi dernier par une coalition de factions armées rebelles. Très vite, ces factions ont pris la majeure partie d’Alep et son aéroport. Considérée comme la deuxième ville en Syrie, jouissant d’une grande importance économique, Alep a toujours été une ville-clé dans le conflit entre le régime syrien et les factions armées rebelles.

Il s’agit donc d’un revers important d’autant plus que le groupe Hayat Tahrir al- Sham (HTS), alliance dominée par l’ancienne branche syrienne d’Al- Qaëda, et des factions armées alliées ont mené leur plus grande offensive de ces dernières années contre le régime de Bachar Al-Assad. C’est la première fois depuis 2011 que le régime de Damas perd totalement le contrôle d’Alep.

Trois jours seulement auront suffi pour conquérir des dizaines de villages et Alep, selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH), basé en Grande-Bretagne disposant d’un vaste réseau de sources en Syrie. Les factions armées ont également coupé l’autoroute stratégique M5 reliant Damas à Alep et un noeud routier assurant la connexion à Lattaquié.

L’armée syrienne, qui s’est retirée des combats très vite, serait actuellement en train de préparer une contre-offensive. Depuis dimanche 1er décembre, elle renforce son déploiement autour de la ville de Hama. Selon l’OSDH, « les forces du régime ont réorganisé leurs positions militaires, établi de nouveaux points de contrôle en périphérie de Hama et envoyé d’importants renforts vers des localités stratégiques » dans le nord de la province. Le président syrien, Bachar Al-Assad, a lui assuré que son pays était capable de « vaincre les terroristes ».

Soutien iranien, ambivalence turque

Plus que tout, c’est l’effet surprise de cette offensive qui inquiète et qui interpelle, à tel point que de nombreux analystes estiment qu’il est trop tôt pour comprendre ce qui s’est passé dans les coulisses pour permettre une telle attaque. « Ce que l’on peut confirmer, c’est que l’attaque a été bien organisée et que les groupes armés s’y préparent depuis longtemps », estime Ali Atef, politologue, tout en soulignant que « le véritable enjeu est le timing de cette offensive ». Et d’ajouter : « Le HTS et ses partisans ont profité de l’instabilité régionale et de la faiblesse de leurs rivaux, notamment le Hezbollah, dont les capacités ont été largement réduites. Le Hezbollah avait combattu aux côtés de Damas, maintenant, il n’est plus en mesure de le faire. Par ailleurs, la Russie, soutien essentiel de Damas, est occupée par la guerre en Ukraine. Enfin, l’Iran, un autre soutien important de Damas, fait face à des défis de taille : la question du nucléaire, ses relations avec l’Occident et son bras de fer avec Israël ».

Or, la contre-attaque du régime syrien dépendra fortement de l’aide de la Russie et de l’Iran. D’ores et déjà, l’armée russe a affirmé qu’elle était en train d’aider l’armée syrienne. « L’armée arabe syrienne, avec l’aide des forces aérospatiales russes, poursuit son opération visant à repousser l’agression terroriste dans les provinces d’Idleb, de Hama et d’Alep », a déclaré l’armée russe dans un communiqué publié sur son site Internet. Selon le ministère syrien de la Défense, des avions de combat russes et syriens ont ciblé un convoi de factions armées dans l’est d’Idleb, transportant « des munitions et des combattants ».

En parallèle, dans un soutien affiché à son allié syrien, Téhéran a dépêché dimanche 1er décembre son ministre des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, à Damas. En le recevant, Bachar Al- Assad a souligné l’importance du « soutien des alliés » pour « faire face aux attaques terroristes », a rapporté la présidence syrienne. Le chef de la diplomatie iranienne a, pour sa part, émis l’espoir de voir la Syrie « neutraliser les groupes terroristes et ses soutiens ». Abbas Araghchi a également transmis à cette occasion un message au nom de hautes autorités iraniennes, pour réitérer « le soutien ferme de la République islamique à la Syrie dans sa lutte contre le terrorisme ».

Après Damas, Araghchi s’est rendu dimanche soir en Turquie, un pays-clé, puisqu’il soutient des groupes rebelles en Syrie. En effet, l’offensive intervient à un moment délicat : depuis des années, un potentiel rapprochement entre Damas et Ankara piétine. Moscou et Téhéran plaident pour une détente, mais Damas réclame un retrait des troupes turques déployées dans le nord syrien le long de la frontière. La Turquie, qui soutient les rebelles du nord syrien, réclame la fin des attaques du régime contre la ville d’Idleb, soumise à l’influence turque.

Les discussions sont donc sensibles entre Iraniens et Turcs, les deux étant très concernés par ce qui se passe en Syrie et ayant des positions bien différentes. En effet, si l’Iran se positionne avec la Syrie, la Turquie, inquiète avant tout par la question kurde, a d’autres priorités : empêcher que les forces kurdes ne profitent de la confusion pour engranger de nouveaux gains territoriaux dans le nord de la Syrie et empêcher qu’une contre-offensive de Damas ne pousse vers sa frontière de nouveaux flux de réfugiés.

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