Lundi, 20 janvier 2025
Al-Ahram Hebdo > Arts >

Miniatures de l’époque numérique

Névine Lameï , Mercredi, 27 novembre 2024

L’artiste égypto-yéménite Amr Al-Ngmah combine miniatures arabes et héros de jeux vidéo. Son exposition à Mashrabia est une chevauchée amusante, nous promenant parmi de petites scènes de jeux, entre passé et présent.

Miniatures de l’époque numérique
Les Simpson.

S’agit-il de pop art, de manuscrits anciens, de miniatures, de collages, d’impressions numériques ? L’artiste pluridisciplinaire et autodidacte Amr Al-Ngmah mélange tout ceci dans son exposition à la galerie Mashrabia, Video Games Nostalgia (nostalgie de jeux vidéo). Il procède à une réécriture moderne des miniatures islamiques, cet art qui s’est développé en Andalousie, en Egypte et en Iraq, dans le temps. Il le revisite à l’époque des médias numériques.

Ses oeuvres mêlent alors d’anciens manuscrits, notamment ceux de la littérature persane et indienne, du XIe au XIIIe siècle, et des jeux vidéo populaires des années 1990.

A l’entrée de la galerie, est accroché un immense chef-d’oeuvre, qui rassemble un nombre infini de cartes mères, de circuits électroniques intégrés, etc. Al-Ngmah collecte les composantes de son oeuvre un peu partout, puis il les libère de leurs fonctions d’origine, les démonte, les recycle, les ré-agence jusqu’à en faire une installation magnifique.


Les miniatures persanes se métamorphosent.

A côté de cette installation sont exposées 18 autres oeuvres conceptuelles et interactives, réalisées à l’aide de la technique numérique. Elles offrent un beau jeu de contraste, oscillant entre passé et présent. Certains jeux sont présentés par Al-Ngmah en tant que « phénomènes de masse » de notre époque, ou encore comme une « partie intégrante de la culture populaire moderne ».

« Plus qu’un simple passe-temps, les jeux vidéo ont marqué l’Histoire contemporaine. Ils se caractérisent par leur capacité à dépasser les frontières et à fédérer une communauté mondiale. D’ailleurs, des milliards de personnes à travers le monde jouent à ces jeux. Un chiffre astronomique qui me pousse à m’interroger sur la place du gaming dans le monde de l’art. La production vidéo-ludique est pour moi une forme d’art, issue de l’industrie du divertissement. La dimension artistique des jeux vidéo n’est pas tant dans sa conception que dans la façon dont on les reçoit. C’est ce que j’appelle le gameplay ou la jouabilité », explique Al-Ngmah, qui insiste dans ses oeuvres sur le côté interactif de ces jeux.

L’art numérique des jeux vidéo use de la 2,5D, des images bidimensionnelles, afin de simuler des environnements animés et d’interroger le rapport du réel à l’imaginaire, de la réalité au mythe.

Al-Ngmah se sert de papiers peints à partir de fibres de lin qu’il a cherchés au Metropolitan Museum of Art, il use ensuite d’une technique de retouche à des fins d’impression, de collage/fusion d’images. Un travail qu’il exécute sur ordinateur (PC Hardware et Software, High-Tech, Gaming). Et enfin, on arrive à l’artwork complet, très coloré, que l’on voit dans la galerie.


Superman.

Sur ses oeuvres plutôt marrantes, on remarque des héros emblématiques, des mascottes de jeux vidéo que tout le monde connaît : un Super Mario, un Superman, un personnage masqué (Mask), un Mickey Mouse, des Tortues Ninja, un Sylvester le chat, un Simpson … La liste est longue.

A chaque jeu, chaque oeuvre, il y a une histoire. « Super Mario est une série de jeux vidéo très vendue, et qui est devenue la plus grande création de tous les temps. Mario, un brave homme avec une casquette rouge et une salopette bleue, est considéré comme une icône de la culture pop. Cette culture a été profondément influencée par les médias de masse ; ceux-ci ont confondu avec le temps culture populaire et culture de masse, celle de l’image et de la consommation. Nous permettons à nos enfants de jouer pendant des heures et des heures à des jeux qui sont clairement là pour promouvoir certains produits et encourager des comportements de consommation. Pour moi, ce jeu vidéo est l’outil d’un système de propagande extrêmement puissant », précise Al-Ngmah.

Le monde a besoin d’un sauveur

L’histoire de Super Mario est racontée par Al-Ngmah à l’aide de textes philosophiques, historiques, religieux, calligraphiés en arabe à l’ancienne. L’artiste transforme allégoriquement le message « voulu » et l’insère dans un monde visuellement saisissant, un monde virtuel, créé par la convergence de la réalité physique (art miniature) et de l’Internet (héros mascottes de jeux vidéo).

Mickey Mouse, l’un des personnages mythiques de Walt Disney, n’échappe pas à la règle. « Durant la Deuxième Guerre mondiale, Mickey Mouse a été inventé pour combattre les Nazis », avance l’artiste. Et d’ajouter : « Dans l’expo, je traite également de Simpson, le prototype de la famille de la classe moyenne américaine. Les aventures de ce héros sont une satire du mode de vie américain et de la société de consommation ».


Mickey Mouse.

L’oeuvre intitulée Superman part d’un manuscrit ancien, montrant un couple amoureux. « Superman est un modèle classique du sauveur. C’est un personnage fort et altruiste qui surgit in extremis pour sauver les innocents et les démunis des griffes des dragons ou des scélérats. Le monde a toujours besoin d’un sauveur ».

Al-Ngmah ne se lasse pas, il passe d’un jeu vidéo à l’autre, d’un super-héros à l’autre. Il continue de poser la même question : Où en sommes-nous et quels sont les enjeux de demain ? Avec les aventures numériques hilarantes d’Al-Ngmah, le plaisir est garanti.

Jusqu’au 27 novembre, à la galerie Mashrabia, de 10h à 21h (sauf le vendredi). 15, rue Mahmoud Bassiouni, centre-ville.

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique