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Béchir Abdel-Fattah : Washington tient à ce que les choses ne deviennent pas incontrôlables

Sabah Sabet , Mercredi, 06 novembre 2024

Deux pays restent, pour l’heure, en dehors du conflit, mais risquent d’être entraînés dans le face-à-face entre Israël et l’Iran : l’Iraq et la Syrie. Jusqu’où peuvent-ils se trouver impliqués ? Eléments de réponse avec Béchir Abdel-Fattah, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

Béchir Abdel-Fattah

Al-Ahram Hebdo : L’Iraq a protesté contre l’usage de son espace aérien par Israël, en même temps, selon Axios, l’Iran pourrait frapper Israël depuis son territoire … L’Iraq se trouve-t-il ainsi entraîné malgré lui dans le conflit ?

Béchir Abdel-Fattah : L’Iraq s’inquiète, en effet, sérieusement d’une extension du conflit à son propre territoire. En protestant auprès de l’ONU contre la violation d’Israël de son espace aérien, il indique qu’il veut se tenir à l’écart. En même temps, Bagdad souligne son engagement à défendre sa souveraineté. Mais le dilemme ici est de savoir si l’Iraq peut effectivement empêcher les deux pays d’utiliser son espace aérien, voire son territoire, dans leur conflit. Car d’une part, l’Iraq entretient de fortes relations avec l’Iran et des groupes armés pro-iraniens existent sur son territoire. D’autre part, en raison de la présence militaire américaine dans le pays. C’est d’ailleurs cela qui a permis de fournir un espace aérien sécurisé à Israël pour mener ses frappes contre l’Iran.

— Les conflits régionaux peuvent-ils mener au retour de Daech ?

— Ce groupe évolue toujours dans des endroits en proie à des troubles. La situation régionale actuelle constitue un environnement idéal. Certains rapports ont indiqué que Daech a disparu, ce qui n’est pas vrai. La communauté internationale s’est empressée de célébrer la fin de Daech. Or, le groupe a certes reçu des coups durs, mais il n’a pas disparu. Il s’est déplacé vers le Sahel en Afrique et vers certaines régions asiatiques. De même, ses cellules dormantes existent toujours en Iraq et en Syrie.

— Vous avez évoqué la Syrie, justement elle aussi est un soutien à l’Iran et au Hezbollah et fait l’objet de frappes israéliennes. Cela signifie-t-il une certaine implication dans le conflit ?

— Le régime syrien ne veut pas s’impliquer dans le conflit, il laisse les deux parties faire ce qu’elles veulent sans les en empêcher. Il laisse l’Iran transférer des fournitures militaires au Hezbollah via son territoire et aussi aux groupes armés existant en Syrie et alliés à l’Iran. En même temps, il laisse Israël frapper les lignes d’approvisionnement iraniennes sans interférence de sa part. Comme l’Iraq et pour les mêmes raisons, la Syrie ne peut pas empêcher les deux parties d’utiliser son territoire.

— Oui, mais il s’agit tout de même de deux pays aux positions très délicates ...

— Malgré les menaces réciproques entre Israël et l’Iran et la persistance des fronts enflammés à Gaza et au Sud-Liban, une guerre régionale majeure est exclue, car les Etats-Unis, principal acteur de ce qui se passe dans la région, ne sont pas préparés à une confrontation militaire globale. D’abord, parce qu’une extension du conflit menace les intérêts américains dans la région. Ensuite, un tel scénario conduira à l’implication directe des Etats-Unis dans la guerre pour soutenir Israël, et par la suite, l’intervention d’autres pays, ce que Washington ne souhaite certainement pas.

— Comment donc les Etats-Unis peuvent-ils contenir ces crises ?

— Celui qui gère le rythme des interactions dans la région, ce sont les Etats-Unis. Et ils tiennent à ce que les choses ne deviennent pas incontrôlables. Ils se tiennent aux côtés d’Israël tout en tentant de contrôler ses réactions, comme ce fut le cas avec l’attaque israélienne contre l’Iran. En même temps, Washington a prévenu l’Iran que si sa réponse dépasse certaines limites, il interviendra. Aussi, pour continuer à contrôler le développement de la situation dans la région, Washington ne va pas laisser ses bases militaires en Syrie et en Iraq, au contraire, il enverra davantage d’équipements et de forces militaires pour protéger Israël et empêcher l’aggravation du conflit dans la région.

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